Grands formats — Spécialistes NRBC ou sécurité incendie, maîtres-chiens, nageurs… le groupement des appuis et de secours (GAS) concentre la majorité des « appuis spécialisés » de la Brigade. La rédaction du magazine vous propose de découvrir la diversité de ces appuis au travers de portraits de sapeurs-pompiers de Paris aux parcours singuliers, parfois étonnants, toujours remarquables. Une carte géographique des appuis et deux présentations d’unités élémentaires spécialisées complètent l’ensemble. Visite guidée.
Interview du lieutenant-colonel Raphaël Roche, chef de corps du groupement des appuis spécialisés
Sergent Rémi Defeyer, Livry-Gargan : LES DÉTECTIVES NRBC
Le sergent Rémi Defeyer a intégré la BSPP à la fin de l’année 2006. Pendant près de huit ans, il a servi à la 10e compagnie, à Château-Landon. Il y a fait tout son avancement, jusqu’au grade de sergent. Après un passage éclair de deux ans à Drancy, il rejoint l’unité NRBC.
Au centre de secours Livry-Gargan, le sous-officier est toujours de bonne humeur et il se sent comme chez lui : « Je viens tous les jours au travail avec la banane ». C’est pour cette raison qu’avec sa femme, ils ont pris la décision de quitter la région de Dunkerque pour s’installer avec leurs trois enfants au sein de la caserne.
RECHERCHE ET INVESTIGATION
Chef de garde depuis peu, le sergent est dans son élément. « Ce qui me plaît ? C’est la diversité des interventions, on ne sait jamais sur quoi on va tomber. Cela peut être tout et n’importe quoi. » Dans la spécialité NRBC, « le travail d’équipe est essentiel, explique le sergent Defeyer. Chacun apporte sa pierre à l’édifice, avec sa propre expérience du terrain et ses compétences particulières ». Généralement longues, les interventions NRBC demandent un vrai travail de recherche et d’investigation. À la manière de détectives, les spécialistes avancent pas à pas afin de trouver l’origine du danger, et cela peut durer quelques heures. Lorsque la source de l’incident a été identifiée, un protocole de décontamination minutieux et de haute technicité est réalisé afin d’écarter tout danger.
CHEF 3 ÉTOILES
À Livry, on ne plaisante pas avec la cuisine, on en dit le plus grand bien ! En bon chef du service RHL (restauration, hôtellerie, loisirs), le sergent Defeyer gère tout l’ordinaire et le foyer. « La nourriture, c’est le nerf de la guerre, alors ici, on aime faire plaisir aux collègues. » Ils ont même créé un groupe de festivités. Tous les deux mois environ, sont organisées des activités au sein du centre de secours. « C’est lors de ces festivités que la cohésion se crée. Ici, un fort esprit de camaraderie s’est développé. »
CHEF DE CENTRE ?
Le sous-officier n’est pas en reste dans son milieu. Son ambition pour les prochaines années ? Passer les examens qui lui permettront un jour peut être de devenir chef de centre, à Livry ou ailleurs.
Sergent Paul Sevestre, pompier RSMU : TECHNICIEN DE L’EXTRÊME
Chef de groupe au sein de la spécialité recherche et sauvetage en milieu urbain (RSMU), le sergent Paul Sevestre raconte son parcours au sein des « couteaux suisses » de la Brigade.
Apporter une analyse, des conseils et des propositions de manœuvre sur intervention, c’est notre rôle », explique-t-il. Calme et réfléchi, cet homme d’action illustre le caractère des pompiers de la spécialité sauvetage-déblaiement (SD). Une personnalité qu’il cultive depuis son entrée à Villeneuve-Saint-Georges en 2006. « Je voulais me rendre utile, faire un métier de cœur », se souvient le militaire. Il démarre sa carrière à Clichy-sous-Bois, caserne qui l’accueille à bras ouverts puisqu’il y reste dix ans.
Le jeune sapeur devient un pompier aguerri qui gravira les échelons de caporal puis de caporal-chef. En 2016, il devient sous-officier et rejoint le centre de secours de Boursault. « J’avais envie de voir une autre facette du métier de pompier », explique-il. Si le groupe de reconnaissance et d’intervention en milieu périlleux (GRIMP) l’intéresse particulièrement, Paul se forme d’abord au SD. « C’est l’occasion de parfaire mes connaissances dans un domaine très proche de l’intervention en milieu périlleux (IMP) », poursuit-il.
