ADOSSPP — Hommage à Claude Peltier

 — Modi­fiée le 25 juillet 2024 à 08 h 34 

Associatif —  Vendredi 20 août, ont eu lieu les obsèques du lieutenant-colonel Claude Peltier, emporté par la maladie quelques jours auparavant. Il fut pendant plus de vingt ans, le président de l’ADOSSPP et à ce titre, directeur de la publication ALLO DIX-HUIT. Voici un extrait des éloges qui lui furent rendus, ainsi qu’un portrait paru dans notre édition papier.

Message d’André-Pierre Lagarde, président de l’ADOSSPP

Cher pré­sident, cher Claude ;

Ta famille, tes amis, tes anciens « frères d’armes », tes anciens col­lègues, tous ceux qui t’ont connu et for­te­ment appré­cié sont tous là pour te dire Adieu et te rendre un der­nier hom­mage. Je suis là, en qua­li­té de pré­sident de l’ADOSSPP, modeste repré­sen­tant de tous ses membres, pour t’exprimer toute notre gra­ti­tude et tout notre res­pect pour ton œuvre au sein de cette belle association. 

Tu pars avant nous, bien trop tôt, bien trop vite. 20 ans de pré­si­dence pour conso­li­der cette asso­cia­tion et per­mettre à cette der­nière de faire face à tous les enjeux actuels et ils sont nom­breux. Toutes tes actions et tes orien­ta­tions dans ta fonc­tion de pré­sident vont nous per­mettre, conscients de nos forces, de fran­chir ces obs­tacles avec séré­ni­té et confiance.

Ta dis­pa­ri­tion nous rap­pelle comme une évi­dence que nous sommes fina­le­ment bien peu de choses et qu’il faut pro­fi­ter de chaque seconde, de chaque minute ici-bas….

J’ai été très heu­reux, fier et recon­nais­sant que tu m’en accordes quelques-unes. Nos che­mins se sont croi­sés bien avant l’aventure ADOSSPP. En effet, jeune « piaf » en 1981, j’ai eu la chance d’être affec­té à la 1ère com­pa­gnie. Tu as été mon pre­mier com­man­dant d’unité et, après une période de doute qui peut se résu­mer à la « froi­deur » de la voûte aus­tère du fort de Vil­le­neuve-Saint-Georges, tu as été un acteur majeur, sans doute sans le savoir, dans mon choix de res­ter dans cette belle mai­son Bri­gade. Tes belles qua­li­tés m’avaient convaincu.

Puis, je t’ai retrou­vé à l’ADOSSPP. Pour moi, ta pré­sence dis­crète mais bien réelle m’a per­mis de décou­vrir cette asso­cia­tion avec ses par­ti­cu­la­ri­tés, ses limites et ses poten­tia­li­tés. Tu as été notre sage qui savait avec intel­li­gence, sou­plesse et huma­ni­té, nous gui­der, nous éclai­rer. Chaque fois qu’un sage meurt, c’est un che­min qui s’obscurcit. Les lumières de la connais­sance, du bien com­mun, de la tolé­rance et de la fra­ter­ni­té brillent tout à coup un peu moins fort et peuvent si on n’y prend pas garde s’éteindre. « Suivre tes pas » nous per­met­tra d’entretenir avec effi­cience cette lumière. 

Nous pleu­rons tous un homme d’une exquise cour­toi­sie, un homme aimable, un homme dis­cret mais extrê­me­ment effi­cace, un homme de dia­logue refu­sant la polé­mique, un homme loyal, un homme fidèle, un homme hon­nête. Bref, un homme bon.

Claude, tu laisses un vide der­rière toi. Et c’est avec beau­coup de tris­tesse et de com­pas­sion que nous pré­sen­tons nos plus sin­cères condo­léances à ton épouse, Edwige, ta fille, Aline et son com­pa­gnon Abdou, ta petite fille ado­rée, Isis, ton « grand frère » et à ta famille pour leur témoi­gner notre sou­tien dans ce moment douloureux.

Et pour mieux le sur­mon­ter, nous n’aurons qu’à nous sou­ve­nir de ta sagesse, de ta bon­té et ton éter­nel optimisme.

Repose en paix, cher Claude et sois assu­ré de nos prières. 

Ami­tiés res­pec­tueuses et reconnaissantes.

