Grands formats — Pour éviter les drames, la prévention travaille en amont. Réglementation, certification, et même conseils, les préventionnistes sont confrontés à de multiples sujets, parfois très sensibles. Pour mieux saisir le sujet, nous ouvrons ce dossier majeur tout au long de cette semaine. Dans ce premier volet, le lieutenant-colonel Moigne, chef du bureau Prévention nous fixe le décor.
Premier maillon du continuum prévention-prévision-opération, la prévention contre les risques d’incendie regroupe l’ensemble des règles dont l’objectif général est d’implanter, concevoir, construire, exploiter et maintenir les bâtiments de manière, tout d’abord, à éviter l’éclosion d’un incendie. Ensuite, si celui-ci se produit, permettre de limiter son développement, sa propagation, ses effets sur les personnes et faciliter l’intervention des secours. Cet objectif global est décrit à l’article L. 141 – 1 du Code de la construction et de l’habitation (CCH). Il s’applique aux établissements recevant du public (ERP), aux bâtiments d’habitation, aux bâtiments à usage professionnel (BUP) et aux immeubles de moyenne et grande hauteur (IMH, IGH).
Ces règles prescriptives, basées sur des règlements datant majoritairement des années 1980, ont très souvent besoin d’être complétées par une analyse de risque. En effet, les évolutions techniques, sociétales et écologiques, ont un impact majeur sur les constructions. Les porteurs de projet formulent de plus en plus de demandes de dérogations que les cadres du bureau prévention instruisent en se basant sur leur riche expérience opérationnelle.
Travailleurs de l’ombre, les préventionnistes sont ainsi confrontés à des sujets souvent très sensibles : mise en sécurité de bâtiments institutionnels, projets novateurs, modes de construction innovants, usages des bâtiments évolutifs, etc. Or, les règlements ne couvrent pas ces nouveaux usages et il faut régulièrement s’adapter et accompagner les maîtrises d’œuvre dans leur recherche de solutions qui garantissent un niveau de sécurité satisfaisant, tant pour les occupants que pour les intervenants.
Pour faire face à ces évolutions, le bureau prévention est associé à l’essentiel des groupes de travail visant à la révision des règlements de sécurité. Ces dernières années, un panel d’officiers du bureau a participé aux réflexions nationales sur différentes thématiques, à savoir : la révision du CCH dans le cadre de la loi ESSOC1, les IMH à travers la loi ELAN2, les parcs de stationnement couvert, les installations provisoires, les constructions en matériaux biosourcés, etc.
Pour mettre en œuvre ces règlements dans le cadre des études qui lui sont soumises, le bureau prévention s’appuie sur ses 35 officiers, 39 sous-officiers et 18 militaires du rang. Compétents sur quatre départements, Paris et la petite couronne, les préventionnistes instruisent les permis de construire et les demandes d’aménagements de tout type de bâtiments (établissements recevant du public, habitation, bâtiments à usage professionnel), soit une moyenne de 12 000 avis par an. En outre, pour traiter les gares, les tunnels, les transports guidés, les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et la défense extérieure contre l’incendie (DECI), le chef du bureau prévention s’appuie sur la section prévision technique. Les plateformes aéroportuaires entreront également dans le champ de compétence de cette section très particulière cet été, à l’occasion de la réorganisation du bureau.
En complément des études de dossiers, les cadres du BPREV réalisent les visites des établissements recevant du public dans le cadre des commissions départementales de la commission de sécurité. Ils effectuent également des visites de vérifications des règles constructives dans les bâtiments d’habitation. Ces dernières laissent souvent apparaître des non-conformités majeures dans des bâtiments pourtant neufs !
Véritable vivier de compétences et d’expériences, le bureau prévention réalise un grand nombre de formations tant au profit des cadres de la BSPP que des sapeurs-pompiers des SDIS. Au total, c’est plus d’un millier d’heures de formation dispensées chaque année.
Sur le plan opérationnel, le bureau a la particularité d’armer les piquets d’officier de garde sécurité et prévention. L’officier sécurité a pour mission de s’assurer que les intervenants s’engagent dans des conditions de sécurité satisfaisantes. L’officier prévention peut avoir plusieurs missions : conseiller le Commandant des opérations de secours (COS) sur les aspects bâtimentaires, s’assurer de la bonne mise en œuvre des moyens techniques propres à l’établissement (système de sécurité incendie, désenfumage, etc.), concevoir une manœuvre de ventilation opérationnelle, aider à la répartition des engins sur les hydran ts lors des grands feux, etc. En outre, certains cadres assurent la garde RCCI (Recherche des causes et circonstances de l’incendie). Leurs connaissances des règlements et des caractéristiques des incendies leur permettent ainsi de contribuer à la fonction RETEX (retour d’expérience) pilotée par le bureau planification opérationnelle.
En résumé, le bureau agit sur tout le spectre prévention-prévision-opération, la prévention et la prévision permettant d’améliorer les conditions d’intervention et l’opération servant à accroître leur expérience et à nourrir leurs analyses dans le cadre des études de dossier et des visites. La prévention est un métier exigeant et noble, car elle demande de grandes connaissances techniques et opérationnelles qui contribuent in fine à assurer la sécurité de la population et celle des intervenants.