#BrigadeInside — Au sein de la 43e compagnie, il existe une mission spécifique : la sauvegarde des œuvres du plus célèbre musée au monde. À l’aide de plans spécifiques et de moyens d’intervention adaptés comme le nouveau chariot sauvegarde des œuvres, les pompiers du Louvre s’entraînent chaque jour à préserver ce patrimoine inestimable. Au cas où… Enquête.
« Ce qui fait la noblesse d’une chose, c’est son éternité ». Cette citation de Léonard de Vinci prend tout son sens dans le quotidien des 52 sapeurs-pompiers rattachés à l’unité élémentaire spécialisée (UES) du Louvre. Garantir l’éternité de ses œuvres, qui font du musée un temple de notre histoire, demande un engagement permanent que ces soldats du feu remplissent chaque jour, non sans une pointe de noblesse et d’humilité. Présents depuis 1980, les pompiers se confrontent continuellement aux dangers qui menacent la structure face aux risques d’incendie ou d’inondations. La réponse opérationnelle des pompiers doit être toujours plus efficace face au nombre croissant de travaux concernant le musée et les risques qu’ils comportent. Dans ce contexte, pour guider la tâche quotidienne des sapeurs de la 43e compagnie, un document fait office de référence : le plan de sauvegarde des œuvres. Son but ? Sauver les œuvres selon un plan d’exécution précis.
Priorisation et mode d’actions
Comment protéger les 38 000 œuvres qui sont exposées dans les 450 salles du musée ? Quels moyens permettent de préserver rapidement et efficacement ce patrimoine historique si la menace survient ? Ce plan de sauvegarde, élaboré en collaboration avec la direction de la recherche et des collections du Louvre, définit les conduites à tenir lors d’une intervention : prioriser les œuvres à sauver et agir selon un mode d’action adapté à chaque œuvre.
Premièrement, la priorisation. Le capitaine Julien Guillon, commandant de l’unité, nous décrit son application concrète : « le plan fournit des indications sur chaque salle d’exposition et sur l’emplacement de chaque œuvre ainsi que des enseignements spécifiques sur leur valeur et sur la manière de l’extraire. La priorisation se fait en trois phases : sauver en priorité les « œuvres majeures », puis les P1 et enfin les P2 ». Une priorisation qui doit être pragmatique et compréhensible pour le pompier de Paris qui ne possède pas instinctivement la notion de ces différences de valeurs.
Deuxièmement, les modes d’action. « Au nombre de trois, précise le capitaine. Le premier concerne les œuvres qui ne sont pas trop lourdes et que l’on peut déplacer. Le deuxième, fait référence à la protection des œuvres. Une statue comme La Vénus de Milo ne peut pas être transportée donc il nous faut prendre des bâches ignifugées pour la protéger. Le troisième fait référence aux découpes de vitrines à réaliser pour les œuvres placées sous protection. » Apporter aux pompiers de la 43e compagnie une expertise artistique et opérationnelle lors des interventions, voilà donc les objectifs de ce document.
Les pompiers de l’UES Louvre reçoivent tous les trois mois une formation « sauvegarde des œuvres » afin de mettre en pratique les enseignements de ce plan de sauvegarde. « Cette formation se fait en deux temps, explique le commandant d’unité. D’une part, elle consiste à nous sensibiliser sur la valeur des œuvres, afin qu’on puisse prendre conscience des enjeux de nos opérations et d’autre part, elle nous permet de faire les mises en action évoquées précédemment. » Des exercices très utiles selon lui. « À partir du moment où le pompier est sensibilisé, ajoute le capitaine, il y a une prise de conscience de sa part. Il sera beaucoup plus efficace dans son travail et capable de sortir de son image de néophyte pour répondre à la situation. » Une pratique aidée par une innovation opérationnelle qui va faciliter le travail des sapeurs-pompiers.
Le saviez-vous ?
Comment La Joconde est-elle devenue l’œuvre d’art la plus populaire de l’histoire ?
Au-delà de son regard magnétique, de son origine énigmatique, de son style distingué ou de son célébrissime auteur, La Joconde doit sa popularité inégalée à un événement peu connu du grand public. Le 21 août 1911, dans la stupeur générale, le tableau de Léonard de Vinci disparaît ! Ce vol met en émoi le monde entier. Orchestré par un certain Vincenzo Peruggia, un vitrier italien qui travaillait à la réfection du musée et prétendait rendre le chef-d’œuvre à l’Italie. C’est alors que la direction du Louvre va réaliser un coup de génie marketing. Celui d’exposer l’emplacement vide du tableau à la vue des visiteurs. Le mythe prend forme et jusqu’à son retour en 1914, l’œuvre est déjà devenue l’objet de toutes les attentions. Plus d’un siècle plus tard, Mona Lisa ne cesse de susciter l’attention de visiteurs. Une histoire à retrouver dans cet article : Le vol de la Joconde (lemonde.fr)
Un nouveau chariot d’intervention
Dans cette logique d’une réponse opérationnelle adaptée, les pompiers du Louvre sont partis d’un constat. « À l’époque, pour intervenir, nous n’avions que les réserves qui sont réparties un peu partout dans le musée, indique le sergent-chef Matthieu Leloup. Ces réserves d’approche, bien qu’à proximité, nous faisaient perdre un temps fou pour aller chercher le matériel. Si on ne faisait pas attention à bien prendre tous les éléments utiles à l’opération, il fallait y retourner. » Ce procédé, peu efficace dans le cadre d’une intervention où la rapidité est la clé, devait faire peau neuve. « Je trouvais laborieux de devoir penser à tous les éléments à prendre au moment de l’intervention. C’est pourquoi, poursuit le sous-officier, j’ai pensé que l’idéal dans cette situation serait d’avoir un petit chariot d’intervention, afin de traiter rapidement un début de sauvegarde. » L’idée répondant à la problématique, le sous-officier se penche ensuite sur la composition et l’apparence de ce chariot opérationnel venant compléter le matériel des sapeurs-pompiers du Louvre face aux dangers.
