L’œil du SP — En avril 2020, le bureau études et prospective (BEP) démarrait une phase d’expérimentation sur l’emploi de drones aériens en appui des opérations des sapeurs-pompiers de Paris. Les neufs premiers mois d’expérimentation confirment l’utilité de ces engins sur intervention. Aujourd’hui, ALLO DIX HUIT a rencontré le lieutenant-colonel Renaud Blenet, adjoint au chef de bureau opérations préparation opérationnelle (BOPO) et pilote du groupe de travail sur les véhicules aéronefs télépilotés (VAERO).
« L’objectif de l’expérimentation est d’étudier l’emploi du drone sur différents niveaux d’engagement tactiques et sur différents types d’interventions, afin de déterminer la plus-value de ce type de vecteurs » entame le lieutenant-colonel Renaud Blenet. Les drones de la BSPP sont des aéronefs d’Etat à statut militaire placés sous l’autorité d’emploi aéronautique du chef d’état-major de l’armée de Terre. Les difficultés du secteur de la BSPP en matière aéronautique sont multiples. Les missions de drone se déroulent en milieu urbain dense, dans la zone de contrôle terminale des aéroports de Paris et de la base aérienne de Villacoublay, dans l’espace de nombreuses hélistations et dans plusieurs aires à statut particulier interdites aux aéronefs. L’activité est donc encadrée non seulement par les dispositions de l’armée de Terre mais aussi par des protocoles de missions passés avec l’ensemble des services de la navigation aérienne (Orly, Issy-les-Moulineaux, Le Bourget/Roissy et Villacoublay). Malgré toutes ces contraintes géographiques et aéronautiques complexes, l’intégration de drones dans l’espace aérien reste néanmoins possible.
La priorité de la Brigade est d’assurer la sécurité de son activité aérienne face aux autres usagers de l’air tout en respectant les données personnelles de la population. Si l’intégration des drones de la BSPP dans l’espace aérien ne pose plus guère de difficulté, l’encadrement juridique de l’emploi des caméras doit encore être consolidé. Comme l’ensemble des exploitants de drone remplissant des missions de sécurité civile, la Brigade attend avec impatience la mise en place des dispositions prévues dans la proposition de loi sécurité globale.
300 Départs annuels
En 2020, soit pendant les neuf mois de l’expérimentation, « le VAERO a été déclenché près de 130 fois, pour environ 80 vols. Ce nombre d’interventions n’est toutefois pas totalement représentatif de la sollicitation future de ce vecteur. En effet, jusqu’au mois de novembre son emploi a été limité à la journée aéronautique et des contraintes de ressources humaines nous ont obligé à limiter ses périodes d’activité. Le BPO estime à 300 départs annuels la sollicitation future du VAERO ». La Brigade évalue actuellement un modèle de drone captif autonome destiné principalement à être mis en œuvre par les véhicules de poste de commandement tactique (VPC). Si le matériel en cours d’évaluation donne satisfaction, le personnel du VPC pourrait ainsi mettre en œuvre très rapidement un premier outil de renseignement aérien en attendant la mise en œuvre des drones par le VAERO.
« L’appui de la manœuvre du commandant des opérations de secours est l’objectif principal de l’expérimentation » continue l’officier. Le VAERO est actuellement capable de mettre rapidement à la disposition du COS une vue aérienne de l’événement sur un écran mobile ou un écran du véhicule de poste de commandement tactique. Prochainement, cette image sera retransmise vers l’état-major opérationnel et simultanément aux différents chefs de secteurs déployés sur le terrain. Cette vue aérienne facilite considérablement la compréhension de la configuration des lieux et l’appréciation de la situation. Elle permet également au COS d’évaluer l’efficacité du dispositif mis en place et de renforcer la sécurité du personnel engagé.
L’un des autres atouts du drone est la possibilité de cartographier le terrain par l’utilisation de la photogrammétrie. « Cette technique permet de déterminer la forme, les dimensions et la position dans l’espace d’un objet à partir de photographies ». Comme par exemple, cartographier précisément le débordement d’une rivière et de croiser cette information avec les différentes couches d’informations géographiques du SIG (bâtiments, routes, réseaux d’énergie, etc.) ou de modéliser le volume d’un bâtiment ou du terrain.
Aujourd’hui le vivier d’expérimentation est constitué de télépilotes issus du groupement d’appuis et de secours, du BPO ainsi que du BEP. Les dix opérateurs formés effectuent des gardes de 24 heures en binôme (un chef d’agrès et un télépilote). L’enjeu de la montée en puissance du dispositif est d’augmenter le vivier de télépilotes sans perte de compétence et de flottement dans la sécurité aéronautique.
« Nous sommes en train d’établir un partenariat avec le centre de formation drone (CFD) de l’armée de Terre. Les instructeurs du CFD vont former nos futurs pilotes, annonce le lieutenant-colonel. Nous allons aussi leur permettre d’effectuer une immersion au sein du VAERO afin qu’ils puissent apporter leur expertise ». L’enjeu est de monter en puissance en termes de ressources humaines afin de transférer prochainement ce vivier au groupement des appuis et de secours.
Une aide précieuse
Enfin, la BSPP a été sollicitée par le laboratoire central de la préfecture de police de Paris (LCPP) dans le cadre du programme PEIGASE (plateforme opérationnelle d’estimation des polluants lors d’incendies de grande ampleur pour la préservation de la santé et de l’environnement). La section air et mesures du pôle environnement du LCPP, ayant besoin d’effectuer des mesures et des prélèvements d’air sur les panaches de fumée des grands feux, envisage de mettre à disposition de la BSPP du matériel de prélèvement et d’analyse d’air adaptable sur des drones équipés de capteurs NRBC afin de faire des mesures sur intervention.
Actuellement, les vecteurs téléopérés permettent un réel appui. Aujourd’hui sur feu, mais peut-être demain pour une intervention à caractère NRBC ou nautique, pour localiser des victimes suite à un effondrement ou pour simplement apporter du matériel de premier secours. Si le drone ne remplace pas les intervenants au contact, il sera certainement une aide et un facilitateur pour la gestion de nos interventions.
L’INTERVENTION MARQUANTE
« Le 26 août 2020, nous avons été déclenchés pour un feu de toiture dans un immeuble à usage de chambres d’étudiants, situé dans un bâtiment annexe de l’hôpital Saint-Antoine. Il était près de 22 heures lorsque nous sommes arrivés. La toiture était complètement embrasée et le commandant des opérations de secours a demandé un « renfort incendie ». Avant le décollage nous avons un protocole à respecter. Il faut tout d’abord prendre contact avec la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) afin d’avoir l’autorisation de décoller ainsi que la hauteur maximale à ne pas dépasser. Une fois toutes les autorisations acquises, nous avons fait décoller le drone. C’était mon premier vol de nuit. Avec le chef d’agrès, nous avons chacun effectué un vol afin de faire, dans un premier temps, les reconnaissances pour renseigner le COS avec la caméra thermique, puis pour aider le groupe de recherche et de sauvetage en milieu urbain (RSMU) lors des opérations de dégarnissage du toit. Pendant une bonne heure, nous avons guidé les intervenants. Cette intervention m’a permis de progresser dans la technique de pilotage dans un environnement nocturne. »
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