Grands formats — Chaque décennie, la péniche du centre de secours La Monnaie du GAS est sortie de l’eau pour un check-up et la réalisation de travaux d’entretien. Pendant toute la durée de l’opération conduite par un chantier naval, les spécialistes nautiques de la Brigade continuent d’assurer les départs en intervention. Nous nous sommes rendus sur les quais de Seine pour descendre en cale sèche et suivre ce chantier atypique.
Mardi 14 mai 2019, il est 8 heures. La péniche quitte le 11 quai de Conti avec près de 24 heures de retard. « Nous devions attendre que le niveau de la Seine baisse pour pouvoir passer sous certains ponts », explique Faria Cindy, responsable Études & Projets du Chantier naval des Hauts de Lutèce.
« Dépourvue de moteur, d’hélices et de gouvernail, la péniche des sapeurs-pompiers de Paris ne peut naviguer seule. Notre bateau pousseur est donc nécessaire pour l’acheminer vers notre chantier naval situé au 24 quai d’Austerlitz. Sur place, un dock flottant l’attend. D’une capacité de levage de 700 tonnes, mesurant 93 mètres de long et 11 mètres de large, il est à demi immergé dans le fleuve. Nous positionnons la péniche juste au-dessus. Puis, par un système de ballasts, le dock remonte à la surface, mettant hors de l’eau la caserne sur des cales judicieusement réparties par nos ouvriers. »
Le suivi des travaux
D’un point de vue logistique, les travaux sont suivis par le sergent-chef Nicolas Demets, conducteur de travaux au bureau soutien de logistique (BSI) de la BSPP. Il s’agit d’un chantier tout à fait atypique et adapté à l’activité d’un centre secours (CS). La péniche reste opérationnelle pendant la phase de travaux : des cheminements à base d’échelles permettent de partir en intervention à tout moment. Seule l’adresse du CS a provisoirement changé.
« Pour être conforme avec la réglementation, la commission de surveillance des bateaux veille à ce que les navires soient montés en cale sèche afin d’être examinés par un expert agrée », explique le sous-officier. « Pour les bateaux de commerce, l’opération a lieu tous les cinq ans, pour les bateaux logements, à l’instar du centre de secours La Monnaie, c’est tous les dix ans. Ce moment reste l’occasion de contrôler l’état des anodes de protection mais aussi de la coque. »
Certaines épaisseurs de métal (…) demeurent en très mauvais état. Par endroit, il y a même un risque de percement.
Faria Cindy — Responsable Études et Projets du Chantier naval de Hauts de Lutèce
Les opérations, qui vont durer près de deux semaines commencent par un nettoyage en profondeur de la coque. Un jet haute pression de 450 bars débarrasse le métal de toutes algues, salissures et coquillages. Un expert examine minutieusement l’état de la coque. À l’aide d’un mesureur à ultrasons, des sondages sont réalisés. « Lors de relevés d’épaisseur, la côte minimale acceptable est de 4,2 millimètres », explique la responsable Études & Projets du Chantier naval des Hauts de Lutèce. « Concernant la péniche des pompiers, certaines épaisseurs de métal sont situées sous ce minima et demeurent en très mauvais état. Par endroit, il y a même un risque de percement. Nous devons réaliser un doublement de la coque au niveau de la poupe* du navire. Sur d’autres zones, des tôles sont enlevées à l’aide d’une meuleuse, puis remplacée par des plaques soudées ».
Seulement après, la mise en peinture peut débuter. Pour obtenir des résultats idoines et durables dans le temps, une primaire d’accrochage, une sous-couche de peinture à base métallique, est appliquée sur la carène. La finition aux couleurs définitives du centre de secours La Monnaie est réalisée en deux couches à l’aide d’une peinture EPOXY, particulièrement résistante, notamment pour la partie immergée du bateau.
Le 27 mai dernier, le dock flottant est de nouveau immergé afin de procéder à la remise à l’eau et au remorquage de la péniche vers son point d’amarrage habituel, non loin de la cathédrale Notre Dame de Paris.
Une caserne unique
Longue de plus de 46 mètres, large de sept mètres et d’une superficie de 480 m2, ce mastodonte de plus de 400 tonnes est amarré sur les quais de Seine depuis 1984. Inscrit en lettres capitales, tout le monde peut lire « Sapeurs-pompiers ». Avec son armature de métal blanc et ses panneaux de bois, La Monnaie flotte fièrement, juste en face du musée du Louvre. Ce bateau est équipé comme une caserne traditionnelle parisienne : réfectoire, salle de repos, cabines aménagées avec deux lits et deux armoires, salle de sport, poste de veille opérationnelle…
Tous les sapeurs-pompiers affectés à La Monnaie sont plongeurs. Les spécialistes en intervention aquatique (SIA) interviennent lors de secours à victimes, à condition que ces dernières restent en surface. S’il faut plonger, ce sont les spécialistes en intervention subaquatique (SIS) qui prennent le relais.
Feu, chute de personne, accident fluvial, intervention sur bateau à la dérive, pollution ou encore véhicule tombé à l’eau : ils sont capables d’intervenir en quelques minutes sur l’ensemble du bief parisien.
Pour mener à bien les 500 interventions annuelles, deux bateaux d’intervention sont arrimés à la péniche. L’embarcation de secours et d’assistance aux victimes (ESAV) détient les performances et la puissance nécessaire pour réaliser de nombreux sauvetages dans des conditions optimales. Elle embarque un équipage de trois secouristes, mais aussi tout le matériel de secours aux victimes contenu dans un VSAV classique, ainsi qu’une planche à masser, indispensable pour la prise en charge des noyés en hypothermie.
Quant à la vedette d’intervention « ESAVI », elle permet de maîtriser des feux de bateaux ou de voitures immobilisées au niveau des voies sur berges grâce à sa lance canon de 1 000 l/min et sa lance à main d’un débit de 500 l/min.
La poupe* : Le terme « poupe » est utilisé pour désigner l’arrière d’un bateau.