« À partir de ce besoin, nous indique le sergent-chef Leloup, il fallait définir ce qui était nécessaire pour des interventions de ce type. Avec l’ancienneté de chacun et nos discussions, nous nous sommes rendus compte que la plupart des sauvegardes était contre les risques d’inondations ou de fuites d’eau provoquées par des lances à incendie sur des feux de combles. J’ai donc dressé une liste d’éléments indispensables à ce type de sauvegarde pour composer le chariot. J’ai ensuite inclus les autres éléments indispensables lors d’un incendie. Il ne fallait pas trop en mettre, de façon à ce que le chariot reste compact et puisse être transporté dans chaque partie du musée, même très réduite. » La conception du chariot de sauvegarde est confiée aux ouvriers d’art du musée du Louvre qui lui donnent la forme d’un plateau à roulettes de type déménagement.
Le chariot de sauvegarde des œuvres a pour but d’acheminer rapidement du matériel de sauvegarde des œuvres permettant une action rapide en complément d’une intervention du détachement BSPP dans le musée du Louvre. Il comprend : - Un lot d’outillage à main (jeux de clefs, pinces, tournevis, cutter…) - Un lot d’électroportatifs avec batteries et consommables (meuleuse d’angle « disques diamants » et cisaille « coupe pédale » électrique) - Un rouleau de polyane monté sur dévidoir 100 ML Trois couvertures anti-feu à velcro de 9 m² - Du matériel divers (serre-joints de différentes tailles, coussins absorbants, raclettes, ventouses de portage, scotch, ficelle, colliers de serrage rapide…etc.) - Un plateau à roulette type déménagement - Des caisses de transports - Une échelle modulable de cinq mètres |
Le chariot « lot de sauvegarde des œuvres » créé, il devient rapidement impliqué dans les exercices de formation proposés aux sapeurs-pompiers du Louvre. Comme le 2 mars dernier, où il prouve sa pertinence dans le cadre des situations proposées. Mobile, discret et présentant tous les éléments de première intervention, il incite les pompiers présents sur place à manoeuvrer de façon optimale. « Le chariot est un élément ultra-mobile présentant tout le matériel nécessaire pour intervenir, affirme le capitaine Guillon. C’est un outil opérationnel très efficace qui nous permettra d’être plus rapides en cas de sinistre. Je pense qu’il pourrait permettre à de nombreux autres musées de se doter d’un élément simplifiant la mise à disposition du matériel nécessaire pour le pompier. » Un nouveau venu qui fait le bonheur de la compagnie donc, et qui démontre toute l’expertise des pompiers de Paris dans la réponse appropriée à son environnement. L’histoire retiendra que la Brigade a aussi son œuvre présente au musée du Louvre…
Oeil de l’artiste Le sergent-chef Matthieu Leloup, affecté à la 43e compagnie depuis deux ans, est à l’origine de cette invention avec les ouvriers d’art du musée du Louvre. Passionné d’art et de son métier, il nous explique avec sincérité qu’il « n’a rien inventé d’extraordinaire ». Pourtant, son abnégation et sa volonté féroce de faciliter le travail de ses camarades l’ont conduit à mettre sur pied un élément de première intervention salué de tous. Pour élaborer ce chariot, le sergent-chef s’est d’ailleurs appuyé sur son expérience en compagnie. « Et tout particulièrement de celle du PS (véhicule premier secours). C’est une boîte à outils roulante qui nous permet d’intervenir sur tous les types d’interventions et on peut se débrouiller avec ça en attendant d’avoir le matériel spécifique. Le chariot est l’équivalent des caisses de premier départ mais orienté sur la sauvegarde des œuvres. » Une référence qui l’a guidé dans sa création. « C’est un travail qui a duré plusieurs mois avec le couloir des ateliers, indique le sous-officier, ne serait-ce que pour concevoir le dévidoir à polyane parce qu’on en a plein en stocks dont les mensurations sont différentes. » À l’avenir, le sergent-chef n’a qu’un souhait : « dans l’idéal, j’aimerais qu’il y ait un chariot par réserve d’approches. » Chapeau l’artiste ! |