FEU — Danger de mort, rue du Temple

You­na Lan­dron —  — Modi­fiée le 24 octobre 2024 à 04 h 52 

Retour d’inter — En pleine séance de sport matinale, les pompiers de Paris sont stoppés net dans leurs efforts. Le ronfleur de Sévigné retentit. Le Départ normal (DN) doit partir au plus vite, des habitants du IVe arrondissement de Paris ont besoin de lui…

9 h 05. Les pre­miers inter­ve­nants arrivent au 10 rue du Temple. « Quand on atteint la rue de Rivo­li, on ne voit pas de flammes, mais on sent une forte odeur de fumée », entame le ser­gent Romain Bran­cher, chef d’agrès du Pre­mier-secours (PS) de Sévi­gné. Le chef de garde, le ser­gent-chef Tho­mas Gui­gnot, suit le PS à la trace depuis le Four­gon pompe tonne léger (FPTL) de Sévi­gné. « Quelques secondes après être par­ti du centre de secours, je reçois un appel du centre opé­ra­tion­nel m’annonçant un man­quant à l’appel », ajoute le ser­gent-chef Gui­gnot, pre­mier Com­man­dant des opé­ra­tions de secours (COS).

Arri­vés sur les lieux, les camions se posi­tionnent aux abords du grand maga­sin Le Bazar de l’Hôtel de Ville (BHV). Pre­mier coup d’œil en direc­tion du bâti­ment sinis­tré tota­le­ment enfu­mé, notam­ment aux pre­mier et troi­sième étages. Les pom­piers aper­çoivent « un homme se mani­fes­tant à l’une des fenêtres du troi­sième étage », observe le ser­gent Romain Bran­cher, pre­mier arri­vé sur les lieux. Un sau­ve­tage est à effectuer !

Le chef d’agrès de l’échelle pivo­tante semi-auto­ma­tique (EPSA) de Rous­seau, fai­sant par­tie du DN, ren­contre des dif­fi­cul­tés dans le dres­sage de son engin. Il place alors une échelle à cou­lisses jusqu’au deuxième étage et une échelle à cro­chets entre le deuxième et le troi­sième étage. « Brû­lée aux mains, la per­sonne blo­quée ne peut pas attra­per l’échelle à cro­chets », pour­suit le chef de garde. En consé­quence, une échelle trois plans est dres­sée afin de récu­pé­rer la per­sonne blo­quée au troi­sième étage.
Simul­ta­né­ment, le ser­gent Bran­cher part inves­ti­guer la cage d’escalier en bois de l’immeuble sinis­tré au 10 rue du Temple. Le pre­mier étage, conte­nant la réserve d’un res­tau­rant situé au rez-de-chaus­sée, est déjà tota­le­ment embra­sé. « Les équipes enga­gées dans la réserve pensent que le pla­fond est en train de s’effondrer. Cette impres­sion est due aux caisses pleines de draps, de nappes, et autres usten­siles de res­tau­ra­tion encom­brant la réserve. Le feu reprend sans arrêt tant il y a de choses sto­ckées », ajoute le ser­gent Romain Brancher.

« En vou­lant sor­tir de chez elle, la vic­time a ouvert sa porte d’entrée et a réa­li­sé un appel d’air, créant une espèce de mou­ve­ments aérau­liques 1er – 3e et 3e – 1er. En l’espace de cinq minutes, toute la cage d’escalier s’embrase », explique le ser­gent-chef Tho­mas Guignot.

Fumées acres Trois lances sont mises en place au 10 rue du Temple dont une par l’extérieur. Les flammes sont ren­voyées à l’intérieur du bâti­ment, « d’où le fait qu’en façade, ce ne soit pas spec­ta­cu­laire. Quand j’arrive sur les lieux, j’ai l’impression de devoir faire face à un feu de parc de sta­tion­ne­ment cou­vert car les fumées sont acres et touchent le sol », com­plète le lieu­te­nant Jor­dan Delau­nay, offi­cier de garde de la 11e compagnie.

Dès l’arrivée du lieu­te­nant Delau­nay sur les lieux, le ser­gent-chef Tho­mas Gui­gnot lui fait part de son inquié­tude concer­nant les trois cou­rettes situées aux abords de l’immeuble sinis­tré. « Je ne veux pas que ce feu d’immeuble se trans­forme en feu d’îlot, alors nous enga­geons deux capi­taines en recon­nais­sance : l’un par le 12 rue du Temple et le second par le 42 rue de la Ver­re­rie », ajoute le lieu­te­nant, deuxième COS.

