Grands formats — À la fois physique et psychologique, la récupération est un maillon essentiel pour préserver le bien-être et la capacité opérationnelle du pompier de Paris, parfois soumis à une charge de travail soutenue. Découvrez tous les aspects de cette remise en condition en quatre épisodes.
LA RÉCUPERATION SOUS TOUTES SES FORMES
Sport, sommeil, travail… Nous entendons régulièrement parler de récupération, mais il est difficile d’en donner une définition précise. À juste titre, car la récupération peut prendre différentes formes.
à la Brigade, la récupération est un enjeu crucial. Il s’agit d’un processus essentiel visant à permettre aux pompiers de se reconditionner physiquement et psychologiquement après des interventions exigeantes et stressantes. Elle vise à préserver leur bien-être et leur capacité opérationnelle, sans altérer la gestion des événements dans leur parcours de vie.
Une récupération physique. Porter une tenue de feu et un appareil respiratoire isolant dans des conditions thermiques extrêmes n’est pas de tout repos et peut altérer l’organisme du sapeur-pompier. La récupération physique doit commencer pendant l’intervention. Pour cela, le pompier peut compter sur la Zone de remise en condition du personnel (ZRCP) où est stationné un Véhicule de remise en condition du personnel (VRCP).
Des techniques sont en cours de mise en place pour ancrer la récupération, notion parfois négligée, dans le parcours du sapeur-pompier de Paris. Il s’agit du programme d’Optimisation des ressources des forces armées (ORFA) permettant aux pompiers de mobiliser à bon escient leurs ressources physiques, mais également psychologiques.
Une récupération psychologique. L’accompagnement des psychologues constitue un appui pour la récupération des sapeurs-pompiers après des interventions stressantes ou traumatisantes. Ils offrent un soutien et un suivi prolongé si nécessaire. Une compréhension collective des enjeux psychologiques et la création d’un environnement de travail encourageant la récupération leur permettent de préserver leur bien-être et de profiter pleinement de leur vie personnelle et familiale.
La vie en caserne, et plus particulièrement la bienveillance et l’écoute, favorisent également la récupération. À l’issue d’une intervention compliquée, un defusing est mis en place pour que chaque pompier ayant participé aux opérations puisse partager et verbaliser son ressenti.
Qu’elle soit psychologique ou physique, la récupération est capitale pour accompagner le pompier de Paris tout au long de sa carrière.
Manon Peneaud
LA DETTE DE SOMMEIL
La BSPP s’est engagée depuis plusieurs années, avec l’aide de l’Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA) à améliorer, malgré une sollicitation toujours plus intense, la récupération physiologique de son personnel. Explications.
Les conséquences physiologiques de la dette de sommeil sont multiples. À court terme : troubles de l’attention, de la concentration et de l’humeur ; à moyen terme : répercussions sur le système immunitaire et hormonal ; à long terme : augmentation des risques cardio-vasculaires (hypertension artérielle), des risques psychiques (syndrome dépressif, syndrome post-traumatique) et des risques cancérigènes (cancer du sein chez la femme notamment). L’IRBA et la BSPP travaillent de concert depuis 2015 pour évaluer l’état de fatigue du personnel de la Brigade et proposer des mesures correctrices.
Études sur le sommeil. Des premiers travaux menés en 2015 mettent en évidence une hypersomnolence pour 20 % du personnel interrogé en Visite médicale périodique (VMP). Cela confirme les résultats de différentes études internationales rapportant un taux de somnolence diurne excessive variable de 14 à 42 % chez les pompiers et secouristes. En 2018, une étude prospective avec actimètres et agenda du sommeil a permis de réaliser un état du rythme veille-sommeil opérationnel. Une étape nécessaire puisqu’une nouvelle thèse confirme, en 2019, la forte prévalence de troubles du sommeil impactant l’état physiologique des sapeurs-pompiers et leur activité opérationnelle.
Premières applications. Suite aux résultats de ces études, les premières mesures d’une politique de gestion ont été initiées dès 2019 sous l’impulsion du commandement BSPP : déclenchement par STRADA dans les Véhicule de secours et d’assistances aux victimes (VSAV), institution dans la mesure du possible de siestes opérationnelles permettant de restaurer la concentration et l’attention (une durée de 15 à 20 minutes permet une récupération significative tout en évitant un éveil confusionnel causé par un sommeil lent et profond), projets d’infrastructures pour préserver la récupération (chambre « Hiboux » notamment) et formation d’instructeurs, puis à terme, de moniteurs d’Optimisation des ressources des forces armées (ORFA, voir page 44) par l’IRBA au profit de la BSPP.
