Grands formats — Le réchauffement climatique et son impact sur la population des grandes villes est susceptible d’engendrer des évolutions majeures des zones urbaines. Penchons-nous sur les conséquences que ces changements peuvent avoir sur les règles de prévention contre l’incendie et sur l’intervention des secours.
Quels sont les facteurs susceptibles d’influer sur la réglementation incendie aujourd’hui et dans les années à venir ?
Nous sommes dans une période de grande transformation. Les grandes villes sont confrontées à de multiples challenges.
Tout d’abord, la réglementation environnementale 2020 (RE 2020) est venue concrétiser dans la loi la prise de conscience des évolutions nécessaires pour agir face au réchauffement climatique. Elle intègre un grand nombre de mesures génériques dont la réduction de l’impact carbone dans la construction. Ainsi, le coût carbone est une nouvelle variable que les maîtrises d’œuvre doivent intégrer dans leur équation déjà complexe. L’introduction des matériaux biosourcés dans la construction est une des mesures permettant d’atteindre cet objectif comme cela a été souligné lors de COP 21. Les bâtiments sont désormais conçus en grande majorité en matériaux bas carbone.
Ensuite, il va falloir trouver des solutions pour faire face au défi de la transition énergétique, en particulier dans le domaine du transport. Les véhicules basculent progressivement vers des motorisations électriques, au gaz ou à hydrogène. La Loi d’orientation des mobilités (LOM) impose désormais de prévoir dès la conception de certains parcs de stationnement la mise en place d’installations de recharge pour véhicule électrique (IRVE). Or, seule la réglementation des établissements recevant du public (ERP) couvre partiellement ce risque à travers le guide PS dans sa version modifiée de 2018 ; guide dont les mesures demeurent insuffisantes et qui mériterait d’être complété.
Ile-de-France Mobilités, quant à elle, va ouvrir le marché des transports en commun à la concurrence dès 2025 et les dépôts de bus devront être en capacité d’ici-là d’intégrer des bus électriques et/ou au GNV. Enfin, pour compléter le besoin croissant en énergie électrique, d’autres solutions, comme les panneaux photovoltaïques, sont développées.
Dans ce contexte, à quoi ressemblera la ville de demain ?
Les grandes villes vont devoir intégrer ces nouveaux paramètres. Elles cherchent ainsi désormais à créer un maximum d’îlots de fraîcheur caractérisés par des espaces végétalisés, la multiplication des arbres au bord des routes, la redéfinition des grandes places, de nouvelles manières de concevoir le bâti en privilégiant par exemple les surélévations et la rénovation à l’implantation de constructions neuves, la végétalisation des façades, etc. En parallèle, la notion d’écoquartier s’est développée.
C’est dans ce cadre que la Ville de Paris s’est attelée à la réécriture de son Plan local d’urbanisme (PLU). Ce PLU bioclimatique et social qui vise à intégrer l’ensemble de ces facteurs, va même parfois plus loin encore dans les contraintes imposées aux constructeurs. Les surélévations et les constructions neuves doivent respecter un coût carbone qui favorise les constructions en matériaux biosourcés comme le bois ou encore la paille.
Quels impacts sur les différentes réglementations ?
Les différentes réglementations et en particulier la réglementation ERP et celle des bâtiments d’habitation ont été rédigées dans les années 1980, pour des constructions quasi exclusivement en matériaux incombustibles. L’introduction du bois dans la construction a conduit les différents acteurs du domaine, les commissions de sécurité et les ministères à s’interroger sur les évolutions à apporter aux règlements dans la mesure où la structure même des bâtiments est susceptible de brûler.
Est-ce que les conditions d’interventions des secours s’en trouvent affectées ?
La modification des abords et l’introduction de nouveaux risques au sein même du bâti vont naturellement conduire les services de secours à s’adapter.
Tout d’abord, la végétalisation des abords est susceptible de créer des obstacles à l’accès des secours aux bâtiments. Ensuite, les sapeurs-pompiers pourraient avoir à faire face à des durées d’incendies plus longues dues au feu de batteries électriques ou encore à la combustion des éléments de structure alors même que la stabilité au feu sera réduite au strict minimum. Dit autrement, les interventions seront plus complexes et plus longues alors que le bâti lui-même, censé garantir une protection aux sapeurs-pompiers, deviendra un terrain hostile.
Une prise en compte de tous ces facteurs au sein du guide de doctrine opérationnelle s’imposera probablement. Pour autant, il est délicat de faire évoluer cette doctrine tant que les réglementations n’ont pas fixé le cadre général en décrivant ce qui sera autorisé ou non dans les futurs bâtiments.
Dans l’attente, la BSPP, par l’intermédiaire du bureau planification opérationnelle, appuyé par le bureau prévention, a rédigé une fiche à l’attention des chefs d’agrès et des commandants des opérations de secours afin de les guider dans la manière d’appréhender un incendie dans un bâtiment en structure bois. La construction a conduit les différents acteurs du domaine, les commissions de sécurité et les ministères à s’interroger sur les évolutions à apporter aux règlements dans la mesure où la structure même des bâtiments est susceptible de brûler.