Retour d’inter — En pleine séance de sport matinale, les pompiers de Paris sont stoppés net dans leurs efforts. Le ronfleur de Sévigné retentit. Le Départ normal (DN) doit partir au plus vite, des habitants du IVe arrondissement de Paris ont besoin de lui…
9 h 05. Les premiers intervenants arrivent au 10 rue du Temple. « Quand on atteint la rue de Rivoli, on ne voit pas de flammes, mais on sent une forte odeur de fumée », entame le sergent Romain Brancher, chef d’agrès du Premier-secours (PS) de Sévigné. Le chef de garde, le sergent-chef Thomas Guignot, suit le PS à la trace depuis le Fourgon pompe tonne léger (FPTL) de Sévigné. « Quelques secondes après être parti du centre de secours, je reçois un appel du centre opérationnel m’annonçant un manquant à l’appel », ajoute le sergent-chef Guignot, premier Commandant des opérations de secours (COS).
Arrivés sur les lieux, les camions se positionnent aux abords du grand magasin Le Bazar de l’Hôtel de Ville (BHV). Premier coup d’œil en direction du bâtiment sinistré totalement enfumé, notamment aux premier et troisième étages. Les pompiers aperçoivent « un homme se manifestant à l’une des fenêtres du troisième étage », observe le sergent Romain Brancher, premier arrivé sur les lieux. Un sauvetage est à effectuer !
Le chef d’agrès de l’échelle pivotante semi-automatique (EPSA) de Rousseau, faisant partie du DN, rencontre des difficultés dans le dressage de son engin. Il place alors une échelle à coulisses jusqu’au deuxième étage et une échelle à crochets entre le deuxième et le troisième étage. « Brûlée aux mains, la personne bloquée ne peut pas attraper l’échelle à crochets », poursuit le chef de garde. En conséquence, une échelle trois plans est dressée afin de récupérer la personne bloquée au troisième étage.
Simultanément, le sergent Brancher part investiguer la cage d’escalier en bois de l’immeuble sinistré au 10 rue du Temple. Le premier étage, contenant la réserve d’un restaurant situé au rez-de-chaussée, est déjà totalement embrasé. « Les équipes engagées dans la réserve pensent que le plafond est en train de s’effondrer. Cette impression est due aux caisses pleines de draps, de nappes, et autres ustensiles de restauration encombrant la réserve. Le feu reprend sans arrêt tant il y a de choses stockées », ajoute le sergent Romain Brancher.
« En voulant sortir de chez elle, la victime a ouvert sa porte d’entrée et a réalisé un appel d’air, créant une espèce de mouvements aérauliques 1er – 3e et 3e – 1er. En l’espace de cinq minutes, toute la cage d’escalier s’embrase », explique le sergent-chef Thomas Guignot.
Fumées acres Trois lances sont mises en place au 10 rue du Temple dont une par l’extérieur. Les flammes sont renvoyées à l’intérieur du bâtiment, « d’où le fait qu’en façade, ce ne soit pas spectaculaire. Quand j’arrive sur les lieux, j’ai l’impression de devoir faire face à un feu de parc de stationnement couvert car les fumées sont acres et touchent le sol », complète le lieutenant Jordan Delaunay, officier de garde de la 11e compagnie.
Dès l’arrivée du lieutenant Delaunay sur les lieux, le sergent-chef Thomas Guignot lui fait part de son inquiétude concernant les trois courettes situées aux abords de l’immeuble sinistré. « Je ne veux pas que ce feu d’immeuble se transforme en feu d’îlot, alors nous engageons deux capitaines en reconnaissance : l’un par le 12 rue du Temple et le second par le 42 rue de la Verrerie », ajoute le lieutenant, deuxième COS.
RSMU demandé ! L’intervention est alors découpée en trois secteurs : le premier au 10 rue du Temple, lieu principal de l’intervention, le second au 12 rue du Temple et le troisième au 42 rue de la Verrerie. Au 10 rue du Temple, une lance est placée en bas de l’escalier en jet droit, une seconde éteint la réserve du premier étage et une troisième attaque par l’extérieur. Au 42 rue de la Verrerie, une lance est placée au quatrième étage et une seconde au cinquième. Le toit de l’immeuble situé 12 rue du Temple est lui aussi investi avec deux lances afin d’éviter toute propagation à la toiture. Le GRIMP est demandé sur les lieux de l’intervention, tout comme le RSMU en raison d’un risque d’effondrement de la façade.
« Nous sommes confrontés à un feu particulièrement violent se propageant via la cage d’escalier dans un vieil immeuble parisien ayant connu de nombreux aménagements au fil des années : appartements en duplex, facilitant ainsi la propagation du feu, surélévation d’un étage, nombreuses installations électriques, appartements transformés en locaux de stockage… », résume le lieutenant-colonel Guillaume Angeneau, troisième COS de l’intervention.
Des cas non conformes. Un premier binôme est légèrement électrisé peu de temps après le début des investigations au 10 rue du Temple. Quelques instants plus tard, un second duo est touché. « Les hommes engagés sortent un pompier inconscient électrisé sur le palier du deuxième étage alors qu’il relève l’équipe d’attaque. Son servant le traîne jusqu’à la sortie par la poignée de son ARI, tout en se faisant électriser à son tour à chaque contact. Les sous-officiers présents dans l’immeuble prennent ensuite le relai », complète le lieutenant Delaunay.
Danger immédiat de mort Au même moment, un binôme, équipé de la lance diphasique, progresse bien au quatrième étage de l’immeuble enflammé. « Le chef du binôme me faisait des comptes-rendus réguliers jusqu’au moment où il me contacte par radio en m’annonçant être en danger immédiat de mort », poursuit le deuxième COS. Lui aussi électrisé, le binôme a perdu toutes notions de temps et d’espace. Des échelles de repli sont déjà disposées autour du bâtiment. Les deux pompiers sortent du troisième étage grâce à l’échelle pivotante automatique (EPA) de Parmentier avant d’être pris en charge. Quelques instants plus tard, cinq autres sapeurs-pompiers de Paris sont électrisés.
« Je prends alors la décision de lancer une alerte repli », confie le lieutenant Delaunay. La corne de brume retentit et l’alerte est diffusée sur les canaux radios. « Après de nouvelles vérifications, ENEDIS nous confirme avoir bien coupé l’électricité dans l’intégralité de l’îlot donc on réengage avec une tactique différente. » Les attaques par le 42 rue de la Verrerie et le 12 rue du Temple sont stoppées afin d’éviter les retours de gaz chauds et de fumées pour les pompiers situés 10 rue du Temple. Une lance est placée dans la cage d’escalier de l’immeuble sinistré, complétée par une lance par étage.
Petit à petit, le feu perd en intensité grâce aux lances placées 10 rue du Temple. À 13 h 54, le message « feu éteint » est passé par le lieutenant-colonel Guillaume Angeneau ! Les pompiers quittent définitivement les lieux le 27 juin, soit deux jours après la fin de l’intervention, une fois toutes les rondes au feu effectuées. Les huit sapeurs-pompiers de Paris électrisés sont désormais de retour dans les rangs !