Grands formats — « Il ne faut pas laisser un drapeau aux mains de l’ennemi, même quand ce drapeau ne serait qu’une serviette. » Cette citation d’Alexandre Dumas illustre admirablement le fait que les étendards, qu’ils soient militaires ou civils, sont plus que de simples morceaux de tissu cousus et brodés. Les drapeaux sont des symboles. Ils sont les témoins historiques des unités qu’ils représentent. Revivez une partie de l’histoire de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris au travers des décorations de son étendard.
Au cours de son histoire, le corps des sapeurs-pompiers de Paris a arboré plusieurs drapeaux. L’emblème actuel a été remis à la BSPP en mars 2017 par le général d’armée Jean-Pierre Bosser, alors chef d’état-major de l’armée de Terre (CEMAT).
Notre précédent drapeau a été remis au Régiment le 14 juillet 1880 par le président de la République Jules Grévy. Sous l’occupation, ce drapeau est confié au 92e régiment d’Infanterie de Clermont-Ferrand puis dissimulé en 1942 chez un habitant, avant d’être officiellement restitué aux pompiers de Paris en 1944. En 2017, l’ancien étendard de la BSPP est immortalisé dans le film Sauver ou périr [1] puis exposé à Champerret, dans l’espace muséal de l’état-major. C’est le premier drapeau des pompiers de Paris à être décoré.
PREMIÈRE MÉDAILLE
La Légion d’honneur (LH) est la plus haute distinction nationale, dont la création remonte à 1802 par la volonté d’un certain… Napoléon Bonaparte, alors Premier consul de France. Devenu Premier empereur des Français en 1804, Napoléon crée le bataillon de sapeurs-pompiers de Paris par décret impérial en 1811.
L’ordre de la Légion d’honneur décrit son insigne comme « une étoile à cinq rayons doubles, surmontée d’une couronne de chêne et de laurier. Le centre de l’étoile, émaillée de blanc, est entouré de branches de chêne et de laurier et présente à l’avers l’effigie de la République avec cet exergue : “République française”. Au revers, deux drapeaux tricolores avec en exergue la devise de l’ordre “Honneur et Patrie” et sa date de création, “29 floréal an X” (19 mai 1802) ».
Le 11 juillet 1902, le général de division Louis André, ministre de la Guerre, adresse un courrier au président Emile Loubet : « Monsieur le président, pour reconnaître les actes de courage et de dévouement et les services que rend en toutes circonstances le régiment de sapeurs-pompiers de Paris, j’ai l’honneur de vous proposer de conférer au drapeau de ce régiment les insignes de la Légion d’honneur. Cette récompense serait accueillie avec satisfaction par la population parisienne et provoquerait, j’en suis certain, un légitime orgueil chez tous les sapeurs-pompiers de France… ». La proposition est approuvée. Le drapeau du Régiment reçoit, des mains du président de la République, la croix de la Légion d’honneur trois jours plus tard, le 14 juillet 1902. Depuis, la Brigade s’est distinguée à maintes reprises pour ses actes de courage et de dévouement.
NUIT TRAGIQUE À PARIS
Avril 2005. Un bâtiment vétuste du nord de la ville, dans le IXe arrondissement. Au milieu de la nuit, une épaisse fumée noire s’échappe vers le ciel tandis que des rouleaux de flammes embrasent de nombreuses fenêtres. Des cris d’horreur résonnent dans les rues. Plusieurs dizaines de familles risquent de perdre la vie dans un immense brasier de six étages. La situation est cauchemardesque, invraisemblable. Des habitants paniqués, désespérés, se défenestrent pour tenter d’échapper à une mort certaine. L’hôtel Paris-Opéra est le théâtre de l’incendie le plus meurtrier de la capitale depuis la Libération : le tristement célèbre feu de la rue de Provence.