RSMU deman­dé ! L’intervention est alors décou­pée en trois sec­teurs : le pre­mier au 10 rue du Temple, lieu prin­ci­pal de l’intervention, le second au 12 rue du Temple et le troi­sième au 42 rue de la Ver­re­rie. Au 10 rue du Temple, une lance est pla­cée en bas de l’escalier en jet droit, une seconde éteint la réserve du pre­mier étage et une troi­sième attaque par l’extérieur. Au 42 rue de la Ver­re­rie, une lance est pla­cée au qua­trième étage et une seconde au cin­quième. Le toit de l’immeuble situé 12 rue du Temple est lui aus­si inves­ti avec deux lances afin d’éviter toute pro­pa­ga­tion à la toi­ture. Le GRIMP est deman­dé sur les lieux de l’intervention, tout comme le RSMU en rai­son d’un risque d’effondrement de la façade.

« Nous sommes confron­tés à un feu par­ti­cu­liè­re­ment violent se pro­pa­geant via la cage d’escalier dans un vieil immeuble pari­sien ayant connu de nom­breux amé­na­ge­ments au fil des années : appar­te­ments en duplex, faci­li­tant ain­si la pro­pa­ga­tion du feu, sur­élé­va­tion d’un étage, nom­breuses ins­tal­la­tions élec­triques, appar­te­ments trans­for­més en locaux de sto­ckage… », résume le lieu­te­nant-colo­nel Guillaume Ange­neau, troi­sième COS de l’intervention.

Des cas non conformes. Un pre­mier binôme est légè­re­ment élec­tri­sé peu de temps après le début des inves­ti­ga­tions au 10 rue du Temple. Quelques ins­tants plus tard, un second duo est tou­ché. « Les hommes enga­gés sortent un pom­pier incons­cient élec­tri­sé sur le palier du deuxième étage alors qu’il relève l’équipe d’attaque. Son ser­vant le traîne jusqu’à la sor­tie par la poi­gnée de son ARI, tout en se fai­sant élec­tri­ser à son tour à chaque contact. Les sous-offi­ciers pré­sents dans l’immeuble prennent ensuite le relai », com­plète le lieu­te­nant Delaunay.

Dan­ger immé­diat de mort Au même moment, un binôme, équi­pé de la lance dipha­sique, pro­gresse bien au qua­trième étage de l’immeuble enflam­mé. « Le chef du binôme me fai­sait des comptes-ren­dus régu­liers jusqu’au moment où il me contacte par radio en m’annonçant être en dan­ger immé­diat de mort », pour­suit le deuxième COS. Lui aus­si élec­tri­sé, le binôme a per­du toutes notions de temps et d’espace. Des échelles de repli sont déjà dis­po­sées autour du bâti­ment. Les deux pom­piers sortent du troi­sième étage grâce à l’échelle pivo­tante auto­ma­tique (EPA) de Par­men­tier avant d’être pris en charge. Quelques ins­tants plus tard, cinq autres sapeurs-pom­piers de Paris sont élec­tri­sés.
« Je prends alors la déci­sion de lan­cer une alerte repli », confie le lieu­te­nant Delau­nay. La corne de brume reten­tit et l’alerte est dif­fu­sée sur les canaux radios. « Après de nou­velles véri­fi­ca­tions, ENEDIS nous confirme avoir bien cou­pé l’électricité dans l’intégralité de l’îlot donc on réen­gage avec une tac­tique dif­fé­rente. » Les attaques par le 42 rue de la Ver­re­rie et le 12 rue du Temple sont stop­pées afin d’éviter les retours de gaz chauds et de fumées pour les pom­piers situés 10 rue du Temple. Une lance est pla­cée dans la cage d’escalier de l’immeuble sinis­tré, com­plé­tée par une lance par étage.
Petit à petit, le feu perd en inten­si­té grâce aux lances pla­cées 10 rue du Temple. À 13 h 54, le mes­sage « feu éteint » est pas­sé par le lieu­te­nant-colo­nel Guillaume Ange­neau ! Les pom­piers quittent défi­ni­ti­ve­ment les lieux le 27 juin, soit deux jours après la fin de l’intervention, une fois toutes les rondes au feu effec­tuées. Les huit sapeurs-pom­piers de Paris élec­tri­sés sont désor­mais de retour dans les rangs !

Photos : Adjudant-chef Patrick Fatana


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