Grands formats — Les ambulances de réanimation, comme les VSAV et le matériel qu’elles transportent ne cesse de s’améliorer et d’innover pour la prise en charge des victimes. Un plus dans le traitement de l’arrêt cardio-respiratoire.
On les entend arriver de loin, puis on les voit se faufiler jusqu’à disparaître dans l’agitation du trafic parisien. Comme les autres engins de la Brigade, les Ambulances de réanimation (AR) se rendent sur intervention par les voies les plus rapides et les plus sûres. Cependant, leur objectif est de taille : elles représentent l’ultime moyen de secours pour sauver des vies ! Actrices essentielles de la chaîne de secours, les ambulances de réanimation assurent une assistance médicale de premier ordre. Équipées de technologies de pointe et de matériel médical moderne, elles sont prêtes à intervenir en tout temps et en tout lieu sur de nombreuses situations.
Un concept né à la BSPP. La Brigade est novatrice dans ce domaine. La première AR apparaît en 1967 à Port-Royal ! Cette nouveauté est le fruit de réflexions débutées dès le premier conflit mondial (voir notre rubrique histoire page 68) avec pour objectif d’apporter à chaque blessé une réanimation optimale dès le lieu de l’accident. Issu des enseignements de la médecine militaire, le développement de la médicalisation préhospitalière doit ensuite beaucoup à l’un des anciens médecins-chefs de la Brigade : le général René Noto. Précurseur de la médecine d’urgence et de la médecine de catastrophe en milieu urbain, il est incorporé à la Brigade le 1er avril 1966 et reçoit du colonel Robert la mission de former à la médecine d’urgence les médecins de la BSPP. Devenu médecin-chef, le docteur Noto met en œuvre ses compétences et transpose les techniques hospitalières aux conditions d’interventions. Les AR de la BSPP révolutionnent ainsi la prise en charge préhospitalière des victimes les plus graves. S’apparentant à un hôpital mobile, elles prennent en charge médicalement un patient depuis les lieux de l’intervention puis pendant son transport. à cette époque, la conception de l’engin a constamment évolué afin de s’adapter aux évolutions et aux exigences de la réanimation préhospitalière.
Une sollicitation à toute épreuve. Aujourd’hui, la Brigade possède près de dix ambulances de réanimation opérationnelles 24h/24, réparties dans chaque groupement, en intra et en extra-muros. Leur répartition géographique est optimisée pour intervenir sur l’ensemble du secteur BSPP le plus efficacement possible. Cependant, leur sollicitation est importante. Avec environ 10 000 interventions annuelles, les ambulances de réanimation transportent leurs patients dans tous les hôpitaux de la région parisienne. Cette raison incite le commandement à suivre de près le parc engin. « Ces véhicules décalent beaucoup, leur usure est importante » explique le caporal-chef Nicolas Guiraud, conducteur à l’AR Courbevoie.
Nouvelle génération. Trois tonnes, six mètres de long et d’une hauteur de deux mètres 70 avec le gyrophare : il faut détenir le permis poids lourd pour conduire cet engin. « Côté motorisation, on a évolué en gamme, la mécanique est plus puissante et n’est pas bridée. Les phares stroboscopiques facilitent l’accès auprès du patient puis son évacuation rapide » poursuit le caporal-chef Nicolas Guiraud. Ces nouveautés offrent un confort de conduite et une sécurité indispensables à l’équipage comme aux victimes. L’ergonomie aussi a changé. L’habitacle permet au conducteur d’avoir une plus large visibilité de la route. La sérigraphie a évolué, son marquage est plus visible qu’autrefois et améliore la sécurité. La cellule sanitaire est équipée de nombreux rangements : tiroirs, placards et sangles permettent à l’engin d’embarquer de très nombreux matériels, tout en passant l’inévitable crash test ! « à l’intérieur, c’est propre, bien ordonné. Il y a plein de rangements ingénieux, c’est très pratique et cela nous facilite grandement le travail, notamment dans l’urgence ! », détaille le sergent Audrey Renaud, infirmière à l’antenne médicale de Courbevoie.
