Retour d’inter — Le mardi 13 septembre 2022 à l’aube, une violente explosion secoue la ville de Champigny-sur-Marne (94). Soldats du feu et spécialistes de la BSPP font le maximum pour secourir plusieurs victimes ensevelies. Malheureusement, le bilan est tragique.
Ce mardi 13 septembre, vers 5 h 50 du matin, une explosion secoue la ville de Champigny-sur-Marne. Dans le centre de secours, le capitaine Corentin Le Tallec, officier de garde compagnie du jour, ressent un souffle violent qui le sort brutalement de son sommeil… Il se rendort, convaincu d’avoir entendu un pétard exploser dans la rue. Mais quelques instants plus tard, l’ensemble du poste de commandement de la 15e compagnie est réveillé par la sonnerie du départ normal. Le sergent-chef Christopher Carmont, chef de garde, descend au PVO, prend l’ordre de départ et monte dans le fourgon pompe tonne léger. Il fait encore nuit lorsque les deux engins-pompe et l’échelle de Champigny partent sur l’intervention. Sur la route, le centre opérationnel contacte le sergent-chef, un couple serait sorti par la fenêtre de l’appartement pour se mettre à l’abri. Il n’y a pas de doute, il s’agit d’une explosion importante. Une volée de minutes plus tard, les camions rouges stationnent à proximité du 13, avenue de l’Épargne.
UNE FORTE ODEUR DE GAZ
L’expérimenté sous-officier s’engouffre dans la petite allée menant jusqu’au bâtiment sinistré. À première vue, l’aile d’un immeuble d’habitation d’un seul étage est totalement effondrée suite à l’explosion. Le bâtiment est en forme de « T » et dispose de trois accès. L’ensemble du jardin se retrouve sous les décombres et de nombreuses projections ont eu lieu dans plusieurs directions. Le sergent-chef Carmont ressent une forte odeur de gaz qu’il identifie comme une fuite sur la citerne domestique du jardin. En arrivant devant la cage d’escalier du bâtiment concerné, le sous-officier se retrouve coincé par un amas de gravats bloquant la porte d’entrée. Il ne peut donc engager aucune reconnaissance pour le moment.
Parallèlement, le premier secours emmené par le sergent Allan Huyghe, fraîchement affecté à Champigny, est déjà sur les lieux, de l’autre côté du jardin avec ses équipes. En suivant les tuyaux sur le sol, le sergent-chef Carmont parvient à le rejoindre. Les deux hommes s’avancent vers le bâtiment sinistré et découvrent l’ampleur des dégâts : la quasi-totalité du bâtiment s’est effondrée, il y a sûrement encore des gens coincés sous les décombres.
Face à la quantité d’appels reçus, les opérateurs du centre de suivi opérationnel du deuxième groupement d’incendie et de secours ont déjà anticipé l’envoi de moyens médicaux sur l’intervention. Ainsi, le véhicule léger infirmier, stationné à Champigny, est sur le point d’arriver.
TOP SILENCE
La priorité est de retrouver d’éventuelles victimes, avec ses équipes. Le sergent Huyghe réalise un « TOP SILENCE », une technique consistant à imposer le silence pendant un laps de temps afin d’écouter des sons émanant de potentielles victimes ensevelies. Au bout de quelques secondes, une très faible voix sortant des décombres se fait entendre. Dans l’obscurité, les hommes du sergent Huyghe découvrent un corps coincé dont seul le pied dépasse des décombres. En quelques instants, les soldats du feu dégagent la victime. Une femme d’une soixantaine d’années, présentant de multiples fractures, est dans un état critique. Sa prise en charge doit se faire très rapidement. Mais l’odeur de gaz s’intensifie, le sergent Huyghe craint le pire pour ses équipes.
La décision est prise de transporter la victime jusqu’à la maison la plus proche. Malheureusement elle tombe en arrêt cardio-respiratoire. Rapidement les gestes de sauvegarde et le massage cardiaque sont mis en place. En vain. Elle décédera quelques instants plus tard. L’intervention prend alors une dimension tragique.
Le capitaine Corentin Le Tallec se présente à son tour sur les lieux de l’intervention. Pour lui, le risque d’explosion n’est pas du tout écarté et cela le préoccupe énormément. Il rejoint le chef Carmont et l’informe qu’il va prendre le COS de l’intervention. À la radio, il demande une deuxième section de recherche et de sauvetage en milieu urbain (RSMU) pour venir compléter la première demandée par le chef de garde. Cette section est constituée de spécialistes en sauvetage déblaiement et de spécialistes cynotechniques. L’officier distribue les missions, le sergent-chef Carmont est chargé de la recherche de victimes en surface et le chef d’agrès du fourgon du centre de secours de Saint-Maur, lui, est chargé des reconnaissances périphériques. Un agent GRDF s’affaire désormais à colmater la fuite de gaz provenant de l’une des deux citernes. Le sergent-chef Carmont demande à ses hommes de ne pas pénétrer dans les décombres, d’une part car le sol est instable, et d’autre part, pour ne pas polluer le site d’odeurs humaines, cela nuirait à l’efficacité olfactive des chiens.