Extrait de l’éloge funèbre lu lors des obsèques par le colonel Christian Le Bot, président d’honneur du GNASPP

Claude, notre ami, mon frère…

C’est avec une immense peine, au nom de tous tes cama­rades et amis réunis pour t’accompagner dans ton der­nier voyage, que je dois par­ler de toi comme nous nous l’étions pro­mis : je le fais en tant que frère d’armes, pour rendre devant l’assemblée ici pré­sente un suprême hom­mage au mer­veilleux sol­dat de la vie et au monu­ment irrem­pla­çable qui vient de nous quit­ter. Je le fais éga­le­ment en tant que frère de cœur, pro­fon­dé­ment bou­le­ver­sé par ton départ, même si je m’étais pré­pa­ré à l’inéluctable au cours de nos échanges de ce der­nier mois.

« Si l’on me presse de dire pour­quoi je l’aimais, je sens que cela ne peut s’exprimer qu’en répon­dant : “Parce que c’était lui, parce que c’était moi” ». 

Cette phrase de Mon­taigne semble dire l’essentiel : quand deux êtres s’aiment, se com­prennent et se com­plètent, ils éprouvent le sen­ti­ment étrange d’avoir trou­vé en l’autre une « âme sœur », leur « moi­tié », c’est-à-dire la seule per­sonne réel­le­ment capable de les com­prendre et de bri­ser le cercle de la soli­tude originelle.

Celles et ceux qui te regardent et pensent à toi en ce jour de deuil, savent dans leur immense tris­tesse, com­bien tu étais pro­fon­dé­ment habi­té par l’idée de ser­vir ton pays et tes conci­toyens avec cette déli­ca­tesse d’esprit qui n’avait d’égale que ta déter­mi­na­tion, ton opi­niâ­tre­té et ta pug­na­ci­té à suivre cette voca­tion d’homme au ser­vice de l’homme.

Dans l’humanité, il n’y a pas de héros, mais seule­ment des hommes qui s’engagent et assument leurs choix, leurs responsabilités.

Il est des hommes qui ouvrent les cœurs.

Il est des hommes dont le regard ne trompe pas.

Il est des hommes qui font le bien là où ils sont et qui par leur seule pré­sence et celle de l’amitié éclairent le che­min des autres.

Il est des hommes qui construisent la fra­ter­ni­té autour d’eux.

Tu étais tout cela à la fois… 

Se sou­ve­nir de toi, c’est se rap­pe­ler d’un être lumi­neux, excep­tion­nel­le­ment fidèle, res­pec­tueux des autres sans jamais faillir, tou­jours tour­né vers l’humain, par l’esprit et par le cœur. 

D’humeur tou­jours égale, de nature joyeuse, tu ne te plai­gnais jamais de ton sort mais tu t’intéressais tou­jours, et avant le tien, à celui de celles et ceux que tu aimais.

Dans l’écheveau de la vie, pen­dant 50 années consa­crées à la bri­gade de sapeurs-pom­piers de Paris, tu devins l’une des figures emblé­ma­tiques et un ser­vi­teur inlas­sable, tant sur le plan pro­fes­sion­nel qu’associatif. À la BSPP, à la FNASPP et à l’ADOSSPP que tu pré­si­das pen­dant plus de vingt années de main de maître, tu avais su tis­ser avec géné­ro­si­té des liens indé­fec­tibles avec de nom­breuses per­sonnes en te rat­ta­chant aux valeurs qui font la richesse et l’épanouissement de l’homme et en t’attachant à les trans­mettre aux géné­ra­tions que tu côtoyais. 

Claude, tu étais quelqu’un qui croyait au plai­sir, au bien vivre, aux moments rares et pré­cieux qui tissent le bon­heur autour de visages amis et de tes proches, un per­son­nage construit de mul­tiples facettes, roman­tique, tra­gique, comique. 

Tu avais choi­si d’exister et de vivre pour toi-même et avec nous tous car ce qui comp­tait plus que tout pour toi, c’était l’humain, c’était la véri­té d’un homme, ce qui fait son exception.

Comme on le dit de gens admi­rables, tu avais de la trempe. Et sous ta cara­pace, se cachait un cœur débor­dant de géné­ro­si­té et de ten­dresse, cette autre forme de l’amour que tu por­tais à tes proches.