Il passe la formation « sauveteur déblayeur » (SDE1) en 2017, puis celle de « chef d’unité sauveteur déblayeur » (SDE2) en 2018. « Cette même année, j’intègre le RSMU à Saint-Denis (93) », explique-t-il. Le sous-officier rencontre des hommes passionnés par l’aspect très manuel de cette spécialisation, certains ayant des formations de charpentiers ou d’élagueurs. Le sergent Sevestre décale alors au véhicule de reconnaissance sauvetage déblaiement (VRSD), accompagné du camion d’étaiement et de sauvetage déblaiement (CESD).
Sur intervention, ces spécialistes évaluent le risque bâtimentaire et échangent régulièrement avec des architectes. « Pour le COS, nous sommes la parfaite boite à outils : sécurisation, étaiement, main courante, percement, découpe, manœuvre de force, etc., énumère-il. Avec cette polyvalence, il s’avère difficile de lister toute l’étendue de notre savoir-faire. » Riche de ses nouvelles compétences, le sergent souhaite, à l’avenir, rejoindre le GRIMP. « Je conseille le RSMU à tout pompier polyvalent ayant la volonté d’apprendre ».
L’intervention marquante
Le samedi 12 janvier 2019, lors de la tragique explosion de la rue de Trévise (IXe), le sergent et ses hommes sont engagés. « Nous avons procédé à des manœuvres de sécurisation et d’extractions. La recherche de victimes a duré plusieurs jours », se rappelle-il avec émotion.
Caporal Sébastien Alazard, GRIMP : AGILITÉ, FORCE ET PRÉCISION
Parmi des spécialités toutes plus passionnantes les unes que les autres, il y a le groupe d’intervention en milieu périlleux (GRIMP). Nous avons poussé les portes du fort de la Briche pour en savoir plus. Rencontre avec le caporal Sébastien Alazard du GRIMP.
Tout de rouge vêtu, Sébastien, papa de trois enfants et d’un calme olympien, se souvient. Ado, il était jeune sapeur-pompier en Seine-et-Marne. En 2004, il atteint son objectif : enfiler la tenue de feu de la Brigade. Il sert durant neuf ans à la 17e compagnie d’incendie et de secours, à Créteil, Joinville puis Villeneuve-Saint-Georges. Il y rencontre des chefs passionnés, sportifs, prêts à toujours repousser leurs limites. Ils lui transmettent le goût de l’effort, lui apprennent à se surpasser. Il n’en faut pas beaucoup plus à Sébastien pour être sur : il postule pour le groupe, encore appelé GREP à ce moment-là, et réussit les tests et les stages avec succès. Sa nouvelle vie commence.
La compagnie des appuis spécialisés est localisée au fort de la Briche, à Saint-Denis (93). Ses hommes répondent quotidiennement aux interventions sur le secteur entier de la Brigade. Sur demande du commandant des opérations de secours ou directement du centre opérationnel, le GRIMP est missionné pour passer là où les sapeurs-pompiers traditionnels sont restreints. L’équipement et la formation de ces hommes, pour travailler avec une notion de hauteur, en font des spécialistes extrêmement demandés. Brancardage par l’extérieur avec contraintes médicales lourdes, victime tombée en excavation, extinction d’un foyer sur un toit inaccessible ou encore personnes menaçant de se jeter dans le vide sont les interventions les plus courantes du GRIMP, toujours en renfort de leurs camarades.
« Au GRIMP, l’une des premières choses que j’apprends, est que la plus petite erreur est fatale. Lorsque nous évoluons encordés les uns aux autres en hauteur, le moindre écart pourrait entraîner toute la cordée. Voilà entre autres, pourquoi nous avons entre nous une confiance absolue où chacun veille toujours sur l’autre. Pour les autres missions, c’est la même chose, un nœud mal fait, une poulie mal serrée et c’est terminé », insiste Sébastien.
Dans ce groupe, il y a tous les gabarits : du profil fin et explosif au profil lourd et puissant. Durant le trajet menant à l’intervention, ils se répartissent les missions. Les grades « sautent » et les qualités physiques ou d’aisance entrent en jeu : notion de hauteur, confinement, rapidité, corpulence, capacité de dissuasion… Dans cette optique, le groupe manœuvre tous les jours, même le dimanche. Avec des structures bâtimentaires aussi atypiques sur le secteur BSPP, il faut faire et refaire, partout. Quels que soient le moral du jour, la forme physique ou la météo, il faut être en capacité optimum de lier technicité et rapidité, menant forcément au succès de l’intervention, car ce groupe est la dernière solution, quand tout a déjà été tenté.
