Grands formats — Nous avons passé une journée entière avec le détachement de la 41e compagnie du GAS à l’Assemblée nationale. La manière idéale de comprendre le fonctionnement de ce groupe dans un univers bien particulier.
Nous ne sommes pas chez nous ici, nous confie le chef de bataillon Erwan Hamonic, chef du détachement de sapeurs-pompiers de Paris à l’Assemblée nationale. Nous devons être le plus discrets possible. » En effet, la maison du peuple français grouille d’activité : députés, assistants parlementaires, groupes de visiteurs, journalistes, surveillants, ouvriers s’y croisent dans les couloirs et les halls, s’y parlent et s’y retrouvent. À titre de proportion, sachez que l’Assemblée nationale possède son propre bureau de poste et le service de tri est équivalent à celui d’une ville comme Rouen (Seine-Maritime, 115 000 habitants). Dans ces circonstances, les pompiers se trouvent souvent dans leur PC, situé juste sous l’hémicycle. Ils y surveillent les quelque 15 hectares (l’équivalent de quinze terrains de football) de leur secteur immobilier, qui s’étend sur plusieurs niveaux et différents styles d’architecture où sont répartis environ 8 000 détecteurs de fumée.
En perpétuel chantier. Le Palais Bourbon et l’Hôtel de Lassay, où se situent les appartements de la présidente de l’Assemblée nationale, datent du début du XVIIIe siècle. Des travaux de rénovation y sont nécessaires, mais demandent plus de précautions et donc de temps. Ils présentent également plus de dangers que la moyenne. Pour exemple, la grande bibliothèque, qui subit une rénovation complète, est un chantier que nous avons visité. Dès que nous entrons sous les bâches d’isolation, une odeur de bois nous envahit. Tous les matériaux utilisés, comme les colles et les solvants, peuvent devenir une source potentielle d’incendie. Chaque chantier fait donc l’objet d’une demande de permis préalable auprès du détachement. Le nombre et l’ampleur de ces demandes sont impressionnants : il peut y en avoir jusqu’à 30 par jour et plus de 4 000 par an.
Se repérer. Par conséquent, la prévention et la surveillance constituent des tâches quotidiennes pour nos pompiers. Ils sont vingt et un au détachement pour sept de garde par jour. Leur journée de travail est similaire à celle de la caserne d’incendie. Ils se rassemblent, font de l’exercice, puis commencent leur tour de garde du matin et leur manœuvre. Parmi leurs préoccupations opérationnelles, la reconnaissance des lieux demeure leur priorité. « Ici, encore plus qu’en compagnie « classique », chaque pompier doit posséder une bonne connaissance du secteur, souligne le sergent-chef Jérôme Ihuel, fraîchement arrivé. En cas d’urgence, nous devons intervenir en quelques minutes, peu importe la localisation sur le site. » En effet, en déambulant avec nos soldats du feu, on s’aperçoit rapidement de la difficulté. Les couloirs et les portes, qui semblent identiques à première vue, peuvent parfois mener à des destinations complètement différentes. Après quelques allées et venues, en fin de matinée, nous réussissons enfin à nous orienter vers l’hémicycle. Cependant, pour le reste…
Dédale. Un labyrinthe de quinze hectares avec des passages pas toujours simples, comme les petites portes qui délimitent les différentes parties de la tribune des spectateurs. L’Assemblée est vraiment un ERP pas comme les autres ! En effet, pour respecter les règles en vigueur, des modifications sont actuellement apportées, en particulier pour les personnes à mobilité réduite. Cette préoccupation n’était pas envisageable lors de la construction du Palais Bourbon. Pourtant, les architectes ont trouvé une solution ingénieuse en exploitant un espace de construction existant depuis que la façade de l’édifice a été alignée sur l’église de la Madeleine au début du XIXe siècle. Une fois de plus, il s’agit d’un projet hors du commun qui comporte des risques considérables.
Pompiers interdits pendant la séance. L’hémicycle, haut lieu de la politique de notre pays, est un endroit très sensible où les sapeurs-pompiers ne doivent pas intervenir lorsque les députés y tiennent séance. Par conséquent, des exercices de gestion et d’évacuation des victimes sont régulièrement organisés pour former les huissiers. Si cela est possible, ils devront sortir la victime de la salle vers les espaces extérieurs, où les pompiers prendront le relais. Si le nombre d’interventions du détachement ne peut rivaliser avec celui d’une compagnie d’incendie classique, il a tout de même traité 175 secours à victimes cette année. De plus, un déclenchement quotidien d’alarme incendie est malheureusement monnaie courante. Néanmoins, il faut parfois réagir très rapidement, comme c’était le cas il y a quelques semaines lors d’une tempête sur la Capitale. Une inondation a détruit plusieurs sous-sols, dont une des salles de commissions. Le professionnalisme des pompiers a permis de limiter les dégâts face à un déluge d’eau se déversant d’étage en étage… « Nous ne sommes pas dans le même esprit que lorsque nous étions en CS, car notre entourage est différent, et c’est bien aussi de ne pas être qu’entre pompiers », affirme le sergent-chef Baptiste Leduc.
Des pompiers d’expérience. Les pompiers du détachement ont tous plus de dix ans d’expérience, sont tous des pères de famille et sont donc plus mûrs. Ils font face à des fonctionnaires de l’Assemblée, dont la moyenne d’âge est de cinquante ans, parmi eux, plusieurs sont d’anciens de la BSPP. Après le déjeuner, les soldats s’offent une pause en regardant le journal télévisé de 13 heures sur TF1. « Dans le climat actuel, il est essentiel de se tenir informés, en particulier sur les développements politiques majeurs », nous rappelle l’adjudant-chef Stéphane Zlamanczuk, adjoint du commandant. Dans l’après-midi, nous assistons à une séance de formation aux gestes qui sauvent dans un bureau non loin de la salle des Pas perdus. L’un de nos pompiers de garde dirige l’exercice. « C’est une part importante de notre action sur le site », nous explique l’adjudant-chef. Les stagiaires repartent avec un diplôme. De tous les détachements, celui de l’Assemblée nationale est parmi les plus séculiers. « Les pompiers qui terminent leur carrière peuvent y préparer leur reconversion de façon optimale, et la collaboration quotidienne avec le personnel civil les aide énormément, » conclut le sous-officier.