#BrigadeInside — En place depuis mars 2023, l’adjudant Damien, chef de centre de la caserne d’Asnières, a mis en place un plan d’action pour favoriser la récupération des 45 personnes qui évoluent dans son Centre de secours (CS).
UN CHEF AU CENTRE DE LA RÉCUPÉRATION
Quels sont les indicateurs recherchés pour identifier les sapeurs-pompiers qui pourraient avoir besoin d’une récupération ?
Il y a deux types d’indicateurs permettant de voir si une personne a besoin de récupérer. Le premier indicateur est statistique. Je regarde le nombre d’interventions effectuées sur la tranche horaire de minuit à six heures du matin. Un cycle de sommeil est d’environ 1 h 30. Avec trois ou quatre départs à Asnières sur cette période chaque nuit, le personnel n’a même pas une heure pour se reposer avant de repartir. Sur notre logiciel, une flamme rouge apparaît lorsqu’un pompier a passé plus de dix heures en interventions sur les 24 dernières. Certains s’amusent à dire « je suis flamme rouge ! » Cet indicateur statistique est à prendre en compte pour effectuer une rotation du personnel dans les engins (si possible) et également pour adapter la liste et la conduite de la garde du lendemain.
Et le second facteur ?
Le second indicateur repose sur le facteur humain opérationnel ainsi que sur la connaissance du personnel. Pour cela, je me suis appuyé sur les quatre facteurs de performance dans le sport : technique, physique, mental et environnemental. Si l’un d’entre eux est lésé, une fatigue peut s’installer, entraînant, par conséquent, un besoin de récupération plus important. À Asnières, nous sommes un petit CS. Nous vivons les uns avec les autres. Si mes hommes sont fatigués, je suis fatigué aussi. Quand je suis arrivé en 2020, il m’a fallu six mois pour tous les connaître personnellement. Je connais leur visage quand ils sont en forme, mais aussi quand ils sont fatigués, voire épuisés.
Comment votre centre de secours soutient-il la récupération des sapeurs-pompiers après des interventions stressantes ou traumatisantes ?
J’ai maintenu la pause opérationnelle physiologique que mon prédécesseur avait mis en place. Cette pause dure en moyenne 15 à 20 minutes. Des actions d’amélioration du cadre de vie ont été faites telles que l’ajout de luminosité à ce CS obscur ! De mon côté, j’ai, à plusieurs reprises, utilisé le levier MOM (Main d’œuvre militaire) qui consiste à employer les pompiers comme main‑d’œuvre pour effectuer des travaux d’aménagement. Heureusement, j’ai la chance d’avoir au sein de mon personnel des hommes très manuels, une compétence qui tend à disparaître ! Ils ont ainsi rénové plusieurs locaux de vie, ou plus récemment un rooftop pour passer du temps au calme.
Utilisez-vous d’autres méthodes ?
J’ai également fait venir au CS un hypnothérapeute pour nous former à l’Auto-récupération professionnelle (ARP). Il nous a donné des techniques pour nous endormir plus rapidement et ainsi optimiser notre temps de récupération. Pour être efficace, cette phase de sommeil ne doit pas durer plus de 20 minutes.
Lorsqu’il y a eu une intervention compliquée ou une sur-sollicitation opérationnelle la nuit, nous faisons une séance de sport « pour l’hygiène » le matin, adaptée à l’état de fatigue des pompiers. Nous partons courir 40 minutes, non pas pour chercher la performance, mais plutôt pour être ensemble. Un long footing permet de favoriser la récupération. Enfin, le babyfoot obtenu grâce à un dossier AACV (Action pour l’amélioration du cadre de vie, budget de la base de défense IDF) est un véritable exutoire pour tous ! Il nous permet de nous retrouver à n’importe quelle heure. Dernièrement, un match a été donné à une heure du matin au retour d’une intervention par les sapeurs-pompiers de garde. Pourquoi ? Tout simplement parce que ça leur faisait du bien ! La récupération se fait aussi à travers les bons moments en collectivité.
Avez-vous noté des améliorations depuis la mise en place de ces actions ?
Nous ne sommes qu’au début de mon temps de chef de centre. Néanmoins, j’ai fait une première réunion après un mois de fonction, puis une seconde après quatre mois, qui montrent que nous sommes sur la bonne voie en matière de récupération ! Je suis dans la continuité de mon prédécesseur, mais j’ai plus de facilité en ce qui concerne la cohésion, car lui a vécu la période Covid et post-Covid ! Dans mon plan d’action, il y a justement une partie dédiée à la cohésion dont les moteurs sont les pompiers eux-mêmes. Nous avons la volonté de réaliser des cohésions pour les pompiers, mais aussi pour les pompiers et leurs familles. Ces dernières font partie intégrante de l’environnement du CS. Moi, je suis simplement un levier, en termes de planification et de financement. S’ils veulent mettre en place des actions de cohésion, je suis là pour les accompagner, mais c’est à eux de l’initier. J’ai montré la direction, à eux de la suivre !
Être chef de centre est un choix. Outre l’amour du métier, c’est le fait d’évoluer parmi les gars qui nous anime. Derrière chaque nom, je connais la personne et son environnement. Bien que ma fonction englobe les interventions et la gestion administrative, ma principale tâche est la gestion humaine. Je pense qu’il faut avoir un côté altruiste et fraternel. J’ai compris que ce n’était pas inné, c’est à nous de promouvoir cette fraternité d’armes !
Propos recueillis par Manon Peneaud