#BrigadeInside — — Quand le feu se développe et que chaque seconde compte, ils ne brandissent pas leur lance à incendie
mais leurs feutres et leur tableau blanc. Inventés par le dessinateur René Dosne, les dessinateurs opérationnels de la Brigade sont l’outil d’aide à la décision du Commandement des opérations de secours (COS) sur intervention. En pleine urgence, ils réalisent des dessins précis pour guider les pompiers engagés dans la lutte contre le sinistre. Mais qui sont ces artistes de l’ombre ? Le major Frédéric Noirot nous éclaire !
Après 20 ans passés à gravir les échelons au sein des compagnies d’incendie, et trois ans en tant qu’adjudant d’unité à la Compagnie de télécommunication informatique (CTI), le major Frédéric Noirot est aujourd’hui chef du groupe des dessinateurs opérationnels (DO) de la Brigade.
Qu’est-ce qu’un dessinateur opérationnel ?
Le dessinateur opérationnel de la Brigade est un pompier travaillant en système de garde. Sa mission principale est de fournir, en moins de vingt minutes après son arrivée sur les lieux d’un sinistre, un dessin en 3D de la zone d’intervention. Cette synthèse rassemble à la fois l’ensemble des caractéristiques du bâtiment (accès, escaliers, circulations horizontales et verticales..) mais surtout l’emplacement du sinistre avec les risques de propagations. Le dessin devient ainsi l’outil de travail du COS. Quand il est de garde, le DO a un rôle bien particulier.
Quel est-il ?
Le dessinateur de garde est projeté sur toutes les interventions qui nécessitent l’engagement du Véhicule de Poste de commandement tactique (VPC TAC). Dès son arrivée sur les lieux, sa mission débute. La priorité est de fournir une vue 3D au profit du COS. Pour cela, le DO, équipé de sa tenue de feu, d’un masque de protection respiratoire, de crayons et de papier, s’engage dans le bâtiment pour en faire une représentation schématique. Bien qu’il soit limité dans ses reconnaissances pour des raisons de sécurité, son objectif est de restituer les éléments essentiels à la bonne conduite de l’intervention (structure du bâtiment, circulations horizontales et verticales, gaines techniques, puits de lumière, etc.). Pour améliorer sa visibilité, il peut collaborer avec un opérateur drone ou utiliser le bras élévateur aérien (BEA) pour obtenir des vues aériennes. Les dessinateurs opérationnels doivent fournir leur représentation, en moins de 20 min afin que celle-ci devienne l’outil de travail du COS. Le DO met son dessin à disposition de l’officier PC pour l’ouverture du premier point de situation. Le dessin opérationnel sera le document unique de gestion et de compte-rendu tout au long de l’intervention. Il est ensuite partagé avec le COS et les autres acteurs présents, accompagné d’explications concises pour faciliter la mise en relief du sinistre.
Et le DO post-opérationnel ?
Pour les sinistres courants, le DO refait son dessin à froid à son retour d’intervention. Et pour les interventions complexes, nécessitant un retour d’expérience (RETEX) il retourne sur les lieux pour collecter des informations supplémentaires et faire des photos afin de renseigner le RETEX et réaliser
une modélisation 3D. Celle-ci offre une vue d’ensemble avec une animation permettant de tourner autour du bâtiment et de se concentrer sur les particularités du sinistre. Au-delà de l’opérationnel, nous participons également à divers stages (FIO, OGC, Officier PC, COS DSM)1 pour expliquer notre rôle, nos méthodes de travail, et comment travailler avec nous.
Quel est le profil d’un dessinateur ?
Nous recherchons des soldats du feu ayant une bonne capacité de synthèse graphique, de visualisation dans l’espace (3D) ainsi qu’une aisance orale. Il est aussi important que le DO respecte les règles de sécurité car travaillant souvent seul et sans appareil respiratoire isolant (ARI), il doit savoir que sa mission s’arrête au dessin, sans prise de risques supplémentaires.
Major, comment devient-on DO ?
Pour devenir DO, il faut d’abord être chef de garde incendie. Un dessinateur « opé » est avant tout un pompier, que l’on forme ensuite à devenir dessinateur ! Le recrutement se fait sur la base du volontariat, et la formation se divise en deux modules. Le module DO1 se compose d’une première journée de stage où les pompiers apprennent les bases du dessin (perspective, angles de vue, techniques). À l’issue de cette journée, les stagiaires suivent un e‑learning de six semaines, au cours duquel ils réalisent huit dossiers d’exercices pour progresser. À la fin de ce programme, ils passent un examen avec des exercices sous contrainte de temps. Même si le premier module est validé la formation se poursuit par des exercices complémentaires qui permettront aux candidats de continuer leur progression jusqu’au DO2. Nous sommes aussi bien attentifs au potentiel qu’à la personnalité du candidat. Le module DO2 est un stage d’une semaine durant lequel les stagiaires approfondissent leurs compétences en dessin. Ils sont confrontés à des cas concrets, en tenue de feu et dans des conditions réelles (reconnaissances de bâtiments) avec contraintes de temps. À la fin de cette semaine, ils passent un examen de mise en situation, ils devront faire un dessin sur feuille A4 (20 min) puis sur tableau blanc (20 min) qu’ils devront expliqués à un officier du bureau qui jouera de rôle de l’officier PC, comme à l’ouverture du point de situation et répondent à d’éventuelles questions de l’examinateur. À l’issue de la formation, ils sont titulaires et aptes en tant que dessinateur opérationnel. Dans un premier temps, ils
décalent en doublure d’un DO expérimenté afin de parfaire leur maîtrise du métier, puis au bout de deux à trois mois, ils sont prêts à décaler seul.
La formation peut sembler rapide, mais l’expérience s’acquiert très vite grâce à la densité opérationnelle de la BSPP. En moyenne nous intervenons plus d’une fois par jour. Actuellement, la Brigade est la seule à disposer de dessinateurs de garde, prêts à intervenir à T+0 ! Depuis 2023, la BSPP est en capacité de proposer son cursus d’enseignement aux autres pompiers. Cette même année nous avons formé un pompier de la Moselle à Metz à notre spécialité.
Quelles sont les missions sur lesquelles vous pouvez être déclenché ?
Engagé majoritairement sur les incendies, nous sommes également projetés sur des explosions effondrements mais également sur des fuites d’eau très importantes (quartier). L’objectif de la mission c’est d’être au profit du COS : un chef d’agrès peut demander notre déclenchement dès lors qu’il le juge nécessaire.
Quels sont les évolutions possibles du métier ?
L’avenir du métier s’oriente dans le passage au dessin numérique, mais cela nécessitera des adaptations tant dans le domaine de la formation que sur le terrain. Le dessin numérique offrira un rendu graphique supérieur des informations récupérées sur intervention.
1 : Formation initiale officier, officier garde compagnie, officier poste de commandement, commandant
des opérations de secours directeur des secours médicaux.
2 : Dès le début du sinistre.