« J’ai été pompier « tradi » moi aussi et je comprends sincèrement la frustration que certains d’entre eux peuvent parfois avoir de ne plus pouvoir avancer. Notre rôle à nous n’est pas de jouer aux héros, mais au contraire d’être un outil pour eux. Arriver au succès d’une intervention c’est un vrai travail d’équipe, quelle que soit la couleur de nos tenues. »
Caporal-chef Yoann Rousic, SIS : UNE HISTOIRE DE FAMILLE
Un Breton de Brest. Il n’y aurait pas eu de profil plus adéquat pour parler « plongée » que celui du caporal-chef Yoann Rousic. C’est sur le pont de la péniche de la Monnaie, sur les bords de Seine, que l’homme de 35 ans au physique de nageur reçoit la rédaction d’ALLO DIX-HUIT. Immersion.
Non, il n’est pas né en Bretagne ! C’est plutôt sur les bords de la Marne et du fleuve Kourou, en Guyane, que le caporal-chef Rousic a passé son enfance, au gré des mutations de son père, lui-même pompier de Paris. Cependant, n’allez pas lui dire qu’il est Parisien. Son port d’attache ? C’est la Bretagne, le port de Brest et ses navires de la Marine. En 1997, après une belle carrière, son père retourne dans le Finistère avec toute la famille. Mais pour Yoann, devenir sapeur-pompier de Paris est aussi une vocation. Alors, en 2005, il décide à son tour de s’engager. C’est au GIS 2, dans le même groupement que son père, que le jeune Brestois de 20 ans débute sa carrière. Quelques mois plus tard, c’est un autre Rousic qui arrive à la Brigade. Son grand-frère, Sébastien, devient lui aussi pompier de Paris. À Château d’eau, sa première affectation, Yoann découvre la BSPP, les interventions, les premiers feux, une ambiance si particulière à ses yeux ! Il y reste cinq ans.
« CELUI QUI CRAINT LES EAUX, QU’IL RESTE sur le RIVAGE »
L’eau, il ne la craint pas, bien au contraire : c’est son élément. « En bon Breton, je faisais de la voile quand j’étais plus jeune. » Alors, lorsqu’en 2011, la Brigade crée le groupement d’appuis et de secours, Yoann décide de plonger dans le grand bain. Après tout, être marin sur la Seine, c’est un luxe ! Après de brillants résultats aux sélections d’entrée, virement de bord réussi pour le futur plongeur : Yoann intègre directement les spécialistes en intervention subaquatique. Plongeur, pour lui c’est un aboutissement : « J’ai toujours été dans le milieu nautique en Bretagne, j’ai fait de la chasse sous-marine et j’ai aussi passé mes niveaux de plongée là-bas ».
L’ENTRÉE EN SEINE !
Après cinq ans passés à la caserne Gennevilliers port, le caporal-chef embarque, quai de Conti, à bord du fameux « Commandant Beinier ». Il passe alors le PECCH, puis est propulsé chef d’agrès de l’embarcation de secours à victime (ESAV). Il s’épanouit complètement dans ses nouvelles responsabilités. Yoann enchaine les gardes avec passion, à l’ESAV ou à la VEDI.
Le travail n’est jamais le même, difficile de s’en lasser. Une journée à La Monnaie, c’est comme dans une caserne classique, sauf que les manœuvres se déroulent dans l’eau. « Le lundi est le seul jour particulier. Nous faisons une manœuvre incendie le matin, puis le soir, au lieu de faire du sport, nous faisons une plongée de nuit pour nous aguerrir. Lorsque l’on plonge c’est souvent dans l’obscurité la plus totale ! C’est très spécial d’être dans le noir. Beaucoup disent que “le bon plongeur, c’est le vieux plongeur, celui qui a l’habitude”. »
ÇA DÉCALE EN FAMILLE !
