Web-série — Au mois d’août, nous avions demandé au trois nouveaux chefs de corps de la BSPP de nous décrire leur état d’esprit avant d’entamer leur temps de commandement. Dans le deuxième groupement d’incendie et de secours, le colonel Frédéric Leborgne a pris le commandement, le 9 septembre dernier. Il était auparavant en poste à l’état-major de la zone de défense de Paris.
Ce n’est jamais très simple de définir adolescent ce que l’on sera après 40 ans, de savoir quelles études réaliser, quelle voie et quels conseils suivre. Je me suis, comme tant d’autres, jeté moi aussi dans une aventure inconnue avec un rêve comme ambition et tellement d’incertitudes sur ce qu’il adviendra. Alors que vient de m’être confié le commandement du 2e GIS, je mesure aujourd’hui le parcours entrepris depuis l’intention brûlante d’accéder à la BSPP, au choix beaucoup plus réfléchi de devenir chef de corps. Pour ceux qui ne me connaissent pas en voici quelques secrets.
L’imaginaire collectif mystifie bien souvent les chefs. Il est d’ailleurs courant d’adosser la réussite professionnelle à des facteurs génétiques (on est le
fils de), générationnels (d’une famille de), sociaux (d’un milieu favorisé), voire éducatifs, justifiant l’atteinte d’un grade sur la base de critères privilégiés
ou d’appartenance à une caste. Je suis pourtant issu d’une famille unie et modeste, élevé dans un environnement militaire sous-officier où la mobilité,
vécue par beaucoup comme une contrainte, m’a évidemment chagriné mais au prix d’une vie riche d’aventures. Comme certains, j’ai longtemps travaillé à l’école à l’économie, par ennui, avant de rencontrer tardivement quelques professeurs exceptionnels dont l’amour du métier et l’investissement ont transformé mon approche des études. Puis est venu le temps des choix. C’est une nouvelle fois la famille qui m’a conduit à me détourner de la facilité, en m’engageant un peu seul dans de hautes études puis le concours de Saint-Cyr plutôt que vers les camions rouges parisiens. Un engagement sans garantie lorsque l’on a, comme moi, connu les étapes complexes de sélection pour rejoindre ensuite la BSPP.
Le rêve, le premier d’une longue série, s’est tout de même ouvert à Saint-Maur puis Créteil, au sein d’un groupement où les sapeurs-pompiers de tous grades transmettent leur savoir avec passion et construisent avec humilité les chefs qui les commanderont, à la 17e CIS, puis maintenant au 2e GIS. Il y a ensuite la famille que vous construisez et qui vient enrichir la première puis donner du sens à votre vie. C’est cette famille devenue bien plus grande à
présent qui par amour assumera onze déménagements en 22 ans, nécessaires pour occuper des postes exposés au centre opérationnel de gestion interministérielle des crises ou à l’état-major de zone de défense Paris, gagnant en compétences dans la gestion de crise nationale et internationale et la planification d’événements d’ampleur comme les JOP 2024. C’est enfin cette famille qui vous pousse et vous soutient inlassablement sur le concours de l’École de guerre et son cursus de formation amenant chacun d’entre nous vers des postes à responsabilité.
Si vous me demandez aujourd’hui ce qui peut m’amener vers la recherche de responsabilités, je vous répondrai la confiance inébranlable que j’ai dans les hommes et femmes du 2e GIS. Car ce parcours aussi exigeant soit-il, n’est pas le fruit d’un seul homme, mais bien de tous ceux qui, par passion ou par amour m’ont donné sans savoir, poussé sans juger, suivi sans reprocher pour que je puisse à présent faire des autres ma seule et unique priorité.
Photographies Sergent-chef Nicholas Bady & Première classe Urvan Carbonnier