Grands formats — Le patrimoine architectural de la Brigade est composé de centre de secours historiques, comme de constructions plus modernes. Tour d’horizon.
Une caserne, C’EST QUOI ?
Un Centre de secours (CS) possède quelques fondamentaux. Il doit répondre aux exigences actuelles, des points de vue opérationnel, fonctionnel, réglementaire ainsi que de confort de travail. Il est également composé de logements de service pour les familles. Idéalement, il doit y avoir une cour équipée d’une tour d’instruction afin de pouvoir effectuer des manœuvres. Cette cour répond aux fonctions d’axe de circulation et de lavage des engins, mais également de terrains d’exercice, d’instruction et de sport. Une caserne peut être délimitée en plusieurs zones.
La zone opérationnelle : centre névralgique du CS par son activité 24h/24, sa localisation et ses fonctions. Elle est composée du Poste de veille opérationnelle (PVO), de chambres d’intervention, de la chambre et des sanitaires du stationnaire et d’une remise d’engins. Des locaux annexes à la remise (désinfection, matériel incendie), des vestiaires et locaux de tenues de feu souillées pour les retours d’intervention sont articulés autour de la remise. Le PVO rythme la vie des sapeurs-pompiers au gré des interventions.
La zone administrative : elle représente l’ensemble des postes de travail nécessaires à l’exercice de commandement et au suivi administratif du personnel.
La zone vie : elle comprend l’espace cuisine, l’espace détente/restauration, l’espace sommeil et le gymnase. Le sport pour les sapeurs-pompiers est crucial. Qui dit caserne, dit infrastructures sportives de qualité !
Les chambres sont réparties par catégorie de personnel et par sexe. Une caserne est un lieu de travail comprenant néanmoins des espaces de détente et de vie. Les sapeurs-pompiers peuvent être de garde pendant 24, 48 voire 72 heures.
La caserne doit donc être agréable et prévoir des espaces de détente pour ses soldats du feu : foyer, salle TV, réfectoire, cuisine. Ces locaux contribuent à la cohésion et à l’esprit de corps.
Lieu de travail, mais également de vie… La gestion des flux est primordiale dans une caserne : les départs en intervention se font dans l’urgence, il n’y a pas de temps à perdre ! Des trajets courts sont nécessaires entre les lieux de vie, les bureaux, les vestiaires et la remise. Pour les déplacements verticaux d’urgence, la perche de feu est de mise pour gagner du temps.
L’hygiène est également très importante. En retour d’intervention, les sapeurs-pompiers portent des tenues qui peuvent avoir été souillées. Les vestiaires doivent rester des locaux propres.
Il est donc nécessaire d’avoir un espace de premier « décrottage ». Idéalement, cet espace est situé dans ou en sortie de la remise. Une fois ce premier décrottage effectué, il suffit de prévoir une buanderie pour les vêtements sales et les sapeurs-pompiers peuvent ensuite se laver et se changer dans les vestiaires.
A la fois lieu de travail et base de vie, le CS permet au sapeur-pompier de se forger, de s’entraîner et de se construire personnellement et professionnellement. Il doit répondre à des normes et à des exigences afin de protéger le personnel et de participer au bon fonctionnement de la chaîne des secours.
MAGALI ROUSSEAUX, ARCHITECTE MILITAIRE !
L’Ingénieur militaire d’infrastructure (IMI) Magali Rousseaux est l’architecte de la Brigade depuis quatre ans. Nous l’avons rencontrée, pour un entretien « archi-intéressant ».
Quel est votre parcours ?
Je suis diplômée de l’école d’architecture de la Villette, à Paris. J’ai travaillé pendant quatre ans dans deux agences qui répondaient à des projets publics ou à de gros promoteurs immobiliers, pour des immeubles de logements, des lycées, un hôpital, un SDIS… J’étais donc vouée à venir à la Brigade (rires) !
Ensuite, j’ai été à mon compte, pendant sept ans. Je faisais des projets particuliers, des maisons, des extensions… Les gros projets commençaient à me manquer… C’est là que j’ai trouvé la solution de faire mon métier dans un autre contexte et de rejoindre les forces armées. J’ai fait mon stage d’aguerrissement à Coëtquidan, c’était une très belle expérience ! Ensuite, on m’a proposé plusieurs affectations, et j’ai choisi la Brigade.
