Le REPOS et la RÉCUPÉRATION du pompier de Paris

#BrigadeInside — Afin de contribuer à la préservation du potentiel humain, la Brigade a fait réaliser une étude sur la qualité du sommeil et la récupération du pompier de Paris. Le 1er groupement d’incendie et de secours s’est approprié les conclusions de l’étude menée par l’institut de recherche biomédicale des armées (IRBA). Les premières mesures adoptées portent déjà leurs fruits.

Maxime Gri­maud —  — Modi­fiée le 25 juillet 2024 à 08 h 27 

La fatigue consti­tue un risque avé­ré pour le pom­pier de Paris. Elle peut nuire à l’efficacité opé­ra­tion­nelle, créer des com­por­te­ments à risque et avoir des effets néfastes sur la san­té des mili­taires sur le long terme. « Nous avons fait le choix de trai­ter cette pro­blé­ma­tique comme une démarche de pré­ven­tion, à l’identique du risque rou­tier par exemple, décrit le lieu­te­nant-colo­nel Gouillat, com­man­dant en second (C2) du 1er grou­pe­ment d’incendie et de secours (1erGIS). La com­mu­ni­ca­tion des résul­tats de l’étude menée en 2018 par l’IRBA a révé­lé l’ampleur des enjeux liés à ce risque pro­fes­sion­nel. » La sup­pres­sion du risque s’avérant impos­sible à réa­li­ser, le 1er GIS s’est employé à réduire au maxi­mum ses impacts.

Suite aux résul­tats de la pre­mière étude, le colo­nel Baillé, chef de corps du 1er GIS, rédige une direc­tive de com­man­de­ment en juillet 2019. Celle-ci détaille le plan d’action du grou­pe­ment : une démarche concrète visant à maî­tri­ser l’usure du poten­tiel humain au sein des casernes. « Sa mise en œuvre s’est arti­cu­lée en deux phases, pour­suit le C2. Une phase expé­ri­men­tale de juillet à décembre 2019, puis une phase de conso­li­da­tion de jan­vier à juin 2020. »

ADAPTER LES PLANNINGS
Le pom­pier de pro­vince est par­ti­cu­liè­re­ment vul­né­rable aux effets de la fatigue en rai­son de ses nom­breux tra­jets entre son domi­cile et la caserne. « Un ser­vice de quatre jours de pré­sence a été ins­tau­ré pour per­mettre aux chefs de centre d’accorder entre quatre et six jours de repos, détaille l’officier. Pour ne pas créer une sur­charge de fatigue lors de cette longue pré­sence, une nuit sans piquet est inter­ca­lée dans la séquence tan­dis que le 4e jour est asso­cié à un piquet moins sol­li­ci­tant. » Les résul­tats de cette démarche montrent des gains immé­diats en matière de récu­pé­ra­tion. « Les périodes au domi­cile s’avèrent suf­fi­sam­ment longues pour conci­lier le repos, les impé­ra­tifs fami­liaux, les acti­vi­tés annexes et même les gardes volon­taires, atteste-t-il. Bien sûr, il n’existe pas de solu­tion miracle. Ce type de ser­vice qui pro­duit des effets de bord et des wee­kends cou­pés n’intéresse pas les pom­piers fran­ci­liens. Cepen­dant, les pro­vin­ciaux éloi­gnés y voient un réel bénéfice. »

REPENSER LA CASERNE
Autre point d’action : la limi­ta­tion des nui­sances sonores en centre de secours. « Nous cher­chons à dimi­nuer au maxi­mum l’impact des son­ne­ries. Pour ce faire, nous avons équi­pé pro­gres­si­ve­ment les VSAV 1 en STRADA*, pour­suit le lieu­te­nant-colo­nel. L’effet s’est révé­lé immé­diat lui aus­si : les alarmes reten­tissent beau­coup moins et les casernes deviennent moins bruyantes. » À terme, le com­man­de­ment sou­haite équi­per l’ensemble des VSAV du 1er GIS en sys­tème STRADA. Tou­jours dans cette optique, un audit rela­tif aux son­ne­ries de feu est en cours. Il per­met­tra de déter­mi­ner, en fonc­tion des struc­tures de l’organisation fonc­tion­nelle, les dif­fu­seurs inutiles ou réglés trop fort. Enfin, l’identification de pièces hiboux ou pièces refuges, iso­lées ou à l’écart du bruit, per­met­tra aux hommes et femmes en récu­pé­ra­tion de pro­fi­ter d’une nuit au calme ou du moins rela­ti­ve­ment préservée.

FAIRE ÉVOLUER LES MENTALITÉS
« Le volet com­por­te­men­tal doit éga­le­ment être pris en compte, insiste le lieu­te­nant-colo­nel. Pour le moment, la sieste n’est pas très pré­sente dans les mœurs du pom­pier de Paris. Nous sou­hai­tons donc sanc­tua­ri­ser une plage de repos sur la jour­née de garde. » Cette remise en ques­tion s’incarne éga­le­ment dans la ges­tion de la fatigue de manière indi­vi­duelle. Un VSAV 1 par­ti­cu­liè­re­ment sol­li­ci­té pour­ra deman­der une mise en indis­po­ni­bi­li­té tem­po­raire (REMEC) sur une durée totale de trois heures, notam­ment pour récu­pé­rer. « Nous sou­hai­tons éga­le­ment déve­lop­per la pra­tique des tech­niques d’optimisation du poten­tiel (TOP) afin d’exploiter au mieux les plages de sieste ou de som­meil, déve­loppe-t-il. Le but est que chaque pom­pier de Paris puisse créer ses propres rituels d’endormissement et de réveil afin de tirer un maxi­mum de béné­fices de tout temps de repos, même court. »

La pro­chaine étape consis­te­ra à réa­li­ser une nou­velle étude, sim­pli­fiée, com­pa­rant deux popu­la­tions de pom­piers. La pre­mière béné­fi­ciant des mesures pré­cé­dem­ment citées et la seconde n’en béné­fi­ciant pas. « L’intérêt vise à savoir si notre réponse au pro­blème dimi­nue réel­le­ment la fatigue de notre per­son­nel, explique l’officier. Nous allons éga­le­ment mettre à jour la direc­tive du chef de corps pour main­te­nir la dyna­mique. »
Si ces évo­lu­tions se pour­suivent, le pom­pier de demain devrait échap­per à quelques rides et che­veux blancs prématurés !

*STRADA : sys­tème de trans­mis­sion de don­nées alpha­nu­mé­riques.
Il s’agit d’un pager, ou boi­tier, qui sonne et délivre des mes­sages en cas d’intervention.

LE SAVIEZ-VOUS ?

Adop­tée dans cer­taines casernes du 1er GIS, la pièce hibou s’inspire des sous-mari­niers. Ain­si, dans un envi­ron­ne­ment cloi­son­né, où les équipes de quart se relaient constam­ment durant plu­sieurs semaines voire plu­sieurs mois, la pré­sence d’une pièce dédiée au repos des marins s’avère essentielle.


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