DOSSIER — La récupération du sapeur-pompier (2/​4) : Le centre de secours

Manon Peneaud —  — Modi­fiée le 17 octobre 2023 à 09 h 54 

#BrigadeInside — En place depuis mars 2023, l’adjudant Damien, chef de centre de la caserne d’Asnières, a mis en place un plan d’action pour favoriser la récupération des 45 personnes qui évoluent dans son Centre de secours (CS).

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UN CHEF AU CENTRE DE LA RÉCUPÉRATION

Quels sont les indi­ca­teurs recher­chés pour iden­ti­fier les sapeurs-pom­piers qui pour­raient avoir besoin d’une récu­pé­ra­tion ?
Il y a deux types d’indicateurs per­met­tant de voir si une per­sonne a besoin de récu­pé­rer. Le pre­mier indi­ca­teur est sta­tis­tique. Je regarde le nombre d’interventions effec­tuées sur la tranche horaire de minuit à six heures du matin. Un cycle de som­meil est d’environ 1 h 30. Avec trois ou quatre départs à Asnières sur cette période chaque nuit, le per­son­nel n’a même pas une heure pour se repo­ser avant de repar­tir. Sur notre logi­ciel, une flamme rouge appa­raît lorsqu’un pom­pier a pas­sé plus de dix heures en inter­ven­tions sur les 24 der­nières. Cer­tains s’amusent à dire « je suis flamme rouge ! » Cet indi­ca­teur sta­tis­tique est à prendre en compte pour effec­tuer une rota­tion du per­son­nel dans les engins (si pos­sible) et éga­le­ment pour adap­ter la liste et la conduite de la garde du lendemain.

Et le second fac­teur ?
Le second indi­ca­teur repose sur le fac­teur humain opé­ra­tion­nel ain­si que sur la connais­sance du per­son­nel. Pour cela, je me suis appuyé sur les quatre fac­teurs de per­for­mance dans le sport : tech­nique, phy­sique, men­tal et envi­ron­ne­men­tal. Si l’un d’entre eux est lésé, une fatigue peut s’installer, entraî­nant, par consé­quent, un besoin de récu­pé­ra­tion plus impor­tant. À Asnières, nous sommes un petit CS. Nous vivons les uns avec les autres. Si mes hommes sont fati­gués, je suis fati­gué aus­si. Quand je suis arri­vé en 2020, il m’a fal­lu six mois pour tous les connaître per­son­nel­le­ment. Je connais leur visage quand ils sont en forme, mais aus­si quand ils sont fati­gués, voire épuisés.

Com­ment votre centre de secours sou­tient-il la récu­pé­ra­tion des sapeurs-pom­piers après des inter­ven­tions stres­santes ou trau­ma­ti­santes ?
J’ai main­te­nu la pause opé­ra­tion­nelle phy­sio­lo­gique que mon pré­dé­ces­seur avait mis en place. Cette pause dure en moyenne 15 à 20 minutes. Des actions d’amélioration du cadre de vie ont été faites telles que l’ajout de lumi­no­si­té à ce CS obs­cur ! De mon côté, j’ai, à plu­sieurs reprises, uti­li­sé le levier MOM (Main d’œuvre mili­taire) qui consiste à employer les pom­piers comme main‑d’œuvre pour effec­tuer des tra­vaux d’aménagement. Heu­reu­se­ment, j’ai la chance d’avoir au sein de mon per­son­nel des hommes très manuels, une com­pé­tence qui tend à dis­pa­raître ! Ils ont ain­si réno­vé plu­sieurs locaux de vie, ou plus récem­ment un roof­top pour pas­ser du temps au calme.

« Être au contact de mes hommes fait de moi une sorte de baro­mètre pour déter­mi­ner s’ils sont en forme »

Uti­li­sez-vous d’autres méthodes ?
J’ai éga­le­ment fait venir au CS un hyp­no­thé­ra­peute pour nous for­mer à l’Auto-récupération pro­fes­sion­nelle (ARP). Il nous a don­né des tech­niques pour nous endor­mir plus rapi­de­ment et ain­si opti­mi­ser notre temps de récu­pé­ra­tion. Pour être effi­cace, cette phase de som­meil ne doit pas durer plus de 20 minutes.
Lorsqu’il y a eu une inter­ven­tion com­pli­quée ou une sur-sol­li­ci­ta­tion opé­ra­tion­nelle la nuit, nous fai­sons une séance de sport « pour l’hygiène » le matin, adap­tée à l’état de fatigue des pom­piers. Nous par­tons cou­rir 40 minutes, non pas pour cher­cher la per­for­mance, mais plu­tôt pour être ensemble. Un long foo­ting per­met de favo­ri­ser la récu­pé­ra­tion. Enfin, le baby­foot obte­nu grâce à un dos­sier AACV (Action pour l’amélioration du cadre de vie, bud­get de la base de défense IDF) est un véri­table exu­toire pour tous ! Il nous per­met de nous retrou­ver à n’importe quelle heure. Der­niè­re­ment, un match a été don­né à une heure du matin au retour d’une inter­ven­tion par les sapeurs-pom­piers de garde. Pour­quoi ? Tout sim­ple­ment parce que ça leur fai­sait du bien ! La récu­pé­ra­tion se fait aus­si à tra­vers les bons moments en col­lec­ti­vi­té.
Avez-vous noté des amé­lio­ra­tions depuis la mise en place de ces actions ?
Nous ne sommes qu’au début de mon temps de chef de centre. Néan­moins, j’ai fait une pre­mière réunion après un mois de fonc­tion, puis une seconde après quatre mois, qui montrent que nous sommes sur la bonne voie en matière de récu­pé­ra­tion ! Je suis dans la conti­nui­té de mon pré­dé­ces­seur, mais j’ai plus de faci­li­té en ce qui concerne la cohé­sion, car lui a vécu la période Covid et post-Covid ! Dans mon plan d’action, il y a jus­te­ment une par­tie dédiée à la cohé­sion dont les moteurs sont les pom­piers eux-mêmes. Nous avons la volon­té de réa­li­ser des cohé­sions pour les pom­piers, mais aus­si pour les pom­piers et leurs familles. Ces der­nières font par­tie inté­grante de l’environnement du CS. Moi, je suis sim­ple­ment un levier, en termes de pla­ni­fi­ca­tion et de finan­ce­ment. S’ils veulent mettre en place des actions de cohé­sion, je suis là pour les accom­pa­gner, mais c’est à eux de l’initier. J’ai mon­tré la direc­tion, à eux de la suivre !

Être chef de centre est un choix. Outre l’amour du métier, c’est le fait d’évoluer par­mi les gars qui nous anime. Der­rière chaque nom, je connais la per­sonne et son envi­ron­ne­ment. Bien que ma fonc­tion englobe les inter­ven­tions et la ges­tion admi­nis­tra­tive, ma prin­ci­pale tâche est la ges­tion humaine. Je pense qu’il faut avoir un côté altruiste et fra­ter­nel. J’ai com­pris que ce n’était pas inné, c’est à nous de pro­mou­voir cette fra­ter­ni­té d’armes !

Pro­pos recueillis par Manon Peneaud


DOSSIER — La récu­pé­ra­tion du sapeur-pom­pier (1/​4)

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