DOSSIER PREVENTION (5) — Anticipons la ville de demain…

LCL Fabien Moigne —  — Modi­fiée le 21 juin 2024 à 10 h 13 

Grands formats — Le réchauffement climatique et son impact sur la population des grandes villes est susceptible d’engendrer des évolutions majeures des zones urbaines. Penchons-nous sur les conséquences que ces changements peuvent avoir sur les règles de prévention contre l’incendie et sur l’intervention des secours.

[social_​warfare ]

Quels sont les fac­teurs sus­cep­tibles d’influer sur la régle­men­ta­tion incen­die aujourd’hui et dans les années à venir ?
Nous sommes dans une période de grande trans­for­ma­tion. Les grandes villes sont confron­tées à de mul­tiples challenges.

Tout d’abord, la régle­men­ta­tion envi­ron­ne­men­tale 2020 (RE 2020) est venue concré­ti­ser dans la loi la prise de conscience des évo­lu­tions néces­saires pour agir face au réchauf­fe­ment cli­ma­tique. Elle intègre un grand nombre de mesures géné­riques dont la réduc­tion de l’impact car­bone dans la construc­tion. Ain­si, le coût car­bone est une nou­velle variable que les maî­trises d’œuvre doivent inté­grer dans leur équa­tion déjà com­plexe. L’introduction des maté­riaux bio­sour­cés dans la construc­tion est une des mesures per­met­tant d’atteindre cet objec­tif comme cela a été sou­li­gné lors de COP 21. Les bâti­ments sont désor­mais conçus en grande majo­ri­té en maté­riaux bas carbone.

Ensuite, il va fal­loir trou­ver des solu­tions pour faire face au défi de la tran­si­tion éner­gé­tique, en par­ti­cu­lier dans le domaine du trans­port. Les véhi­cules bas­culent pro­gres­si­ve­ment vers des moto­ri­sa­tions élec­triques, au gaz ou à hydro­gène. La Loi d’orientation des mobi­li­tés (LOM) impose désor­mais de pré­voir dès la concep­tion de cer­tains parcs de sta­tion­ne­ment la mise en place d’installations de recharge pour véhi­cule élec­trique (IRVE). Or, seule la régle­men­ta­tion des éta­blis­se­ments rece­vant du public (ERP) couvre par­tiel­le­ment ce risque à tra­vers le guide PS dans sa ver­sion modi­fiée de 2018 ; guide dont les mesures demeurent insuf­fi­santes et qui méri­te­rait d’être complété.

Ile-de-France Mobi­li­tés, quant à elle, va ouvrir le mar­ché des trans­ports en com­mun à la concur­rence dès 2025 et les dépôts de bus devront être en capa­ci­té d’ici-là d’intégrer des bus élec­triques et/​ou au GNV. Enfin, pour com­plé­ter le besoin crois­sant en éner­gie élec­trique, d’autres solu­tions, comme les pan­neaux pho­to­vol­taïques, sont développées.

Dans ce contexte, à quoi res­sem­ble­ra la ville de demain ?
Les grandes villes vont devoir inté­grer ces nou­veaux para­mètres. Elles cherchent ain­si désor­mais à créer un maxi­mum d’îlots de fraî­cheur carac­té­ri­sés par des espaces végé­ta­li­sés, la mul­ti­pli­ca­tion des arbres au bord des routes, la redé­fi­ni­tion des grandes places, de nou­velles manières de conce­voir le bâti en pri­vi­lé­giant par exemple les sur­élé­va­tions et la réno­va­tion à l’implantation de construc­tions neuves, la végé­ta­li­sa­tion des façades, etc. En paral­lèle, la notion d’écoquartier s’est développée.

C’est dans ce cadre que la Ville de Paris s’est atte­lée à la réécri­ture de son Plan local d’urbanisme (PLU). Ce PLU bio­cli­ma­tique et social qui vise à inté­grer l’ensemble de ces fac­teurs, va même par­fois plus loin encore dans les contraintes impo­sées aux construc­teurs. Les sur­élé­va­tions et les construc­tions neuves doivent res­pec­ter un coût car­bone qui favo­rise les construc­tions en maté­riaux bio­sour­cés comme le bois ou encore la paille.

Quels impacts sur les dif­fé­rentes régle­men­ta­tions ?
Les dif­fé­rentes régle­men­ta­tions et en par­ti­cu­lier la régle­men­ta­tion ERP et celle des bâti­ments d’habitation ont été rédi­gées dans les années 1980, pour des construc­tions qua­si exclu­si­ve­ment en maté­riaux incom­bus­tibles. L’introduction du bois dans la construc­tion a conduit les dif­fé­rents acteurs du domaine, les com­mis­sions de sécu­ri­té et les minis­tères à s’interroger sur les évo­lu­tions à appor­ter aux règle­ments dans la mesure où la struc­ture même des bâti­ments est sus­cep­tible de brûler.

Est-ce que les condi­tions d’interventions des secours s’en trouvent affec­tées ?
La modi­fi­ca­tion des abords et l’introduction de nou­veaux risques au sein même du bâti vont natu­rel­le­ment conduire les ser­vices de secours à s’adapter.

Tout d’abord, la végé­ta­li­sa­tion des abords est sus­cep­tible de créer des obs­tacles à l’accès des secours aux bâti­ments. Ensuite, les sapeurs-pom­piers pour­raient avoir à faire face à des durées d’incendies plus longues dues au feu de bat­te­ries élec­triques ou encore à la com­bus­tion des élé­ments de struc­ture alors même que la sta­bi­li­té au feu sera réduite au strict mini­mum. Dit autre­ment, les inter­ven­tions seront plus com­plexes et plus longues alors que le bâti lui-même, cen­sé garan­tir une pro­tec­tion aux sapeurs-pom­piers, devien­dra un ter­rain hostile.

Une prise en compte de tous ces fac­teurs au sein du guide de doc­trine opé­ra­tion­nelle s’imposera pro­ba­ble­ment. Pour autant, il est déli­cat de faire évo­luer cette doc­trine tant que les régle­men­ta­tions n’ont pas fixé le cadre géné­ral en décri­vant ce qui sera auto­ri­sé ou non dans les futurs bâtiments.

Dans l’attente, la BSPP, par l’intermédiaire du bureau pla­ni­fi­ca­tion opé­ra­tion­nelle, appuyé par le bureau pré­ven­tion, a rédi­gé une fiche à l’attention des chefs d’agrès et des com­man­dants des opé­ra­tions de secours afin de les gui­der dans la manière d’appréhender un incen­die dans un bâti­ment en struc­ture bois. La construc­tion a conduit les dif­fé­rents acteurs du domaine, les com­mis­sions de sécu­ri­té et les minis­tères à s’interroger sur les évo­lu­tions à appor­ter aux règle­ments dans la mesure où la struc­ture même des bâti­ments est sus­cep­tible de brûler.