Vigilance ! Néanmoins, la prévention de la fatigue est également individuelle et certaines précautions peuvent s’avérer particulièrement utiles. Dans la mesure du possible à domicile, une anticipation de la future garde peut-être réalisée : l’allongement de trente minutes à une heure de la durée des périodes de sommeil dans les jours précédant la garde augmentera très significativement la résistance au sommeil pendant la garde. La consommation de café est également à limiter en dehors des gardes afin de garder un effet stimulant pendant les périodes opérationnelles. Enfin, l’exposition aux écrans doit être limitée le soir, afin de ne pas perturber la sécrétion de mélatonine et la phase d’endormissement.
La nature des missions confiées à la Brigade, la forte sollicitation, mais aussi l’exigence de qualité de nos réponses opérationnelles et l’attention portée à la santé de chaque pompier justifient l’effort déployé depuis plusieurs années sur les sujets du sommeil et de la récupération physiologique. Les mesures préconisées par l’IRBA et voulues par le commandement doivent être connues de tous et reprises au plan individuel et collectif, avant, pendant et après les gardes.
Texte : Médecin en chef Catherine Louyot
ORFA, DES TECHNIQUES INÉDITES
L’ORFA (Optimisation des ressources des forces armées) est un ensemble de techniques mis en place pour le soldat. Elle balaye un champ d’action large, mais la récupération est un des points importants du dispositif.
L’ORFA, dans le cadre de la récupération, permet aux pompiers de mobiliser à bon escient leurs ressources physiques et psychologiques pour se remettre d’appoint rapidement. Le système ORFA peut jouer un rôle notable dans la gestion du stress opérationnel. Souvent de nature physique avec la fatigue, ce stress peut rapidement devenir psychologique. L’ORFA permet d’améliorer la récupération et la décompression après une surcharge opérationnelle. Il s’agit d’une approche préventive. Il est avant tout essentiel d’agir avant que le problème n’intervienne. Les techniques enseignées aux pompiers sont conçues pour être intégrées à leur quotidien en toute autonomie.
Spécialiste de l’ORFA. Le major Bertrand Bonnet, référent Entraînement physique militaire et sportif (EPMS) au Bureau ingénierie et formation (BIF) détient la qualification la plus élevée dans le cursus de l’ORFA. Il œuvre, au côté du commandement et du corps médical, pour mettre en place ce système au profit des pompiers de Paris. « L’objectif de l’ORFA est d’apporter à l’individu un bien-être ponctuel et surtout de l’acclimater aux techniques de détente », explique le major Bonnet. Par exemple, le rythme de travail des pompiers peut entraîner des troubles du sommeil. L’ORFA va permettre de prodiguer des techniques pour s’endormir plus rapidement.
Les psychologues ont également mis en place une méthode basée sur la sophrologie. Le militaire est amené dans un état de détente sans pour autant quitter le terrain opérationnel. En effet, l’ORFA doit être applicable en tout lieu.
Généraliser l’ORFA. Historiquement, l’Institut de recherche biomédicale des armées (l’IRBA) a mené une étude à la Brigade sur le sommeil et la récupération pour y apporter des solutions. En parallèle, le premier Groupement d’incendie et de secours (GIS), sous l’impulsion du colonel Baillé, a mis en place, dès 2019, des mesures destinées à favoriser la récupération du personnel. Par exemple, les locaux de certains centres de secours ont été réaménagés, de manière à s’isoler des bruits rencontrés en caserne, afin de pouvoir faire une sieste opérationnelle le midi. L’ORFA tend à démocratiser ces initiatives à l’échelle de la Brigade. Les premiers retours des personnes ayant testé l’ORFA sont unanimes : toutes ont apprécié. Déployées à l’échelle des armées, les ORFA se développent progressivement. La Brigade est actuellement en phase d’expérimentation. Il faut maintenant pérenniser ces techniques sur l’ensemble de la BSPP. Plusieurs moniteurs ORFA proposent des séances ponctuelles, essentiellement auprès des jeunes en formation et des centres de secours qui en font la demande.
Perspectives. « À l’avenir, l’idéal serait de proposer une formation initiale sur les ORFA à toutes les recrues passant par le Groupement formation instruction et de secours (GFIS) » aspire le major Bonnet. Pour les plus anciens qui n’auraient pas reçu de formation au GFIS, les moniteurs ORFA interviendront dans les centres de secours afin de former un maximum de personnes.
À terme, l’objectif de l’ORFA est de faire partie intégrante du quotidien du pompier afin qu’il puisse, en parfaite autonomie, gérer son stress opérationnel, mais aussi familial.
Texte : Manon Peneaud