Et comme si un seul SIS ne suffisait pas dans la famille, son frère Sébastien rejoint, lui aussi, le centre de secours. « C’est vraiment authentique de décaler avec son frère, on faisait le même boulot, on avait la même passion et la même spécialité. Nous avons pris beaucoup de VSAV ensemble, ça a vraiment été une très belle expérience. »
Lors de ses repos bien mérités, direction le Finistère. Le caporal-chef retrouve sa femme et ses filles de six et dix ans. Chez lui, il ne peut pas s’en empêcher, l’appel de la mer est trop fort ! Il enfile à nouveau sa combinaison pour pratiquer le kite surf, l’une de ses passions ! On l’aura compris, chez le caporal-chef Rousic, tout baigne !
Caporal-chef Frédéric Sibeaud, UNITÉ ÉLÉMENTAIRE SPÉCIALISÉE BALARD : gardien d’un site hors-norme
Derrière de hautes portes blindées, un contrôle digne d’un passage aux douanes : scanner, fouille, vérification d’identité. Il n’en faut pas moins pour accéder à l’état-major des armées françaises. à l’intérieur, des uniformes verts ou bleus fourmillent. Pour les secourir, des sapeurs-pompiers eux aussi militaires. Nous avons rencontré l’un d’eux, le caporal-chef Frédéric Sibeaud de la 42e compagnie. Reportage au cœur de l’unité élémentaire spécialisée de Balard.
Frédéric est issu d’une famille de militaires. C’est donc tout naturellement qu’à l’âge de 17 ans et demi seulement, il s’engage dans l’armée, mais dans « la verte ». Les années passent et le jeune engagé enchaîne les opérations extérieures : Guyane, Côte d’Ivoire, Kosovo, Afghanistan. Il s’aguerrit, se perfectionne et devient tireur de précision. Après cinq ans d’efforts, c’est d’une vie stable dont il rêve. Poser ses valises, fonder une famille, mais pas à n’importe quel prix. Son souhait : devenir sapeur-pompier en rejoignant la BSPP. En 2006, le défi est relevé. Il intègre le fort de Villeneuve-Saint-Georges et recommence tout à zéro. Ce passionné de l’effort réussit avec brio sa formation initiale, mais à la fin, une mauvaise surprise l’attend : le médecin le déclare inapte au cursus incendie en raison de sa vue jugée trop faible. L’ancien tireur de précision accuse difficilement le coup et décide malgré tout de poursuivre son engagement sur les rangs ainsi que son cursus d’avancement. Il devient successivement caporal puis caporal-chef (filière SAV) et répond à son devoir premier : le secours à personnes. Plusieurs années plus tard, la réglementation médicale a évolué. Sans beaucoup hésiter, le caporal-chef retourne sur ses pas… Villeneuve-Saint-Georges. Avec courage, il se plie à tout, se représente à la formation initiale puis aux sélections des pelotons d’élèves caporaux et caporaux chef. Le voici sapeur-pompier de Paris « filière incendie » et plutôt deux fois qu’une ! C’est à l’orée de ses 15 ans et demi de service que son chef de centre lui propose de choisir un nouvel horizon qui, il le sait, lui plaira. L’unité élémentaire spécialisée Balard.
« Dès mon arrivée, je me suis vite adapté à ce rythme bien familier à tout pompier de Paris : rassemblement, planche, vérif, sport, manœuvre, repas, formation, services intérieurs, rassemblement, sport, le tout sur un site unique, avec des infrastructures sportives inouïes et des missions différentes à chaque garde », se confie-il.
UN SITE HORS NORME
Le caporal-chef, en effet, peut être d’une garde à l’autre chef d’agrès, équipier, chef d’un poste de sécurité ou encore formateur. Le site est créé sous l’impulsion d’une décision du ministère de la Défense. Il est décidé que tous les états-majors de l’armée française soient regroupés sur un seul et même site : Balard. Étendu sur 14,5 hectares, en plein XVe arrondissement de Paris, le nouvel « hexagone » se divise en deux parcelles reliées par une passerelle aérienne traversant l’avenue de la porte de Sèvres, respectivement nommées parcelles Victor et Valin. L’enceinte, en mesure d’accueillir jusqu’à 10 000 personnes par jour, devient point d’importance vitale (PIV). Ainsi, toute indisponibilité du site consécutif à un acte malveillant ou terroriste entraverait gravement la sécurité de notre pays.
« Notre compagnie est implantée au cœur de l’hexagone et idéalement située pour assurer la mission de sécurité incendie et de secours à personnes, ainsi que la mission de conseil technique en prévention et intervention », explique le caporal-chef. Pour ce faire, l’unité composée de 62 hommes, dispose de six engins opérationnels.