RSMU SE PRÉSENTE…
Dans la rue, un homme aborde le capitaine Le Tallec et lui décrit la configuration du bâtiment. L’aile concernée par l’explosion est constituée de cinq appartements et celui situé à l’extrémité est un duplex. Le souffle a ravagé trois logements. Le jeune couple habitant au premier étage est miraculé. L’effondrement de la chambre s’est stoppé au niveau du lit ! Même la tête de lit est tombée avec le pan de mur… Ils ont échappé au pire.
Le radar X3 Finder peut détecter
des battements cardiaques…
Au cœur du désastre, les spécialistes du GAS
Major Sylvain Jobart — Officier PC appui
« Lors de cette intervention, le sergent-chef Carmont a fait une demande d’une section RSMU. À la BSPP, celle-ci est composée de deux groupes RSMU (VRSD/CESD + VIMP) et d’un groupe cynotechnique avec vétérinaire. L’ensemble est mené par un chef de section RSMU. L’intervention étant d’ampleur, et sur proposition du chef de section RSMU, le capitaine Le Tallec a demandé une section supplémentaire. Par l’intermédiaire des CIAM (conventions interdépartementales d’assistance mutuelle), la BSPP a pu bénéficier du renfort du SDIS 77 voisin. Deux unités USAR (unité de sauvetage d’appui et de recherche, nouvelle dénomination nationale pour la spécialité SD) provenant des centres de secours de Chelles et de Fontainebleau ont répondu présentes. Néanmoins, les délais de présentation de ces deux unités étant plus longs, le GAS a rapidement mis sur pied un groupe RSMU de circonstance composé de militaires spécialistes RSMU de l’état-major du groupement.
L’explosion s’est produite dans un environnement dégagé, ce qui a permis de faciliter l’engagement des sauveteurs. Le bâtiment de construction traditionnelle d’un seul niveau sur rez-de-chaussée s’est effondré « à plat », ce qui n’a laissé quasiment aucune chance de survie aux personnes situées aux étages inférieurs. L’action des équipes cynotechniques a permis d’obtenir rapidement un marquage olfactif qui s’est suivi d’un déblai méthodique et sélectionné des décombres permettant le dégagement d’une victime ensevelie. Pour compléter la recherche cynotechnique, nous avons utilisé un nouvel outil de recherche de personnes ensevelies. Le Radar X3 Finder est un appareil spécialisé utilisant une combinaison de technologies micro-ondes basse fréquence de pointe. Il permet de détecter des signes de vie humaine tels que les battements cardiaques et des mouvements respiratoires à travers des barrières physiques équivalentes à 30 cm de béton. En cours de développement depuis deux ans au sein du GAS, il est un atout supplémentaire dans la fonction RSMU. Par ailleurs, la mise en œuvre du robot d’appui polyvalent (RAP) a permis de transporter, au plus près et sans effort, les outils majeurs nécessaires à la manœuvre de recherche et de sauvetage. Chiens, robots, radar, découpage, étaiement et déblaiement : cette intervention nous a permis d’utiliser beaucoup de fonctions opérationnelles. Cette expérience supplémentaire permet également de conforter et de renforcer la capacité de la BSPP sur la scène internationale. »
La section RSMU se présente à 6 h 30 et entame la recherche d’une potentielle autre victime. Les équipes cynotechniques entrent en scène, les recherches s’annoncent longues. Le capitaine fait face à une difficulté de recensement et de localisation des habitants rescapés de l’immeuble. Une femme apeurée s’approche. Elle est sans nouvelle de sa mère qui vit dans un des appartements sinistrés. Les sauveteurs ont maintenant la quasi certitude qu’au moins une personne est encore bloquée sous les décombres. Les heures passent et les chances de survie s’amenuisent. Vers 8 h 00, les chiens flairent une piste. Celle-ci est confirmée par l‘appareil de détection de personnes ensevelies. Il faudra près d’une heure aux spécialistes RSMU pour dégager la deuxième victime. Malheureusement, celle-ci n’a pas survécu à l’effondrement de son appartement.
Tout au long de la journée, les recherches continuent, plus personne ne manque à l’appel, mais il faut en être sûr… Au crépuscule, les recherches s’arrêtent et une surveillance est mise en place afin de s’assurer que l’immeuble ne s’effondrera pas plus.
Malgré l’engagement sans faille des soldats du feu, le bilan est tragique. Ce jour-là, deux personnes ont perdu la vie.
L’œil de l’OSG
Lieutenant-colonel David Guenanten
« Ma mission sur cette opération est de mettre de l’huile dans les rouages. J’ai décidé de laisser le commandement des opérations de secours au capitaine Le Tallec car à mon sens, il n’y avait pas d’éléments de pression sur les secours. Mon rôle était donc d’appuyer le COS dans sa prise de décision. Durant l’intervention, nous avons eu quelques inquiétudes. Pendant plus de cinq heures nous avons eu des doutes concernant le nombre de victimes manquantes à l’appel. En parallèle, l’une des problématiques qui a concentré mon attention a été la gestion de la fuite sur la citerne de gaz propane qu’il a fallu colmater puis vider en lien avec GRDF et ANTARGAZ. Complexe et dangereuse, la zone d’effondrement a pu être sécurisée par la section RSMU. Le savoir-faire technique des spécialistes en sauvetage déblaiement du groupement d’appuis et de secours, combiné au travail remarquable des équipes cynotechniques de la BSPP et du SDIS 77, a permis de mener l’opération de la meilleure des manières. »