Matériel de pointe. Une ambulance de réanimation est compartimentée en deux zones : l’habitacle et la cellule sanitaire. L’habitacle est le lieu où l’équipe se poste pour aller en intervention. On y retrouve des moyens de sécurité, les équipements de transmission et un panneau de gestion pour contrôler les éléments électriques de l’engin. La cellule sanitaire est la partie du véhicule où le patient est pris en charge médicalement jusqu’à son transfert vers les structures hospitalières spécialisées. On y retrouve différents types de matériels spécifiques aux AR : respirateur, pousse-seringues, matériel d’intubation, planche à masser, échographe, matériel de biologie embarquée et tant d’autres consommables de première nécessité. Il existe également le Medpack1 permettant d’amener au plus proche du patient le matériel le plus utilisé. « On a réduit le poids du sac, puis on a changé nos habitudes. La majorité des infirmiers l’apprécie car on travaille en respectant au maximum les protocoles d’hygiène », argumente le caporal-chef Nicolas Guiraud.
Les capacités de ce vecteur ont ainsi permis d’amener au chevet des patients une offre de soins de haute technicité permettant d’améliorer encore et encore la prise en charge et la survie des patients les plus graves.
La prochaine évolution sera peut-être la possibilité d’emporter du sang à bord des ambulances de réanimation. Ce projet fait l’objet de nombreux travaux menés par la division santé de la BSPP2. L’intérêt semble réel et les perspectives médicales enthousiasmantes.
L’histoire de ces AR et du BMU sera mis à l’honneur dans « Les Médecins du Feu » chez Albin Michel, à paraître pour fin octobre 2024
1 : Prix concours Lépine en 2018 récompensant l’ADC Samuel Mercier, de la BSPP.
2 : Etudes PLYO (Jost D et al. Prehospital Lyophilized Plasma Transfusion for Trauma-Induced Coagulopathy in Patients at Risk for Hemorrhagic Shock : A Randomized Clinical Trial. JAMA Netw Open 2022) et Faisang (Daniel Y et al. Mobile blood depots in ground ambulances in compliance with French legislation : A feasibility study. Transfusion 2023) notamment.
texte Caporal-chef François-Julien Leonetti — photographies Sapeur de première classe Urvan Carbonnier
Dans les AR et les VSAV…
Etude sur la valve d’impédance thoracique « ResQPOD ». L’évolution des techniques et des outils en dotation dans les VSAV joue un rôle crucial dans l’amélioration des taux de survie des arrêts cardiaques. Parmi ces innovations, la valve d’impédance thoracique « ResQPOD » a permis ces dernières années une avancée dans l’efficacité hémodynamique du massage cardiaque externe. En améliorant la pression négative dans le thorax durant les décompressions thoraciques, ce dispositif facilite le retour veineux au cœur, et augmente ainsi l’efficacité des compressions suivantes. Ce mécanisme, simple mais ingénieux, améliore le flux sanguin généré au cours du massage. L’adoption généralisée de ce dispositif reste cependant un défi notamment en termes de formation et de coût d’utilisation. Les recherches futures doivent évaluer l’impact à long terme de son utilisation sur différentes populations de patients, afin de peaufiner les protocoles de réanimation pour des résultats encore meilleurs.
Le défi de la ventilation manuelle. La ventilation au masque facial est essentielle mais reste une technique difficile à optimiser en l’absence de contrôle des paramètres ventilatoires. Depuis 2020, un dispositif « EOLIFE » est capable de mesurer les paramètres ventilatoires lors d’une ventilation au masque facial et de les restituer en temps réel à l’équipe secouriste. En 2022, la section scientifique a mené une étude dont le but était d’évaluer la qualité et l’efficacité des manœuvres ventilatoires pratiquées par les équipes secouristes de la BSPP. L’étude visait également à identifier les paramètres qui influencent la qualité des ces insufflations et à proposer des alternatives permettant d’améliorer cette qualité. Les résultats de cette étude sont attendus au printemps 2024.
Le défi d’une défibrillation réussie. La récidive de la fibrillation ventriculaire après un premier choc électrique externe est fréquente et concerne plus de 50 % des patients initialement choqués. En 2021, la section scientifique a monté un protocole d’étude visant à raccourcir les cycles de RCP entre deux analyses, passant ainsi de deux à une minute. Par ailleurs, les défibrillateurs de la BSPP savent désormais analyser le rythme cardiaque sans qu’il soit nécessaire d’interrompre le massage cardiaque. La conséquence attendue est une diminution du délai pour récupérer un pouls palpable, et possiblement un gain de survie.