DES HOMMES D’EXPÉRIENCE POUR UN SITE SOUS HAUTE SÉCURITÉ
Ici l’expérience des hommes est nécessaire pour nombre de raisons. La première est la pluralité de compétences dont ils sont dotés et qu’ils doivent maintenir chaque jour. Une garde à Balard, c’est la possibilité d’être confronté à un départ pour feu dans un site infra structurellement et politiquement sensible, mais également à du secours à personnes civiles comme militaires, à la gestion de nombreux systèmes de sécurité incendie (SSI), aux missions de formations en secourisme et incendie des occupants du site jusqu’aux interventions de décontamination sur le secteur Brigade tout entier. Mais ce n’est pas tout, il faut aussi et surtout avoir la parfaite connaissance d’un site singulier doté d’infrastructures exceptionnellement diverses et sensibles. « Les IGH, les PC de sécurité et de sûreté, les sous-sols, les toits, les centaines de couloirs, passerelles, passages ultra sécurisés, parcs de stationnement couvert, les crèches du site… n’ont aucun secret pour nous. Nous sommes, à ce titre, habilités “secret défense”. »
Le midi et le soir, à la table BSPP du réfectoire (digne d’un vrai restaurant), les discussions sont, à l’instar de l’unité, un peu éloignées des standards Brigade. Frédéric nous le raconte d’un ton amusé : « La moyenne d’âge des militaires du rang, c’est 35 ans ! Nous sommes tous rangés, pères de famille et plus près de la fin que du début, alors évidemment les discussions n’en sont plus à refaire la Brigade ou raconter nos campagnes ! On parle d’avenir, du sport, de nos enfants, de nos projets futurs ! ».
Dans deux ans, Frédéric sera arrivé au terme de son contrat. Pour notre militaire auvergnat, il sera temps de retrouver pour la dernière fois, à la gare, sa fille et son épouse. Pour lui, la carrière passionnante sera menée et sa mission, accomplie. Son prochain métier, il le trouvera peut-être ici… à table !
CENTRE DE SECOURS SPÉCIALISÉ DES INVALIDES
Implanté dans un haut lieu historique parisien, à l’hôtel national des Invalides, le détachement de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris dépend lui aussi du groupement des appuis de secours et plus particulièrement de la 42e compagnie. Commandé par un major et mis à la disposition du gouverneur militaire de Paris, ce détachement situé au cœur du VIIe arrondissement de Paris, compte 22 militaires. Chaque jour, ils sont neuf à assurer la protection du site étendu sur seize hectares et comprenant 41 bâtiments. Les missions dévolues au détachement sont des missions opérationnelles de sauvegarde des personnes et des biens, des missions de prévision, de prévention ou encore de formation. Voué initialement à l’accueil des blessés des conflits, aujourd’hui l’hôtel national des Invalides répond de plus à un devoir de mémoire. C’est également le lieu de résidence de hautes autorités civiles et militaires. Il reçoit annuellement plus d’un million de visiteurs.
Sergent Jean-Marc Ramanick, pompier au Louvre : TOUT UN ART
Léonard de Vinci a peint sa célèbre Joconde il y a cinq siècles. Exposée à Paris dans le musée le plus visité du monde, le Louvre, le sergent Jean-Marc Ramanick en assure la sécurité incendie depuis deux ans. Portrait.
En 2002, le sapeur Ramanick termine sa formation initiale et rejoint le troisième groupement d’incendie et de secours, plus exactement, le centre de secours Champerret. Très rapidement, en 2006, le caporal-chef Ramanick intègre le prestigieux groupe de recherche et d’exploration profonde (GREP*) à Issy-les-Moulineaux, où il passera « six années extraordinaires ». Après un passage aux centres de secours de Montrouge et Rueil-Malmaison, le désormais sergent Ramanick découvre, en 2018, l’unité élémentaire spécialisée (UES) Louvre.
