DÉTACHEMENTS (3/​3) — Musée d’Orsay : pompiers de marbre

Nicho­las Bady —  — Modi­fiée le 13 février 2025 à 04 h 35 

Grands formats — Le musée d’Orsay, véritable trésor culturel niché au cœur de Paris, attire chaque année des millions de visiteurs. Derrière la majesté de son architecture et la richesse de ses collections, un dispositif d’exception veille, en toute discrétion.

Pro­té­ger un édi­fice tel que le musée d’Orsay requiert un haut niveau de com­pé­tence. Trans­for­mée en musée sur déci­sion du pré­sident de la Répu­blique Valé­ry Gis­card d’Estaing, cette ancienne gare datant de la fin du XIXe siècle pré­sente des spé­ci­fi­ci­tés archi­tec­tu­rales com­plexes. Les vastes espaces, les maté­riaux anciens et les tech­niques de construc­tion his­to­riques aug­mentent les risques en cas d’incendie. Les œuvres expo­sées, sou­vent ines­ti­mables, néces­sitent une atten­tion par­ti­cu­lière. Les inter­ven­tions doivent être à la fois rapides et pré­cises, tout en limi­tant les dégâts col­la­té­raux. Un incen­die au sein du musée ne met­trait pas seule­ment en péril les visi­teurs et le per­son­nel, mais éga­le­ment des pans entiers de l’histoire de l’art.

Depuis l’ouverture du musée en 1986, et jusqu’à 1995, la sécu­ri­té du site est assu­rée par les sapeurs-pom­piers de la 4e com­pa­gnie, qui « montent des gardes » à Orsay. En 1995, un déta­che­ment de la Bri­gade est inté­gré dans l’organigramme du musée sous le nom de sec­teur pré­ven­tion sécu­ri­té incen­die (SPSI).

Aujourd’hui, « le centre de secours spé­cia­li­sé Orsay est com­po­sé de quinze sapeurs-pom­piers de Paris, indique le major Jean-Marie Le Nadant, chef du déta­che­ment depuis sep­tembre 2024. Un major et un adju­dant-chef titu­laires de la for­ma­tion PRV2 sont en ser­vice d’appui et de secours, tan­dis que quatre ser­gents et neuf mili­taires du rang sont en ser­vice d’incendie et de secours et assurent des mis­sions de type SSIAP1. » Le déta­che­ment du musée d’Orsay com­pose, avec le déta­che­ment du Louvre, la 43e com­pa­gnie du Grou­pe­ment des appuis et de secours (GAS).

Œuvrer dans l’ombre. Le SPSI assure quo­ti­dien­ne­ment la sur­veillance incen­die du musée d’Orsay. Sa pré­sence garan­tit une réac­ti­vi­té opti­male face à tout inci­dent. « Il y a quatre sapeurs-pom­piers de garde chaque jour, pour­suit le major. Un ser­gent est chef de poste, deux mili­taires du rang sont res­pec­ti­ve­ment chef d’équipe et équi­pier, tan­dis qu’un troi­sième mili­taire du rang gère le sys­tème de sécu­ri­té incen­die à la cen­trale de sur­veillance du musée. » 

Ces pom­piers ne se contentent pas de sur­veiller : ils sont éga­le­ment for­més aux spé­ci­fi­ci­tés des bâti­ments his­to­riques et à la mani­pu­la­tion d’œuvres d’art en situa­tion d’urgence. Leur mis­sion inclut notam­ment la pré­ven­tion, la pré­vi­sion et la lutte contre les incen­dies, la pro­tec­tion des per­sonnes
et du patri­moine, le secours d’urgence, l’élaboration et le sui­vi des per­mis de feu et le conseil tech­nique auprès du COS2 en cas d’engagement des secours extérieurs.

Les sapeurs-pom­piers effec­tuent des rondes régu­lières, ins­pec­tant les ins­tal­la­tions, les espaces tech­niques et les zones sen­sibles. Leur objec­tif est de détec­ter les ano­ma­lies avant qu’elles ne deviennent cri­tiques. Le musée est doté de tech­no­lo­gies avan­cées, telles que 3 500 détec­teurs de fumée connec­tés et des sys­tèmes d’extinction à gaz inerte. Le déta­che­ment dis­pose éga­le­ment d’une camé­ra ther­mique. Les pom­piers s’assurent quo­ti­dien­ne­ment du bon fonc­tion­ne­ment de ces dispositifs. 

Le déta­che­ment orga­nise éga­le­ment des ses­sions de for­ma­tion en secou­risme pour le per­son­nel du musée et pro­gramme des exer­cices d’évacuation. Ces exer­cices per­mettent d’améliorer la coor­di­na­tion entre les équipes en cas de crise. En cas d’incident, les sapeurs-pom­piers inter­viennent immé­dia­te­ment avec des équi­pe­ments adap­tés, mini­mi­sant les dom­mages sur les œuvres tout en assu­rant la sécu­ri­té des per­sonnes. À ce titre, le déta­che­ment inter­vient en moyenne deux fois par jour pour por­ter secours aux visi­teurs du musée. 

Fortes impres­sions. « Orsay pos­sède la plus belle col­lec­tion de pein­tures que puisse nous pro­po­ser le monde,» s’enthousiasme l’adjudant-chef Pierre-Jean Jegu, adjoint au chef de déta­che­ment. En effet, le musée d’Orsay pos­sède une col­lec­tion de plu­sieurs cen­taines de toiles impres­sion­nistes, du « Bal du mou­lin de la Galette » de Pierre-Auguste Renoir à « La chambre de Van Gogh à Arles » de Van Gogh, en pas­sant par « Les joueurs de cartes » de Paul Cézanne. La gale­rie des impres­sion­nistes du musée est célèbre dans le monde entier pour la richesse de sa col­lec­tion. Si bien que nos sapeurs-pom­piers, au sang-froid pour­tant incon­tes­table, ne peuvent res­ter de marbre face aux chefs‑d’œuvre du musée. « Mon œuvre pré­fé­rée, c’est l’ours Pom­pon… parce que c’est la pré­fé­rée de mon fils », confie le capo­ral-chef Kévin Bar­bier, tota­li­sant plus de dix-sept années de ser­vice, dont une au musée. « Ours blanc » est une sta­tue en pierre du sculp­teur fran­çais Fran­çois Pom­pon, carac­té­ri­sée par ses formes arron­dies et une appa­rente sim­pli­ci­té, propre à l’artiste. « Nous avons énor­mé­ment de chance de ser­vir au sein du déta­che­ment du musée d’Orsay, sou­ligne le capo­ral-chef. Le cadre est excep­tion­nel et la mis­sion est valorisante. »

En défi­ni­tive, la pré­sence des sapeurs-pom­piers de la Bri­gade au sein du musée d’Orsay est un gage d’excellence et de séré­ni­té. Grâce à leur vigi­lance constante, les visi­teurs peuvent explo­rer ce haut lieu de la culture mon­diale en toute tran­quilli­té, assu­rés que l’art et l’histoire sont entre des mains expertes et dévouées.

1 : Ser­vice de sécu­ri­té incen­die et d’assistance à per­sonnes
2 : Com­man­dant des opé­ra­tions de secours

Photographie Sergent-Chef Nicholas Bady

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