À son arrivée, le sergent-chef Laurent Onillon, chef de garde, demande immédiatement l’envoi d’un renfort habitation. Le plan rouge est déclenché dans les minutes qui suivent. Rapidement, le commandement des opérations de secours est pris par l’officier de permanence, le capitaine Éric Niel, puis par le colonel Bernard Fontan, commandant le premier groupement. Le général Bernard Périco se présente sur les lieux de l’intervention, ainsi que le maire de Paris Bertrand Delanoë et le ministre de l’Intérieur Dominique de Villepin, entre autres autorités politiques. Le président de la République Jacques Chirac déclare dans un communiqué être bouleversé par cette catastrophe. Dix premiers-secours évacuation (PSE), quatorze fourgons, quatre échelles aériennes, quatorze premiers-secours relevage (PSR), sept ambulances de réanimation et sept unités médico-hospitalières composent notamment le dispositif de secours. Près de 440 sapeurs-pompiers de Paris et 140 secouristes associatifs font face au sinistre. Le bilan est terrible : vingt morts dont onze enfants. Treize urgences absolues, quarante-deux urgences relatives. Quatre personnes décéderont des suites de leurs blessures, portant le bilan définitif à vingt-quatre décès. L’incendie fait la une des journaux et notamment du journal Le Parisien, qui titre « Nuit tragique à Paris ». Cette nuit-là, les pompiers de Paris ont réalisé près de 60 sauvetages. Un exploit.
Pour cette action, le drapeau de la Brigade est décoré de la médaille d’honneur pour acte de courage et de dévouement (ACD) échelon or par le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy, le dimanche 18 septembre 2005. Cette distinction récompense toute personne qui, au péril de sa vie, se porte au secours d’une ou plusieurs personnes en danger de mort. C’est une médaille ronde, sur laquelle est représentée une femme debout tenant palmes et couronnes, entourée par trois scènes représentant des actions de sauvetage. L’ensemble est surmonté du mot « dévouement ». C’est la première médaille d’honneur pour acte de courage et de dévouement remise à la brigade de sapeurs-pompiers de Paris à titre collectif.
RUE DE PROVENCE
Le chef d’agrès de l’échelle de Blanche, sonnée dans le départ normal, a réalisé une dizaine de sauvetages lors de l’incendie de l’hôtel Paris-Opéra. Pour son action, le sergent José Pinto est récompensé de la médaille militaire et de la médaille d’honneur pour acte de courage et de dévouement échelon vermeil.
Quatorze ans plus tard, il donne son nom à la promotion de sous-officier 2019, dont il parraine le major de promotion.
UNE BRIGADE CINQUANTENAIRE
Le samedi 4 mars 2017, sur la place de l’hôtel de ville de Paris et sous une pluie battante, le président François Hollande prononce un discours marquant trois évènements majeurs de l’histoire du Corps : le cinquantième anniversaire de la Brigade, l’inscription au drapeau de la mention « Campagne d’Orient 1855 – 1856 » et la remise de la médaille de la sécurité intérieure (MSI) à titre collectif. « Pendant la nuit d’horreur du 13 novembre 2015, ce sont 430 sapeurs-pompiers militaires qui sont intervenus sur tous les lieux des attaques, sur les terrasses, à Saint-Denis, au Bataclan. […] En ajoutant cette médaille civile aux citations militaires prestigieuses qui forment votre héritage, j’ai ainsi voulu rappeler le caractère unique de votre Brigade, formation militaire de l’armée de Terre, placée pour emploi auprès du préfet de Police de Paris, au service de la capitale et de sa banlieue. »
La médaille de la sécurité intérieure est de forme ronde, surmontée d’une couronne de chêne et d’olivier. Elle est caractérisée par l’effigie de la Marianne, associée à la mention « RF ». Le portail de l’hôtel de Beauvau figure également sur l’avers de la médaille, rappelant ainsi sa création par le ministère de l’Intérieur en 2012.