UN MÉTIER
Les pompiers de Paris sont présents au musée depuis 1980. Quarante ans plus tard, en 2020, 52 militaires assurent la sécurité incendie du site. « Notre mission ? Éviter tout sinistre », résume le sergent Ramanick. Chaque jour, quatorze sapeurs-pompiers de garde composent trois modules d’intervention. La prévention, la prévision et le secours rythment leur quotidien. « Le musée du Louvre accueille plus de dix millions de visiteurs annuels, soit 30 000 à 45 000 personnes par jour, précise le sergent Ramanick. Quant à la superficie du site, elle est de plus de 360 000 m². Augmenter continuellement notre “connaissance secteur” est fondamental. »
Le musée détient « plus de 560 000 oeuvres en conservation et 38 000 en exposition, poursuit le sergent. Nous suivons régulièrement des formations de protection et de déplacement des oeuvres afin de pouvoir les sauvegarder en cas d’incident. Pour nous, être les gardiens de ce patrimoine historique est une immense fierté ». Dans le dédale de pièces de l’aile Denon se trouvent les « salons rouges », qui abritent notamment les peintures françaises et italiennes du XIIe au XIXe siècles. « Ma galerie préférée, indique le sergent Ramanick. Elle abrite La Liberté guidant le peuple du peintre Eugène Delacroix. » Une toile inspirante pour le sous-officier.
UN IDÉAL
Jean-Marc Ramanick est né en Martinique, en janvier 1981. Celui que tout le monde surnomme « Marcus » est arrivé en métropole à 18 ans, « initialement pour faire mes études, explique Jean-Marc, mais mon rêve était de devenir pompier de Paris. La Brigade, c’est une école de la vie : on arrive jeune et on y devient un homme ». Un homme bienveillant, en perpétuelle remise en question et engagé dans plusieurs formations, du BTS assistant de manager aux diplômes de préparateur mental et d’entraîneur en course à pied. Car le sport occupe une place importante dans la vie de Jean-Marc.
DU SPORT
« Plus jeune, j’ai fait du 100 mètres », confie modestement Jean-Marc, qui a couru son premier marathon à 24 ans. Depuis, il multiplie les kilomètres. « Avec mes amis, nous avons couru plusieurs fois les 100 km de Millau, mais aussi le SwissPeaks Trail, en 2018. Une de mes plus belles expériences de course à pied. Après une année entière d’entraînement, nous avons traversé les Alpes d’est en ouest sur 360 km. Et cette année, j’ai réussi à m’inscrire à l’UTMB (ultra trail du Mont-Blanc) ! » Nous lui souhaitons « bonne route ».
Caporal-chef Matumona Nzinga, parcours républicain vers l’Assemblée
Notre Assemblée nationale compte non seulement 577 députés élus pour cinq ans au suffrage universel direct, mais également 20 sapeurs-pompiers de Paris. Parmi eux, le caporal-chef Matumona Nzinga.
J’ ai été incorporé en 2004. Mais je crois que mon parcours est assez ordinaire, confie humblement le caporal-chef Matumona Nzinga. D’abord à la 5e compagnie, aux centres de secours Champerret et Levallois, où j’ai suivi les étapes d’avancement, puis au fort de Villeneuve-Saint-Georges, en qualité de gradé d’encadrement de 2012 à 2014. Ensuite, aux archives de Pierrefitte, puis à l’état-major du GAS et enfin, en 2018, j’ai rejoint l’Assemblée nationale. »
AU COEUR DE L’HÉMICYCLE
Le Palais-Bourbon, épicentre de l’Assemblée nationale, est construit entre 1722 et 1728. Après quelques « rebondissements » historiques, dont la Révolution Française, l’inauguration au Palais de l’hémicycle a lieu sous la Première République, en 1798. « L’Assemblée nationale, c’est l’histoire de France », résume le caporal-chef Nzinga.
De nos jours, six sapeurs-pompiers de Paris assurent quotidiennement la sécurité des personnes et la protection des biens du site, qui s’étend bien au-delà du Palais. « Un immeuble de sept étages, relié au Palais-Bourbon par une galerie souterraine, se situe rue de l’Université, révèle le caporal-chef, mais nous défendons également d’autres bâtiments annexes, notamment boulevard Saint-Germain et rue Saint-Dominique. Il y a aussi la boutique de l’Assemblée, rue Aristide Briand. Au total, nous assurons la sécurité incendie de cinq sites. » Le Palais-Bourbon et ses annexes s’étalent sur 124 000 m², occupés par près de 9 500 locaux de toutes natures dans lesquels travaillent environ 3 000 personnes, dont les députés. La présence et l’activité des membres du Parlement impliquent d’ailleurs quelques singularités pour nos sapeurs-pompiers : « Par exemple, nous n’avons pas le droit d’intervenir dans l’hémicycle lors des séances à l’Assemblée ! En cas d’incident ou de malaise, les huissiers évacuent les députés de la salle pour que nous puissions les prendre en charge », explique le caporal-chef Nzinga.
