Associatif — Vendredi 20 août, ont eu lieu les obsèques du lieutenant-colonel Claude Peltier, emporté par la maladie quelques jours auparavant. Il fut pendant plus de vingt ans, le président de l’ADOSSPP et à ce titre, directeur de la publication ALLO DIX-HUIT. Voici un extrait des éloges qui lui furent rendus, ainsi qu’un portrait paru dans notre édition papier.
Message d’André-Pierre Lagarde, président de l’ADOSSPP
Cher président, cher Claude ;
Ta famille, tes amis, tes anciens « frères d’armes », tes anciens collègues, tous ceux qui t’ont connu et fortement apprécié sont tous là pour te dire Adieu et te rendre un dernier hommage. Je suis là, en qualité de président de l’ADOSSPP, modeste représentant de tous ses membres, pour t’exprimer toute notre gratitude et tout notre respect pour ton œuvre au sein de cette belle association.
Tu pars avant nous, bien trop tôt, bien trop vite. 20 ans de présidence pour consolider cette association et permettre à cette dernière de faire face à tous les enjeux actuels et ils sont nombreux. Toutes tes actions et tes orientations dans ta fonction de président vont nous permettre, conscients de nos forces, de franchir ces obstacles avec sérénité et confiance.
Ta disparition nous rappelle comme une évidence que nous sommes finalement bien peu de choses et qu’il faut profiter de chaque seconde, de chaque minute ici-bas….
J’ai été très heureux, fier et reconnaissant que tu m’en accordes quelques-unes. Nos chemins se sont croisés bien avant l’aventure ADOSSPP. En effet, jeune « piaf » en 1981, j’ai eu la chance d’être affecté à la 1ère compagnie. Tu as été mon premier commandant d’unité et, après une période de doute qui peut se résumer à la « froideur » de la voûte austère du fort de Villeneuve-Saint-Georges, tu as été un acteur majeur, sans doute sans le savoir, dans mon choix de rester dans cette belle maison Brigade. Tes belles qualités m’avaient convaincu.
Puis, je t’ai retrouvé à l’ADOSSPP. Pour moi, ta présence discrète mais bien réelle m’a permis de découvrir cette association avec ses particularités, ses limites et ses potentialités. Tu as été notre sage qui savait avec intelligence, souplesse et humanité, nous guider, nous éclairer. Chaque fois qu’un sage meurt, c’est un chemin qui s’obscurcit. Les lumières de la connaissance, du bien commun, de la tolérance et de la fraternité brillent tout à coup un peu moins fort et peuvent si on n’y prend pas garde s’éteindre. « Suivre tes pas » nous permettra d’entretenir avec efficience cette lumière.
Nous pleurons tous un homme d’une exquise courtoisie, un homme aimable, un homme discret mais extrêmement efficace, un homme de dialogue refusant la polémique, un homme loyal, un homme fidèle, un homme honnête. Bref, un homme bon.
Claude, tu laisses un vide derrière toi. Et c’est avec beaucoup de tristesse et de compassion que nous présentons nos plus sincères condoléances à ton épouse, Edwige, ta fille, Aline et son compagnon Abdou, ta petite fille adorée, Isis, ton « grand frère » et à ta famille pour leur témoigner notre soutien dans ce moment douloureux.
Et pour mieux le surmonter, nous n’aurons qu’à nous souvenir de ta sagesse, de ta bonté et ton éternel optimisme.
Repose en paix, cher Claude et sois assuré de nos prières.
Amitiés respectueuses et reconnaissantes.
Extrait de l’éloge funèbre lu lors des obsèques par le colonel Christian Le Bot, président d’honneur du GNASPP
Claude, notre ami, mon frère…
C’est avec une immense peine, au nom de tous tes camarades et amis réunis pour t’accompagner dans ton dernier voyage, que je dois parler de toi comme nous nous l’étions promis : je le fais en tant que frère d’armes, pour rendre devant l’assemblée ici présente un suprême hommage au merveilleux soldat de la vie et au monument irremplaçable qui vient de nous quitter. Je le fais également en tant que frère de cœur, profondément bouleversé par ton départ, même si je m’étais préparé à l’inéluctable au cours de nos échanges de ce dernier mois.
« Si l’on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne peut s’exprimer qu’en répondant : “Parce que c’était lui, parce que c’était moi” ».
Cette phrase de Montaigne semble dire l’essentiel : quand deux êtres s’aiment, se comprennent et se complètent, ils éprouvent le sentiment étrange d’avoir trouvé en l’autre une « âme sœur », leur « moitié », c’est-à-dire la seule personne réellement capable de les comprendre et de briser le cercle de la solitude originelle.
