Grands formats — Opérateur de l’ombre, le centre de suivi opérationnel (CSO) a pourtant un rôle primordial lors des interventions de la Brigade. Celui du 2e groupement d’incendie et de secours (GIS) nous ouvre ses portes à Masséna. Immersion dans une salle stratégique de la chaîne des secours.
La pièce du CSO est plus petite qu’on ne pourrait l’imaginer, contrastant ainsi avec le mastodonte de la caserne de Masséna qui l’abrite. Pas bien grande, mais suffisante pour travailler en symbiose. Ses murs blancs sont tapissés de notes et informations indispensables au bon fonctionnement du CSO. Les cinq postes de travail sont disposés pour que tout le monde puisse se voir. Le bureau du sous-officier statique, qui n’est autre que le chef du CSO, est lumineux. Placé face à la fenêtre et à ses opérateurs, il a un œil sur tout ce qui se passe dans la pièce mais aussi sur son secteur. En effet, à sa droite, une télévision diffuse les informations en continu. Sur son bureau figure la liste de toutes les personnes de garde durant la journée, ainsi que le calendrier des événements particuliers des prochaines 24 heures. Le calme de la salle est régulièrement interrompu par les sonneries des téléphones, mais pas de quoi déstabiliser la rigueur de l’équipe.
Mardi 29 novembre 2022, 13 h 00. Le sergent Salim Beldjilali n’a pas eu une seconde pour lui depuis le retour de sa séance de sport. Pas le temps de prendre une douche, ni même de déjeuner. Le téléphone ne cesse de sonner. Pour être sous-officier statique, il ne faut pas rester immobile !
En fonction depuis 7 heures ce matin et jusqu’à 7 heures le lendemain, il fait une transmission des consignes avec le sous-officier statique qu’il remplace. Le sergent le sait d’avance, cette journée sera loin d’être la plus calme de sa carrière. Au programme aujourd’hui : quatre exercices ! Sans compter tous les appels à traiter en urgence. Beaucoup d’appels mais un seul credo : l’opérationnel avant tout. Ce mot a été au cœur de toute la carrière du sergent. Après avoir passé plus de onze ans en compagnie d’incendie et de secours, il intègre le CSO du 1er GIS en 2019 en tant qu’opérateur chef d’équipe. Il obtient ensuite la qualification chef de salle opérationnel lui permettant ainsi de rejoindre le CSO du 2e GIS le 1er janvier 2022.
Le téléphone comme meilleur allié. Le bureau du sergent Beldjilali est un centre opérationnel à lui tout seul : un téléphone fixe, un téléphone dédié au commandement et un téléphone en ligne directe avec les opérateurs ; le « trio », comme il l’appelle. Tel un chef d’orchestre, il oscille entre les différents combinés pour renseigner ses interlocuteurs. Parfois, les téléphones sonnent en même temps, mais pas de quoi agiter le sergent, qui finit toujours par contrôler le flux. Il faut dire que son équipe est d’une grande aide. Composée de trois binômes d’opérateurs en poste pendant 24 heures, elle s’occupe de la partie messagerie opérationnelle.
Trois binômes d’opérateurs sont en poste pendant 24 heures.
Des hommes dans les engins. Ils ne sont pas nombreux, mais ils sont déterminants lors des interventions. En effet, le CSO gère toute l’activité opérationnelle des engins du 2e GIS. En étroite relation avec le centre opérationnel (CO), premier maillon de la chaîne, le CSO doit suivre les ordres de départ et honorer les demandes de moyens. Dans chaque engin, derrière chaque intervention, il y a des hommes. Le sergent Beldjilali ne l’oublie jamais. Le facteur humain entre en compte à chacune de ses prises décisions, comme nous avons pu le constater dans l’une de ses nombreuses conversations téléphoniques lors de notre présence : « Le fourgon de Saint-Maur, il va peut-être falloir qu’il mange, s’inquiète le statique. Qu’en pense le chef d’agrès, il se sent d’attaque pour faire un exercice ? ».
Anticiper pour mieux maîtriser. Pour gérer sa salle d’une main de maître, le sous-officier statique peut s’appuyer sur de nombreux outils. Parmi eux, deux écrans lui permettent de visualiser la couverture opérationnelle. Le premier cartographie en temps réel les secteurs qui sont plus lésés que d’autres en termes de moyens. Ainsi, lorsqu’une partie de l’écran devient rouge, le sergent sait qu’il n’a plus d’engins disponibles à cet endroit précis. Le second écran indique la capacité des VSAV et des engins-pompes sur l’ensemble de la Brigade.
Ces outils permettent au sergent de ne jamais être pris au dépourvu. L’anticipation sonne d’ailleurs comme un axiome. En cas d’épisode météorologique de grande ampleur (crue, orage, neige, etc.) ou de manifestations, la posture « crise » peut être activée. Cela correspond à une situation qui, à moyen ou long terme, impacte la BSPP dans son fonctionnement quotidien sur tout ou partie de son secteur de compétences. République, Bastille, Nation, Châtelet ou encore Place d’Italie sont autant de lieux sur le secteur du 2e GIS utilisés lors de manifestations. Lorsque la posture crise est déclenchée, le CSO doit bâtir une structure chargée de mettre en œuvre les ordres de l’État-major opérationnel (EMO). Pour ce faire, le centre a pour annexe une salle de crise. Une grande carte de Paris où figurent les centres de secours habille le mur. On aperçoit encore, tracé au feutre, le parcours de la dernière manifestation. Ce jour-là, les manifestants passaient au pied du centre de secours de Parmentier. Le sergent avait été contraint de délocaliser les engins de la caserne dans une autre rue pour pas que les départs sur interventions ne soient fortement ralentis.
En somme, conclut le sergent, « lorsqu’on est sous-officier statique, aucune journée ne se ressemble ». C’est sans nul doute ça qui plaît au sergent Beldjilali malgré la charge mentale, la rigueur et l’organisation qu’imposent son métier.
En 2021, 135 378 interventions ont été gérées par le CSO du 2e GIS, soit 370 par jour. 2023 n’en est qu’à son préambule, mais on imagine sans trop d’effort que le rythme du CSO ne ralentira pas.