« SÉANCE » À L’ASSEMBLÉE
« Nous faisons du sport matin et soir. Pour ma part, je manque rarement une séance », précise le caporal-chef, dont le palmarès sportif est sans équivoque. En équipe de France « sapeurs-pompiers » de football et en équipe Brigade, le gradé totalise « sur dix ans, onze titres militaires et trois titres sapeurs-pompiers ». Mais depuis quelques temps, c’est en crossfit qu’il se distingue : « J’ai essayé cette discipline et je me suis fait “plier”. Donc j’ai pris un abonnement ». Résultat ? En décembre 2019, la première marche du podium des Reims Fire Game. Respect.
ENFANTS DE LA PATRIE
Matumona Nzinga est né « en Angola, en janvier 1983. Je suis arrivé en France en 1987 avec ma famille. Nous étions réfugiés politiques. Nous avons dormi dans la rue. Puis en foyer, ensuite en appartement et finalement mon père a réussi à nous installer dans une maison près de Brest ». Matumona a 12 ans lorsqu’il est naturalisé Français. « Aujourd’hui, mes frères travaillent dans l’armée de l’Air et dans l’administration pénitentiaire. J’ai aussi une sœur aide-soignante dans un EHPAD et moi, la Brigade », poursuit Matumona. « Je crois que nous voulions rendre ce que la France nous a donné. » En définitive, son parcours est tout simplement extraordinaire.
UES Biscarrosse, au coeur de la dissuasion nucléaire
Lieu d’expérimentation de la dissuasion nucléaire française dont la création remonte à 1962, la ville de Biscarrosse abrite un site stratégique de l’armée Française. C’est pourquoi les sapeurs-pompiers de Paris en assurent la sécurité incendie depuis 54 ans. Explications.
La 36e compagnie « est une unité élémentaire spécialisée (UES) de la Brigade, détachée au profit de la direction générale de l’armement essais de missiles (DGA EM) du ministère des Armées », explique le capitaine Karim Louardi, commandant d’unité depuis juin 2018. Sur place, une mission des pompiers de Paris consiste à assurer la sécurité des essais de missiles « de la conception jusqu’au démantèlement, en passant par le tir. Nous sommes associés à toutes les phases des essais, en lien étroit avec les ingénieurs de la DGA, le chef des essais et les officiers de sauvegarde, précise le capitaine. Nous devons notamment définir les gabarits de tirs mais aussi et surtout l’effectif de sapeurs-pompiers à mobiliser selon le risque incendie identifié ».
SOUPLESSE ET AGILITÉ
Ces essais sont réalisés toute l’année et requièrent des sapeurs-pompiers de savoir faire preuve d’une réactivité absolue. En effet, le calendrier de tir de la DGA « est extrêmement variable, poursuit le commandant d’unité, les essais peuvent être reportés pour diverses raisons, qu’elles soient techniques, politiques ou encore météorologiques. Mais des essais peuvent aussi être programmés de façon assez soudaine ». Concrètement, un essai peut mobiliser « de deux sapeurs-pompiers à toute la compagnie », soit 58 militaires de la Brigade, mobilisables à tout moment. « C’est la militarité du sapeur-pompier de Paris qui permet cette disponibilité totale au bénéfice de la mission DGA », analyse le capitaine Louardi.ESCORTE SOUS HAUTE SÉCURITÉ
En plus d’assurer la sauvegarde des personnes et des installations hautement sensibles de l’ensemble du site, pendant et hors période d’essais, la 36e compagnie est chargée de l’escorte des convois de missiles stratégiques sur l’ensemble du territoire national. Une mission singulière qui mobilise, près de quinze fois par an, un équipage complet pendant plusieurs jours : « Nous venons d’ailleurs de percevoir un nouvel engin spécifiquement dédié au convoyage, indique le commandant d’unité. Avec onze mètres de long et une citerne de plus de 7 000 litres, notre “fourgon convoyage” est probablement l’engin le plus imposant de la Brigade… Il est encore plus grand qu’un BEA ! ». Côté remise, l’UES Biscarrosse est effectivement tout à fait exceptionnelle.
UNE REMISE XXL
Les engins de l’UES sont légion. La remise de Biscarrosse accueille notamment, en plus de son camion dédié au convoyage de missiles, deux fourgons (FPT), deux véhicules de secours et d’assistance aux victimes (VSAV), un véhicule dédié au risque NRBC, plusieurs remorques opérationnelles, cinq véhicules de liaison hors route (VLHR) et dix camions-citernes feux de forêt (CCF) ! « Notre chef de remise ne manque pas de travail », conclut malicieusement le commandant d’unité.