Celles et ceux qui te regardent et pensent à toi en ce jour de deuil, savent dans leur immense tristesse, combien tu étais profondément habité par l’idée de servir ton pays et tes concitoyens avec cette délicatesse d’esprit qui n’avait d’égale que ta détermination, ton opiniâtreté et ta pugnacité à suivre cette vocation d’homme au service de l’homme.
Dans l’humanité, il n’y a pas de héros, mais seulement des hommes qui s’engagent et assument leurs choix, leurs responsabilités.
Il est des hommes qui ouvrent les cœurs.
Il est des hommes dont le regard ne trompe pas.
Il est des hommes qui font le bien là où ils sont et qui par leur seule présence et celle de l’amitié éclairent le chemin des autres.
Il est des hommes qui construisent la fraternité autour d’eux.
Tu étais tout cela à la fois…
Se souvenir de toi, c’est se rappeler d’un être lumineux, exceptionnellement fidèle, respectueux des autres sans jamais faillir, toujours tourné vers l’humain, par l’esprit et par le cœur.
D’humeur toujours égale, de nature joyeuse, tu ne te plaignais jamais de ton sort mais tu t’intéressais toujours, et avant le tien, à celui de celles et ceux que tu aimais.
Dans l’écheveau de la vie, pendant 50 années consacrées à la brigade de sapeurs-pompiers de Paris, tu devins l’une des figures emblématiques et un serviteur inlassable, tant sur le plan professionnel qu’associatif. À la BSPP, à la FNASPP et à l’ADOSSPP que tu présidas pendant plus de vingt années de main de maître, tu avais su tisser avec générosité des liens indéfectibles avec de nombreuses personnes en te rattachant aux valeurs qui font la richesse et l’épanouissement de l’homme et en t’attachant à les transmettre aux générations que tu côtoyais.
Claude, tu étais quelqu’un qui croyait au plaisir, au bien vivre, aux moments rares et précieux qui tissent le bonheur autour de visages amis et de tes proches, un personnage construit de multiples facettes, romantique, tragique, comique.
Tu avais choisi d’exister et de vivre pour toi-même et avec nous tous car ce qui comptait plus que tout pour toi, c’était l’humain, c’était la vérité d’un homme, ce qui fait son exception.
Comme on le dit de gens admirables, tu avais de la trempe. Et sous ta carapace, se cachait un cœur débordant de générosité et de tendresse, cette autre forme de l’amour que tu portais à tes proches.
Comme on le dit aussi de ceux qui méritent l’estime et le respect, tu étais quelqu’un de bien, exemple de gentillesse, de droiture et de fidélité, mêlées à la modestie et à la bienveillance. Tu étais une belle âme qui s’est envolée et nous a quitté pour un autre ailleurs et l’éternité…
André Malraux a écrit que la mort n’est pas une chose si sérieuse, la douleur oui.
Face à cette mort, autant que face à la douleur, face à la souffrance que tu essayas de repousser de toutes tes forces, tu as toujours eu une hauteur de vue, avec en tête la simple acceptation du départ, l’attente d’un autre ailleurs dans la dignité et le courage.
À vous sa famille de cœur, à ses camarades et amis ici rassemblés, j’apporte le salut attristé et la douloureuse sympathie des anciens et actuels sapeurs-pompiers de Paris pour qui il restera à jamais un exemple de probité, de courage, d’activité et de dévouement et dans le souvenir de qui, nous le savons tous, son image ne s’effacera pas.
Aujourd’hui tu nous quittes, notre fidèle camarade, laissant chacun d’entre nous fier et heureux de t’avoir rencontré, triste et malheureux de devoir te laisser partir vers ton dernier voyage …
À présent que tu as rejoint, dans les étoiles, tes parents chéris et tous les anciens sur les traces desquels tu as servi, reposes en paix Claude, où tu es arrivé…
Ton frère de cœur et d’âme qui t’embrasse dans sa tristesse infinie.
Sa carrière
Né le 19 novembre 1948 à Saint Germain-en-Laye (78), il commence sa carrière de sapeur-pompier de Paris en 1972 comme aspirant. Il a successivement servi en qualité d’officier à la 15e Cie, en tant que CDU à la 1re Cie, adjoint au BIRP, C2 au G1 et chef de détachement à Chaptal. Tout au long de sa carrière, il fait preuve de brillantes qualités humaines et d’un engagement sans faille. En 1998, après plus de 27 ans de services, il quitte la Brigade avec le grade de lieutenant-colonel.
PORTRAIT DE CLAUDE
En 2019, nous l’avons suivi sur ses trois dernières obligations officielles pour l’ADOSSPP. Portrait en trois actes.
ACTE 1 : LE CONSEIL D’ADMINISTRATION.
C’est à la table d’une petite brasserie de Courbevoie que nous abandonnerons définitivement l’idée d’une interview du président quelques minutes après son dernier conseil d’administration.
