DOSSIER — La récupération du sapeur-pompier (2/​4) : Le centre de secours

Manon Peneaud —  — Modi­fiée le 25 juillet 2024 à 09 h 14 

#BrigadeInside — En place depuis mars 2023, l’adjudant Damien, chef de centre de la caserne d’Asnières, a mis en place un plan d’action pour favoriser la récupération des 45 personnes qui évoluent dans son Centre de secours (CS).

UN CHEF AU CENTRE DE LA RÉCUPÉRATION

Quels sont les indi­ca­teurs recher­chés pour iden­ti­fier les sapeurs-pom­piers qui pour­raient avoir besoin d’une récu­pé­ra­tion ?
Il y a deux types d’indicateurs per­met­tant de voir si une per­sonne a besoin de récu­pé­rer. Le pre­mier indi­ca­teur est sta­tis­tique. Je regarde le nombre d’interventions effec­tuées sur la tranche horaire de minuit à six heures du matin. Un cycle de som­meil est d’environ 1 h 30. Avec trois ou quatre départs à Asnières sur cette période chaque nuit, le per­son­nel n’a même pas une heure pour se repo­ser avant de repar­tir. Sur notre logi­ciel, une flamme rouge appa­raît lorsqu’un pom­pier a pas­sé plus de dix heures en inter­ven­tions sur les 24 der­nières. Cer­tains s’amusent à dire « je suis flamme rouge ! » Cet indi­ca­teur sta­tis­tique est à prendre en compte pour effec­tuer une rota­tion du per­son­nel dans les engins (si pos­sible) et éga­le­ment pour adap­ter la liste et la conduite de la garde du lendemain.

Et le second fac­teur ?
Le second indi­ca­teur repose sur le fac­teur humain opé­ra­tion­nel ain­si que sur la connais­sance du per­son­nel. Pour cela, je me suis appuyé sur les quatre fac­teurs de per­for­mance dans le sport : tech­nique, phy­sique, men­tal et envi­ron­ne­men­tal. Si l’un d’entre eux est lésé, une fatigue peut s’installer, entraî­nant, par consé­quent, un besoin de récu­pé­ra­tion plus impor­tant. À Asnières, nous sommes un petit CS. Nous vivons les uns avec les autres. Si mes hommes sont fati­gués, je suis fati­gué aus­si. Quand je suis arri­vé en 2020, il m’a fal­lu six mois pour tous les connaître per­son­nel­le­ment. Je connais leur visage quand ils sont en forme, mais aus­si quand ils sont fati­gués, voire épuisés.

Com­ment votre centre de secours sou­tient-il la récu­pé­ra­tion des sapeurs-pom­piers après des inter­ven­tions stres­santes ou trau­ma­ti­santes ?
J’ai main­te­nu la pause opé­ra­tion­nelle phy­sio­lo­gique que mon pré­dé­ces­seur avait mis en place. Cette pause dure en moyenne 15 à 20 minutes. Des actions d’amélioration du cadre de vie ont été faites telles que l’ajout de lumi­no­si­té à ce CS obs­cur ! De mon côté, j’ai, à plu­sieurs reprises, uti­li­sé le levier MOM (Main d’œuvre mili­taire) qui consiste à employer les pom­piers comme main‑d’œuvre pour effec­tuer des tra­vaux d’aménagement. Heu­reu­se­ment, j’ai la chance d’avoir au sein de mon per­son­nel des hommes très manuels, une com­pé­tence qui tend à dis­pa­raître ! Ils ont ain­si réno­vé plu­sieurs locaux de vie, ou plus récem­ment un roof­top pour pas­ser du temps au calme.

« Être au contact de mes hommes fait de moi une sorte de baro­mètre pour déter­mi­ner s’ils sont en forme »

Uti­li­sez-vous d’autres méthodes ?
J’ai éga­le­ment fait venir au CS un hyp­no­thé­ra­peute pour nous for­mer à l’Auto-récupération pro­fes­sion­nelle (ARP). Il nous a don­né des tech­niques pour nous endor­mir plus rapi­de­ment et ain­si opti­mi­ser notre temps de récu­pé­ra­tion. Pour être effi­cace, cette phase de som­meil ne doit pas durer plus de 20 minutes.
Lorsqu’il y a eu une inter­ven­tion com­pli­quée ou une sur-sol­li­ci­ta­tion opé­ra­tion­nelle la nuit, nous fai­sons une séance de sport « pour l’hygiène » le matin, adap­tée à l’état de fatigue des pom­piers. Nous par­tons cou­rir 40 minutes, non pas pour cher­cher la per­for­mance, mais plu­tôt pour être ensemble. Un long foo­ting per­met de favo­ri­ser la récu­pé­ra­tion. Enfin, le baby­foot obte­nu grâce à un dos­sier AACV (Action pour l’amélioration du cadre de vie, bud­get de la base de défense IDF) est un véri­table exu­toire pour tous ! Il nous per­met de nous retrou­ver à n’importe quelle heure. Der­niè­re­ment, un match a été don­né à une heure du matin au retour d’une inter­ven­tion par les sapeurs-pom­piers de garde. Pour­quoi ? Tout sim­ple­ment parce que ça leur fai­sait du bien ! La récu­pé­ra­tion se fait aus­si à tra­vers les bons moments en col­lec­ti­vi­té.
Avez-vous noté des amé­lio­ra­tions depuis la mise en place de ces actions ?
Nous ne sommes qu’au début de mon temps de chef de centre. Néan­moins, j’ai fait une pre­mière réunion après un mois de fonc­tion, puis une seconde après quatre mois, qui montrent que nous sommes sur la bonne voie en matière de récu­pé­ra­tion ! Je suis dans la conti­nui­té de mon pré­dé­ces­seur, mais j’ai plus de faci­li­té en ce qui concerne la cohé­sion, car lui a vécu la période Covid et post-Covid ! Dans mon plan d’action, il y a jus­te­ment une par­tie dédiée à la cohé­sion dont les moteurs sont les pom­piers eux-mêmes. Nous avons la volon­té de réa­li­ser des cohé­sions pour les pom­piers, mais aus­si pour les pom­piers et leurs familles. Ces der­nières font par­tie inté­grante de l’environnement du CS. Moi, je suis sim­ple­ment un levier, en termes de pla­ni­fi­ca­tion et de finan­ce­ment. S’ils veulent mettre en place des actions de cohé­sion, je suis là pour les accom­pa­gner, mais c’est à eux de l’initier. J’ai mon­tré la direc­tion, à eux de la suivre !

Être chef de centre est un choix. Outre l’amour du métier, c’est le fait d’évoluer par­mi les gars qui nous anime. Der­rière chaque nom, je connais la per­sonne et son envi­ron­ne­ment. Bien que ma fonc­tion englobe les inter­ven­tions et la ges­tion admi­nis­tra­tive, ma prin­ci­pale tâche est la ges­tion humaine. Je pense qu’il faut avoir un côté altruiste et fra­ter­nel. J’ai com­pris que ce n’était pas inné, c’est à nous de pro­mou­voir cette fra­ter­ni­té d’armes !

Pro­pos recueillis par Manon Peneaud



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