J’ai également pu partir en OPEX, pendant quatre mois, à Abidjan. La mission était d’étendre le camp en Côte d’Ivoire, à la suite du départ du Mali de l’armée de Terre. Il fallait construire des bâtiments pour des compagnies entières de soldats… c’était très enrichissant.
Quelles sont vos missions ?
Ma mission principale est de suivre toutes les opérations de construction neuve ou les importantes réhabilitations, comme le centre de secours pour les Jeux olympiques et le centre de secours Rueil-Malmaison, en lien avec la Direction de l’immobilier et de l’environnement (DIE) de la préfecture de Police.
Nous sommes à l’étude sur les centres de secours Noisy et Colombes. Je crée des expressions initiales des besoins à transmettre à la DIE, nous analysons les concours d’architecture et participons au jury de concours pour choisir l’opération qui correspond le mieux. Je suis toutes les phases d’étude : avant-projets sommaires et détaillés, permis de construire, consultation des entreprises… Je travaille avec les architectes retenus, nous faisons avancer le projet ensemble en prenant également en compte les avis des compagnies. Nous rencontrons les riverains, présentons les projets aux élus… C’est un travail de longue haleine.
Ensuite, il y a les projets que nous faisons nous-mêmes, en interne BSI, avec ma section. Elle est composée de trois conducteurs d’opérations. Par exemple : le remplacement des verrières du centre opérationnel… Les nouvelles seront en superstructure ! Il y a aussi le bâtiment Y de l’école, comprenant l’infirmerie et des chambres collectives, en grosse réhabilitation. Nous créons des tours d’instruction dans les CS non dotés, la première sera celle de Clamart dont les études sont finalisées. J’ai également travaillé sur le schéma directeur du site de LIME. Ces documents expliquent l’avenir des locaux pour les 10 à 30 prochaines années. C’est très important pour la cohérence du site.
Parlons du centre de secours olympique…
Le centre de secours Deglane ! J’ai eu la chance d’arriver au moment de son programme et je partirai après sa livraison. Il comporte deux phases : la phase « JOP » et la phase « héritage ». Après les Jeux, il sera transformé pour devenir le PC de la 40e compagnie du GAS. Il possède une partie terrestre et une partie nautique, avec une barge pour les bateaux et les plongeurs, sur une petite parcelle de 2 500 m². Le CS est actuellement en finalisation des travaux, mais il sera prêt pour les Jeux olympiques !
Dernière question : quelle est votre caserne préférée ? Rousseau ?
Oui (rires) ! Mais il y a aussi… Sévigné ! Pour son caractère ancien, ses modénatures, ses recoins, son charme… Attendez… Chaligny ! Voilà. Chaligny est mon centre de secours préféré !
Photographie et propos recueillis par Sergent-chef Nicholas Bady
TOUTE UNE HISTOIRE !
Un grand nombre de casernes parisiennes n’ont pas été construites pour être des CS à l’origine. Souvent, il s’agit d’hôtels particuliers réaménagés (comme Grenelle ou Sévigné), d’anciens établissements religieux (comme Rousseau ou Colombiers) ou d’anciens postes classiques de pompes à vapeur (comme Nativité ou Plaisance).
La caserne de Chaligny est la première construite, en 1886, pour être un centre de secours. Elle comprend l’ensemble des dispositions permettant à un sapeur-pompier d’exercer son activité. Néanmoins, ce n’est pas le CS le plus ancien : le CS Sévigné est la plus ancienne implantation en activité depuis 1813, sans interruption.
Architecture et façades. Il réside des points communs parmi ces casernes emblématiques. Pour commencer, leur architecture et les matériaux de construction. Ce sont de grandes bâtisses de plusieurs étages, construites en pierre et en briques dans lesquelles se trouvent des escaliers monumentaux. Souvent, elles forment un triangle composé d’un bâtiment principal et d’une cour. Ces édifices prestigieux sont ornés de sculptures représentant parfois une salamandre (comme à Montmartre ou à Port-Royal), animal qui, selon la légende, résiste au feu.