Comme on le dit aus­si de ceux qui méritent l’estime et le res­pect, tu étais quelqu’un de bien, exemple de gen­tillesse, de droi­ture et de fidé­li­té, mêlées à la modes­tie et à la bien­veillance. Tu étais une belle âme qui s’est envo­lée et nous a quit­té pour un autre ailleurs et l’éternité…

André Mal­raux a écrit que la mort n’est pas une chose si sérieuse, la dou­leur oui. 

Face à cette mort, autant que face à la dou­leur, face à la souf­france que tu essayas de repous­ser de toutes tes forces, tu as tou­jours eu une hau­teur de vue, avec en tête la simple accep­ta­tion du départ, l’attente d’un autre ailleurs dans la digni­té et le courage.

À vous sa famille de cœur, à ses cama­rades et amis ici ras­sem­blés, j’apporte le salut attris­té et la dou­lou­reuse sym­pa­thie des anciens et actuels sapeurs-pom­piers de Paris pour qui il res­te­ra à jamais un exemple de pro­bi­té, de cou­rage, d’activité et de dévoue­ment et dans le sou­ve­nir de qui, nous le savons tous, son image ne s’effacera pas.

Aujourd’hui tu nous quittes, notre fidèle cama­rade, lais­sant cha­cun d’entre nous fier et heu­reux de t’avoir ren­con­tré, triste et mal­heu­reux de devoir te lais­ser par­tir vers ton der­nier voyage …

À pré­sent que tu as rejoint, dans les étoiles, tes parents ché­ris et tous les anciens sur les traces des­quels tu as ser­vi, reposes en paix Claude, où tu es arrivé… 

Ton frère de cœur et d’âme qui t’embrasse dans sa tris­tesse infinie.


Sa car­rière

Né le 19 novembre 1948 à Saint Ger­main-en-Laye (78), il com­mence sa car­rière de sapeur-pom­pier de Paris en 1972 comme aspi­rant. Il a suc­ces­si­ve­ment ser­vi en qua­li­té d’officier à la 15e Cie, en tant que CDU à la 1re Cie, adjoint au BIRP, C2 au G1 et chef de déta­che­ment à Chap­tal. Tout au long de sa car­rière, il fait preuve de brillantes qua­li­tés humaines et d’un enga­ge­ment sans faille. En 1998, après plus de 27 ans de ser­vices, il quitte la Bri­gade avec le grade de lieutenant-colonel.


PORTRAIT DE CLAUDE

En 2019, nous l’avons suivi sur ses trois dernières obligations officielles pour l’ADOSSPP. Portrait en trois actes.

ACTE 1 : LE CONSEIL D’ADMINISTRATION.

C’est à la table d’une petite bras­se­rie de Cour­be­voie que nous aban­don­ne­rons défi­ni­ti­ve­ment l’idée d’une inter­view du pré­sident quelques minutes après son der­nier conseil d’administration.

À chaque ten­ta­tive de ques­tion, le pré­sident plai­sante : « On a déjà fait ça dans Allo Dix-Huit il n’y a pas long­temps, il vous suf­fit de reprendre ce qu’il y avait dans cette inter­view. »

Pour infor­ma­tion cet excellent por­trait qui lui était déjà consa­cré date d’il y a cinq ans… quand même. Atta­blé avec une poi­gnée de membres du conseil d’administration, nous obser­vons la bonne humeur de pré­sident. Il n’y a semble-t-il aucun drame dans cette fin de man­dat de plus de vingt ans.

« Je n’ai pas de regrets, confie-t-il. Il y a deux ans, j’ai écrit au conseil d’administration pour leur signi­fier mon arrêt d’activité à 70 ans. » Le moment est arri­vé. Le pré­sident s’en retourne sans aucune amertume.

Néan­moins, grâce à nos ques­tions volon­tai­re­ment espa­cées, le repas est quand même l’occasion de se sou­ve­nir de quelques grands moments de sa pré­si­dence. Sur­tout les bons. Les anec­dotes fusent, les rires également.

Mais le pré­sident signale que « ce repas, n’est pas sur le compte de l’ADOSSPP. » Avant de pré­ci­ser sa pen­sée : « En vingt ans, je n’ai jamais pro­fi­té d’une pres­ta­tion de l’association à des fins per­son­nelles. » Au moment du plat prin­ci­pal, la tête de veau, com­man­dée par la plu­part des convives, embaume la table d’un par­fum agréable de vinai­grette. Claude Pel­tier inter­pelle gen­ti­ment la ser­veuse pour lui deman­der du vinaigre de vin. « La tête de veau, ça se mange bien rele­vée », lance-t-il à la tablée avec son œil mali­cieux avant de s’en ser­vir une bonne rasade. Dans sa fou­lée, ses com­men­saux en font de même. Le pré­sident est un chef cha­ris­ma­tique que l’on suit sans contrainte, tout naturellement.