À chaque tentative de question, le président plaisante : « On a déjà fait ça dans Allo Dix-Huit il n’y a pas longtemps, il vous suffit de reprendre ce qu’il y avait dans cette interview. »
Pour information cet excellent portrait qui lui était déjà consacré date d’il y a cinq ans… quand même. Attablé avec une poignée de membres du conseil d’administration, nous observons la bonne humeur de président. Il n’y a semble-t-il aucun drame dans cette fin de mandat de plus de vingt ans.
« Je n’ai pas de regrets, confie-t-il. Il y a deux ans, j’ai écrit au conseil d’administration pour leur signifier mon arrêt d’activité à 70 ans. » Le moment est arrivé. Le président s’en retourne sans aucune amertume.
Néanmoins, grâce à nos questions volontairement espacées, le repas est quand même l’occasion de se souvenir de quelques grands moments de sa présidence. Surtout les bons. Les anecdotes fusent, les rires également.
Mais le président signale que « ce repas, n’est pas sur le compte de l’ADOSSPP. » Avant de préciser sa pensée : « En vingt ans, je n’ai jamais profité d’une prestation de l’association à des fins personnelles. » Au moment du plat principal, la tête de veau, commandée par la plupart des convives, embaume la table d’un parfum agréable de vinaigrette. Claude Peltier interpelle gentiment la serveuse pour lui demander du vinaigre de vin. « La tête de veau, ça se mange bien relevée », lance-t-il à la tablée avec son œil malicieux avant de s’en servir une bonne rasade. Dans sa foulée, ses commensaux en font de même. Le président est un chef charismatique que l’on suit sans contrainte, tout naturellement.
ACTE 2 : LA PREMIÈRE PIERRE DE « BOURDON »
Changement de décor le lendemain pour la cérémonie de « Première pierre » du futur pôle associatif situé boulevard Bourdon à Paris en présence du général de division Jean-Claude Gallet. Ce n’est un secret pour personne, les deux hommes se connaissent depuis longtemps et s’apprécient. Cela crée une certaine complicité qui sert agréablement le moment.
Le président reprend dans son discours tous les moments fondateurs de l’association depuis son origine. Certainement dans l’idée d’inscrire cette manifestation dans l’histoire de l’ADOSSPP. Le speech fait mouche. Les invités, sensibles à cette évocation du passé, sont d’un coup plus réceptif à imaginer l’avenir de ces nouveaux locaux.
Et le général continue dans ce sens. Les deux hommes scellent le permis de construire dans les fondations. Geste symbolique, mais malgré une apparente décontraction, forte en émotions.
Après cette cérémonie, Claude Peltier fait aussi le point sur son histoire à l’ADOSSPP. « J’ai travaillé sous neuf généraux et ça n’a pas toujours été aussi simple. » Une réflexion qui souligne à quel point ce rôle de président est parfois ardu quand il faut à la fois accompagner les intérêts de l’association et combler les desiderata du commandement de la brigade.
ACTE 3 : LA DERNIERE ASSEMBLEE GENERALE
Homme d’association (il fut le premier vice-président de l’ASASPP pendant 15 ans et président de la section football durant 10 ans), le président a connu un nombre incalculable d’assemblées générales. Mais cette dernière a un parfum particulier.
Comme à son habitude, c’est avec un large sourire qu’il nous accueille dans cette immense salle de la rue de Charenton. À notre question “émotion” il répond par « tout va bien. Mon discours est prêt. Nous sommes prêts ». Avant de nous laisser pour aller saluer le général Gallet d’une accolade. Chaque groupe de nouveaux arrivants a le droit à son encouragement, histoire de motiver les troupes. Puis, la machine se met en marche et le rituel qu’il connaît par cœur débute. « Cette année, on a décidé de faire plus court », déclare-il en préambule. Comme s’il avait envie d’en finir au plus vite. Il n’en sera rien.
Son discours d’ouverture, comme il a souvent fait, mettra en exergue la raison d’être de l’ADOSSPP : l’action sociale. Il met aussi un accent sur ses 70 ans qui sont un carrefour à traverser pour accomplir autre chose. Mais Claude Peltier sera impliqué jusqu’au bout. Durant cette assemblée générale, chacune des professions de foi des futurs élus au conseil d’administration, chacune des conclusions de rapport d’activité, chacun des témoignages seront accompagnés par ses acquiescements de tête. Ceux d’un homme qui maîtrise tous les détails.
Quelques minutes après la fin de l’exercice, écartant un bref instant sa pudeur proverbiale, il nous confie qu’il aura « du mal à ne plus être au milieu des siens… »
Mais ce temps ne s’arrêtera pas tout à fait pour “Pépel”. Pendant le pot de départ après l’AG, il apprend que le conseil d’administration vient de le nommer président d’honneur. Sourire et yeux brillants… Plus humides que d’habitude.
HC