Il est fréquent de retrouver, sur les façades, des horloges (comme à Montmartre), des frontons sculptés des armes de Paris (comme à Blanche) et des mascarons au-dessus des fenêtres (comme à Sévigné). Les portes des remises se situent dans des arches voûtées et constituent des épreuves du feu lors du remisage des engins de plus en plus imposants.
Aménagement intérieur. Les remises de certains CS portent encore les stigmates des moyens de secours d’avant-guerre : les chevaux. Comme au CS Boursault, la remise est surplombée d’une mezzanine. Elle était destinée à stocker, dans des alvéoles hors-sol, le fourrage des animaux constituant les attelages des véhicules de secours hippomobiles. Les attelages étaient maintenus en place par des cales en bois car il y avait un léger dénivelé au sol afin de faciliter le départ des secours. D’où l’expression décaler : fait de retirer une cale pour faire partir les secours.
Il est très fréquent de trouver dans les cours des CS une tour d’instruction qui permet aux sapeurs-pompiers de s’entraîner sur les missions de reconnaissances et de sauvetage. Au-delà des apparences, ces CS ont également leurs lots de désagréments. Le fait d’être classés au patrimoine interdit à la BSPP de faire les travaux d’aménagements qu’elle souhaite dans le cadre de l’embellissement du cadre de vie et de travail. Il est compliqué d’allier charme du vieux Paris et modernité.
Architecture, pierre, façade, … Autant de termes du champ lexical du bâti qu’il y a de Centres de secours (CS) emblématiques à la BSPP dans le domaine du patrimoine historique. Ce dernier est à la fois une richesse bâtimentaire mais peut également être un handicap. Les casernes font partie de l’âme des arrondissements et sont chères au cœur des Parisiens.
texte Caporal-chef James Mouton — photographies Sergent-chef Nicholas Bady
CS BOURG-LA-REINE, Un défi de taille !
Le Centre de secours (CS) Bourg-la-Reine fait peau neuve et à été inauguré le 20 juin 2023 sur une petite parcelle de 531 m2. Une reconstruction qui représente un défi de taille en raison de la surface disponible.
Petite caserne construite en 1912, au 17 Boulevard Carnot, le CS Bourg-la-Reine ne répondait plus aux exigences opérationnelles et humaines. En 2017, un jury de concours d’architecture est proposé pour étudier le dossier de démolition et de reconstruction.
Avec 55 sapeurs-pompiers, deux Véhicules de secours et d’assistance aux victimes (VSAV), un Premier-secours évacuation (PSE) et un Fourgon pompe-tonne léger (FPTL) à reloger sur 531 m², la reconstruction du centre de secours est un défi de taille.
Les enjeux du chantier résident dans la conciliation entre le lieu de vie et de travail, tout en prenant en compte une dimension environnementale. Point d’exigence supplémentaire : le chantier ne doit en aucun cas entraver le départ des secours.
Ainsi, pour répondre aux contraintes, les travaux se déroulent en deux phases d’un an. D’abord, démolition d’un garage et d’un pavillon pour y construire la caserne et le gymnase, en novembre 2021. Ensuite, démolition du centre de secours pour le remplacer par le pôle cuisine, restauration et détente, en novembre 2022.
Caserne boisée et naturelle. Dans un souci de développement durable, d’apports énergétiques et de bien-être humain, la sélection se porte sur une ossature bois.
À la fois innovant, écologique et économique, le bois présente de nombreux bienfaits non négligeables pour la brigade de sapeurs-pompiers de Paris. Il offre l’avantage d’accélérer les travaux et d’avoir un chantier propre. « Il s’agit de Lego à emboîter », nous assure la capitaine Magali Rousseaux (voir interview page 39). Afin d’accentuer l’effet naturel, les pierres meulières de l’ancien CS sont réemployées pour un rappel historique et pour minimiser l’impact environnemental du projet.