ACTE 2 : LA PREMIÈRE PIERRE DE « BOURDON »

Chan­ge­ment de décor le len­de­main pour la céré­mo­nie de « Pre­mière pierre » du futur pôle asso­cia­tif situé bou­le­vard Bour­don à Paris en pré­sence du géné­ral de divi­sion Jean-Claude Gal­let. Ce n’est un secret pour per­sonne, les deux hommes se connaissent depuis long­temps et s’apprécient. Cela crée une cer­taine com­pli­ci­té qui sert agréa­ble­ment le moment.

Le pré­sident reprend dans son dis­cours tous les moments fon­da­teurs de l’association depuis son ori­gine. Cer­tai­ne­ment dans l’idée d’inscrire cette mani­fes­ta­tion dans l’histoire de l’ADOSSPP. Le speech fait mouche. Les invi­tés, sen­sibles à cette évo­ca­tion du pas­sé, sont d’un coup plus récep­tif à ima­gi­ner l’avenir de ces nou­veaux locaux.

Et le géné­ral conti­nue dans ce sens. Les deux hommes scellent le per­mis de construire dans les fon­da­tions. Geste sym­bo­lique, mais mal­gré une appa­rente décon­trac­tion, forte en émotions.

Après cette céré­mo­nie, Claude Pel­tier fait aus­si le point sur son his­toire à l’ADOSSPP. « J’ai tra­vaillé sous neuf géné­raux et ça n’a pas tou­jours été aus­si simple. » Une réflexion qui sou­ligne à quel point ce rôle de pré­sident est par­fois ardu quand il faut à la fois accom­pa­gner les inté­rêts de l’association et com­bler les desi­de­ra­ta du com­man­de­ment de la brigade.

ACTE 3 : LA DERNIERE ASSEMBLEE GENERALE

Homme d’association (il fut le pre­mier vice-pré­sident de l’ASASPP pen­dant 15 ans et pré­sident de la sec­tion foot­ball durant 10 ans), le pré­sident a connu un nombre incal­cu­lable d’assemblées géné­rales. Mais cette der­nière a un par­fum particulier.

Comme à son habi­tude, c’est avec un large sou­rire qu’il nous accueille dans cette immense salle de la rue de Cha­ren­ton. À notre ques­tion “émo­tion” il répond par « tout va bien. Mon dis­cours est prêt. Nous sommes prêts ». Avant de nous lais­ser pour aller saluer le géné­ral Gal­let d’une acco­lade. Chaque groupe de nou­veaux arri­vants a le droit à son encou­ra­ge­ment, his­toire de moti­ver les troupes. Puis, la machine se met en marche et le rituel qu’il connaît par cœur débute. « Cette année, on a déci­dé de faire plus court », déclare-il en pré­am­bule. Comme s’il avait envie d’en finir au plus vite. Il n’en sera rien.

Son dis­cours d’ouverture, comme il a sou­vent fait, met­tra en exergue la rai­son d’être de l’ADOSSPP : l’action sociale. Il met aus­si un accent sur ses 70 ans qui sont un car­re­four à tra­ver­ser pour accom­plir autre chose. Mais Claude Pel­tier sera impli­qué jusqu’au bout. Durant cette assem­blée géné­rale, cha­cune des pro­fes­sions de foi des futurs élus au conseil d’administration, cha­cune des conclu­sions de rap­port d’activité, cha­cun des témoi­gnages seront accom­pa­gnés par ses acquies­ce­ments de tête. Ceux d’un homme qui maî­trise tous les détails.

Quelques minutes après la fin de l’exer­cice, écar­tant un bref ins­tant sa pudeur pro­ver­biale, il nous confie qu’il aura « du mal à ne plus être au milieu des siens… » 

Mais ce temps ne s’arrêtera pas tout à fait pour “Pépel”. Pen­dant le pot de départ après l’AG, il apprend que le conseil d’administration vient de le nom­mer pré­sident d’hon­neur. Sou­rire et yeux brillants… Plus humides que d’habitude.

HC

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