Grands formats — Quatre articles en une semaine pour ce Grand Format consacré à la prise en charge de l’arrêt cardiaque. Un enjeu médical majeur de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris.
La survie des patients présentant une détresse vitale est fortement liée à la qualité de prise en charge préhospitalière, notamment en cas d’arrêt cardiaque. Lorsque chaque seconde compte, l’efficacité de notre « chaîne des secours » est conditionnée par la robustesse de chacun de ses maillons et par la fluidité de leurs interactions.
Dans le cadre d’une démarche globale visant à améliorer encore et par tous les moyens la survie des patients les plus graves, un groupe de travail spécifique réunit l’ensemble des divisions et groupements de la BSPP.
L’objectif à court terme est de mesurer avec précision l’efficience de nos réponses, d’identifier des leviers d’amélioration et d’évaluer en continu les effets obtenus par les mesures prises. Pour le moyen terme, les travaux de doctrine, d’innovation et de recherche scientifique orientent nos décisions pour construire la Brigade de demain. L’objectif à court terme est de mesurer avec précision l’efficience de nos réponses, d’identifier des leviers d’amélioration et d’évaluer en continu les effets obtenus par les mesures prises. Pour le moyen terme, les travaux de doctrine, d’innovation et de recherche scientifique orientent nos décisions pour construire la Brigade de demain.
Qu’ils soient témoins d’une situation d’urgence, déclenchés comme citoyens sauveteurs, opérateurs d’un centre de traitement des appels, secouristes, chefs d’agrès, personnels de santé, techniciens, formateurs, ingénieurs ou encore chercheurs, les lecteurs d’Allo 18 se savent tous concernés par le sujet.
Que ce dossier soit l’occasion de tous les remercier. Enthousiasme, professionnalisme, dévouement, ingéniosité et combativité sont les clés pour gagner encore quelques minutes et au final quelques « vies sauvées » supplémentaires.
texte : Médecin chef des services Stéphane Travers
La chaine de survie
La survie d’un patient en arrêt cardiaque dépend d’une « chaine de survie » dont chaque maillon fait l’objet d’une attention toute particulière au sein de la BSPP. En effet, chaque minute gagnée augmente de 10 % les chances de survie.
Paul Dardel, bon samaritain !
Paul Dardel est le président de l’association des Bons Samaritains. Un réseau de secouristes volontaires géolocalisés qui sont mobilisés via l’application Staying Alive pour porter secours sur un arrêt cardio-respiratoire qui se déroule à proximité.
En quelle année ont été créés les Bons Samaritains ?
Démarrage de l’expérimentation avec les pompiers de Paris, janvier 2016. Donc, ça veut dire que nous avons commencé à y travailler en 2014, pour avoir un produit qu’on pensait fini à la fin 2015, mais qui ne l’était pas. Expérimentation, grâce au médecin-chef Stéphane Travers, avec les pompiers de Paris à partir de janvier 2016.
Comment vous est venue l’idée ?
En fait, il faut remonter à l’application Staying Alive qui a été lancée en 2011 avec comme vocation d’aider à la cartographie et au recensement des défibrillateurs. Un véritable succès et au bout de quelques années, nous nous sommes rendu compte qu’on avait atteint un million de téléchargements de Staying Alive. C’était énorme et, en parallèle, on savait que les défibrillateurs qui commençaient à être installés dans les lieux publics depuis 2007 étaient peu ou pas utilisés. On s’est donc dit que dans toute cette communauté qui avait téléchargé l’application, les gens étaient forcément concernés par le secours. En parallèle, nous avions observé une expérience suisse, dans le Tessin, basée sur le même principe de mobiliser les citoyens et les forces de l’ordre.
Quelles ont été les améliorations depuis ?
Il y en a beaucoup. Même si l’on a l’impression que rien n’a changé, en fait tout a changé. Entre notre première version et aujourd’hui, l’application a été en évolution permanente et réécrite de fond en comble tous les quatre ou cinq ans. Nous allons d’ailleurs, à l’heure où paraîtra ce magazine, lancer une toute nouvelle application. En ce qui concerne le défibrillateur, la fiche sera dotée de photos, d’horaires d’ouverture et du numéro de téléphone de la personne à contacter. Nous allons également pouvoir traiter toutes les remontées de problèmes, faites par les utilisateurs de l’application.