La création de cette caserne respecte la réglementation thermique de 2012 et cherche à aller au-delà en visant celle de 2020 qui ne concernait pas le bâtiment au moment de ses études. De plus, le label Haute qualité environnementale (HQE), qui cible les constructions durables, est visé, mais sans rechercher son obtention, car la qualité opérationnelle prime sur un label ajoutant des contraintes en termes de contrôles de maintenance et d’usage. Dans un souci d’optimisation des performances énergétiques, des panneaux photovoltaïques sont posés et l’électricité non consommée est revendue à EDF. Des chaudières à condensation à gaz, réduisant jusqu’à 30 % les dépenses en énergie, sont installées. Elles sont couplées à un système de ventilation double flux permettant de réchauffer naturellement l’air ambiant des locaux.
Respect des protocoles. Lors de l’élaboration du nouveau centre de secours de Bourg-la-Reine, une attention particulière a été donnée au principe de marche en avant. Pour la remise, les engins seront toujours remisés sans manœuvre. Pour les retours d’intervention, même principe, permettant le respect du protocole hygiène post-incendie.
Pour les VSAV en retour d’intervention : trois locaux distincts articulés autour d’un sas respectant la marche en avant, un local de désinfection, un local pharmacie pour réarmer l’engin, un local Déchets d’activités de soins à risques infectieux (DASRI) avec un accès direct vers l’extérieur pour le prestataire chargé du traitement.
Pour les engins-pompes en retour d’intervention : un local tenues de feu souillées qui débouche sur un couloir comprenant des vestiaires et douches pour éviter de souiller les chambres du personnel de garde.
Que Sainte-Barbe protège le nouveau centre de secours Bourg-la-Reine !
À VOS OUTILS !
La 34e compagnie est une unité polyvalente. Elle réalise un travail méconnu et pourtant visible de tous. œuvrant dans l’ombre, sa vocation est d’assurer la maintenance corrective de l’infrastructure et ainsi garantir la permanence de l’activité opérationnelle de la BSPP.
Cette compagnie est l’un des visages de l’infrastructure à la Brigade. Travaillant conjointement avec le BSI, elle assure la dimension opérationnelle et exécutive du domaine. Forte de plus de dix corps de métiers différents, la CSI est en mesure de répondre à un large panel de missions : chantiers planifiés, dépannages, administration de la plateforme téléphonique du 1015, conseils aux unités, formations mais également constitution d’équipage pour armer des véhicules opérationnels. Telle est la liste non exhaustive de son champ d’action.
Composite de savoir-faire. Couteau suisse de l’infrastructure, l’essence même de la CSI est d’assurer en priorité les dépannages d’urgence. Parallèlement, elle pilote les maintenances et les dépannages non urgents mais aussi les travaux dans ses domaines de compétences : électricité, plomberie, maçonnerie, peinture, serrurerie, métallerie, menuiserie, couverture, chauffage et chaud-froid.
La 34e compagnie, ce sont sept sections réparties sur quatre emprises pour permettre un soutien opérationnel et courant de proximité et d’urgence. Le site de Limeil accueille la section commandement, la Section conduite de l’infrastructure (SCI) ainsi que deux sections techniques assurant le soutien en termes de chauffage, cuisine, menuiserie et serrurerie. Pour soutenir les trois groupements d’incendie et de secours, la CSI s’appuie sur ses Sections territoriales (ST). Réparties sur les sites de Bondy, Masséna et Saint-Ouen, ces trois ST assurent le soutien dans les domaines de l’électricité, de la plomberie, de la maçonnerie et de la peinture.
Une disponibilité en acier trempé. Les sollicitations sont permanentes pour la CSI. Pour répondre à ces besoins, le 1015 — numéro de demande de travaux — est une sorte de « centre opérationnel » où deux opérateurs recueillent toutes les demandes d’intervention. Ceux-ci émettent un ordre de départ pour les engins de dépannage. Un électricien, un plombier et un chauffagiste se relaient chacun dans leur corps de métier sept jours sur sept en système de garde, pour répondre aux urgences.
En complément, la CSI peut armer sur ordre un Véhicule d’intervention grande intempérie (VIGI), nourrir le vivier des Motos d’intervention rapide (MIR) ainsi que le Véhicule de remise en condition du personnel (VRCP). Pour rester opérationnels et dans la règle des 3S du GSS « soldat, sapeur-pompier et spécialiste », les spécialistes s’entraînent également toutes les semaines au secours à victimes. En effet, la CSI assure près d’une intervention par semaine en tant que militaire isolé.