LE SAVIEZ-VOUS ?
En raison d’un protocole d’assistance mutuelle entre le SDIS 40 et la DGA, Biscarrosse-Plage est défendu par la 36e compagnie !
L’INFO EN +
En juillet 2018, à Balard, la ministre des Armées Florence Parly a présenté un plan de transformation de la DGA. « Construire la DGA de demain, c’est une ambition pour toutes nos armées. C’est une ambition collective et la réussite de cette réforme sera la réussite de tous. C’est une ambition pour le succès de nos armes, pour le futur de l’Europe, pour l’avenir de nos équipements. »
UES KOUROU : les anges gardiens de l’espace
Le 30 mai 1969, la BSPP pose son premier pas au sein du Centre National d’Études Spatiales (CNES) à Kourou. 52 jours plus tard, Neil Armstrong pose le sien sur la Lune. N’y voyez aucun lien, mais tout de même ! 51 ans plus tard, l’unité élémentaire spécialisée de Kourou (UESK) n’en finit pas de surprendre tant par sa situation géographique que par ses activités opérationnelles si particulières. Décollage immédiat.
UNE AVENTURE PROFESSIONNELLE
Les 83 sapeurs-pompiers de Paris affectés au sein de la 39e compagnie sont les anges gardiens du Centre Spatial Guyanais (CSG). « Autrefois appelés “pompiers spécialistes fusée”, ils sont les garants de toute intervention se déroulant sur leur secteur de compétence. Ils apportent un appui à toutes les opérations industrielles à risque programmé », explique le capitaine Benoît Vicainne, commandant d’unité. Le CSG regroupe sept sites SEVESO à seuil « haut » et il est le plus gros site pyrotechnique de France. Il revêt une importance capitale à l’échelle européenne. À ce titre, le sapeur-pompier de Paris met en avant ses compétences acquises en compagnie d’incendie et ses formations spécifiques au risque technologique. « Une affectation à l’UESK est autant une aventure professionnelle qu’humaine avec un cadre de vie exceptionnel, unique au monde, qu’offre la Guyane », souligne le capitaine Vicainne. Capture de caïmans ou de paresseux, certaines interventions spécifiques diffèrent de celles que l’on peut trouver en région parisienne. « Nos opérations sont surtout axées sur l’activité industrielle de la base spatiale. 2 000 opérations industrielles s’y déroulent chaque année, auxquelles nous apportons un support sécuritaire », indique le commandant de l’unité.
ANGES GARDIENS DE LA CONQUÊTE SPATIALE
Lors des lancements de fusées, 75 % des effectifs de l’UES sont pré-positionnés sur le terrain. Le développement de la conquête spatiale européenne a été marqué, le 4 juin 1996, par l’explosion du premier lancement d’Ariane 5 après moins de 37 secondes de vol. La BSPP était bien sûr présente afin d’assurer la sécurité du site. « Aujourd’hui, nous suivons les différentes phases de l’installation d’Ariane 6, futur lanceur qui sera utilisé ici, en Guyane », précise le capitaine. C’est avec fierté qu’il conclut : « Tous les pompiers de Paris passés par Kourou se sentent inclus dans le dispositif et dans l’histoire de cette conquête spatiale. Il n’y a pas d’opération de remplissage de satellites ou de lanceurs sans présence de pompiers sur place ».
LE SAVIEZ-VOUS ?
L’UES KOUROU comprend quatre centres de secours. Au cours de leur séjour et afin de découvrir un nouveau secteur, 80 % du personnel change de centre de secours. Une mutation qui n’implique pas de déménagement car tous les pompiers sont logés en ville.
DÉPART POUR FEU DE SAVANE
L’intervention la plus marquante de ces dernières années est un feu de savane à proximité de l’usine de propergol de Guyane en 2015. Dans ce secteur est stockée une grande quantité de produits chimiques hautement dangereux tel que le perchlorate d’ammonium (composant du propergol, carburant de la fusée Ariane 5). Cette intervention a sollicité une grande partie de l’effectif de la compagnie et a permis un rapide retour à la normale. Tout retard dans les processus industriels peut avoir de graves répercussions sur le lancement de la fusée.