Dans les débuts de l’application, seuls les membres formés pouvaient devenir de Bons Samaritains, mais après quelques années d’expérience avec certains SDIS, nous avons ouvert à tout le monde. Dans cette nouvelle version, nous serons capables de dispatcher les utilisateurs en fonction de leur niveau d’expérience et de diplôme de secourisme pour leur attribuer une tâche cohérente. Nous continuons de diriger les personnes formées vers les massages cardiaques externes, et nous envoyons les autres vers les défibrillateurs. Par ailleurs, l’interface de l’application a été entièrement repensée pour être plus efficace et plus personnalisable.
Combien, y a‑t-il de Bons samaritains sur le secteur Brigade ?
Entre 2021 et 2023, le nombre d’inscrits a augmenté de 66 % pour atteindre 300 000 Bons Samaritains. Sur le secteur Brigade, nous dénombrons 23 000 citoyens sauveteurs. 5 500 ont répondu à 8 676 alertes depuis 2018.
Quel est le profil type ?
En numéro un, les secouristes. Avec une grosse proportion de secouristes sauveteurs du travail, ainsi que des gens formés au PSC1 et aux gestes qui sauvent. Cela nous rend optimiste, car ce ne sont pas des professionnels du secours. Viennent ensuite les sapeurs-pompiers SPP/SPV. Puis en dernier, les professionnels de santé avec une prédominance pour les infirmiers et les infirmières.
Quels sont les axes de développement ?
Il y en a plusieurs. Sur le plan technique, nous avons repensé entièrement l’application pour iPhone et Android. L’évolution notable tient dans le fait que nous allons demander aux gens qui ne sont pas des Bons Samaritains, mais qui ajoutent des défibrillateurs ou qui confirment le positionnement des défibrillateurs, de devenir ce qu’on appelle des contributeurs. Car aujourd’hui, nous ne les connaissons pas. Ils téléchargent l’application, ils s’en servent sans que nous sachions qui ils sont. Aujourd’hui, nous allons leur demander de s’inscrire avec un email, ce sera pour nous une façon de faire grossir la communauté vers une population plus facilement accessible. Mais le grand changement va intervenir au niveau du nom. La fonction « Bon Samaritain » va disparaître pour devenir « Citoyen sauveteur ». Donc, nous parlerons désormais de la communauté Staying Alive, de l’application Staying Alive, de la marque Staying Alive. Une seule bannière pour mieux communiquer.
« Aux heures extrêmes, on compte un déclenchement toutes les vingt minutes ! »
D’autres débouchés ?
Oui, nous sommes intégrés à NEXSIS (futur système d’information et de commandement unifié des services d’incendie et de secours) ce qui va transformer notre application en automatisme. Aujourd’hui encore, à la Brigade notamment, lorsque l’opérateur décroche sur un arrêt cardiaque, il prévient le chef de table qui déclenche le Bon Samaritain. Dans les cas où il y a une affluence au centre opérationnel, on peut perdre jusqu’à trois minutes au déclenchement. Avec NEXSIS, ce sera systématique et on ne perdra pas de temps. Une avancée technique intéressante lorsque l’on sait qu’en 2023, nous avons comptabilisé quelque 20 000 interventions. Cela représente, aux heures extrêmes, un déclenchement toutes les vingt minutes. Nous devrions, à moyen terme, élargir notre domaine d’intervention au-delà de l’arrêt cardiaque. En effet, il est parfois difficile pour le public qui découvre une victime de savoir s’il s’agit d’une perte de connaissance ou d’un ACR. Nous devrions bientôt pallier cette difficulté.
Par ailleurs, quelles sont les difficultés que vous rencontrez actuellement ?
Le manque de moyens. Il faut rappeler que nous sommes une petite équipe. À l’heure où l’on se parle, il n’y a que quatre salariés et un stagiaire. Nous avons des budgets de fonctionnement qui sont bien inférieurs à ce que l’on pourrait espérer pour être encore plus efficaces. L’intégration à NEXSIS demande énormément de travail pour répondre aussi aux sollicitations techniques. Là encore, le manque de moyens se fait sentir. Autrement, nous avons aussi un souci pour communiquer efficacement. Cela peut paraître surprenant, mais notre communication est assez redondante.
Il faut néanmoins pouvoir faire grossir la communauté et pour cela, il nous faudrait être plus présents dans les médias, ce qui n’est pas chose facile.
Propos recueillis par Harry Couvin