COUP SUR COUP
Le 12 janvier 2019, le premier-secours évacuation du centre de secours Château d’Eau se présente rue de Trévise, à Paris, pour une importante fuite de gaz. La situation est particulièrement dangereuse. L’équipage entreprend de mettre en sécurité les habitants et riverains lorsqu’une explosion d’une extrême violence se produit. Le caporal Nathanël Josselin et le sergent Simon Cartannaz, respectivement conducteur et premier-chef de l’engin de secours, ne survivent pas aux blessures causées par la déflagration. Un troisième sapeur-pompier de Paris est sauvé des décombres après de longues minutes de recherches éprouvantes.
Quelques jours plus tard, dans la nuit du 4 au 5 février, les pompiers de Paris font face à une autre catastrophe d’envergure exceptionnelle, rue Erlanger à Paris. Un immeuble entier est embrasé, rappelant le contexte de la rue de Provence. Le lourd bilan humain de cet incendie, dix personnes décédées dont un enfant, fait également écho à celui de l’hôtel Paris-Opéra. Une différence majeure distingue cependant les deux interventions. Rue Erlanger, les façades sont inaccessibles aux échelles aériennes : 64 sauvetages sont réalisés uniquement aux moyens des échelles à mains, dans des conditions plus que périlleuses. Une véritable prouesse.
Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur, ne manque pas de souligner « l’engagement exceptionnel et le courage dont ont fait preuve les sapeurs-pompiers de Paris lors des interventions majeures de la rue de Trévise et de la rue Erlanger ». Ainsi, pour la deuxième fois de son histoire, la Brigade est décorée à titre collectif de la médaille d’honneur pour acte de courage et de dévouement. À cet instant, d’aucuns pensent que la Brigade est au zénith de son activité opérationnelle annuelle.
FEU DE « FORET »
Lundi 15 avril 2019, aux alentours de 19 h 00. Le monde entier a les yeux rivés sur la cathédrale Notre-Dame de Paris, en flammes. L’action de 600 soldats du feu, commandés par le général Jean-Claude Gallet, commandant la Brigade (COMBSPP), et le général Jean-Marie Gontier, commandant des opérations de secours (COS), est suivie par la planète entière. Après plusieurs heures de lutte acharnée, les sapeurs-pompiers de Paris ont, parfois au péril de leur vie, contribué à la sauvegarde d’un patrimoine inestimable.
Anne Hidalgo, maire de Paris, adresse ses remerciements « aux pompiers de Paris qui ont sauvé, au risque de périr, une part de nous-mêmes. Nous avons vu votre courage sans limite, votre détermination sans faille. » Pour le Premier ministre Edouard Philippe : « L’histoire retiendra que les sapeurs-pompiers de Paris ont sauvé Notre-Dame et les trésors artistiques, historiques et spirituels qu’elle abritait. Je pense au reliquaire de la couronne d’épines, au reliquaire du clou et du bois, la tunique du roi Saint Louis, à la garniture de l’autel du sacre de Napoléon 1er ou à la Nativité du peintre Louis Le Nain. Après avoir été transférées à l‘Hôtel de Ville de Paris, ces oeuvres se trouvent désormais à l’abri dans les réserves du musée du Louvre […] Nous avons bien évidemment une pensée pour le sapeur-pompier et les deux policiers qui ont été blessés durant l’intervention. Je veux le dire, ce bilan aurait pu être beaucoup plus lourd. Les sapeurs-pompiers qui sont intervenus ont pris des risques que le pays doit connaître et mesurer. Au péril de leur vie — je le répète — pour la France. Ils sont des héros et il nous revient désormais d’être à la hauteur de ce qu’ils sont, ainsi qu’à la hauteur des enjeux ».
À l’Élysée, le président de la République Emmanuel Macron déclare devant les 250 pompiers de Paris invités, ainsi que des pompiers des départements franciliens, des policiers, des membres de la Croix-Rouge et de la Protection Civile : « Vous avez été l’exemple parfait de ce que nous devons être […] Merci à vous, qui avez pris tous les risques ».
Quelques semaines plus tard, le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner honore à nouveau la BSPP, cette fois-ci au titre de son engagement déterminant lors de l’incendie de la cathédrale. Pour la deuxième fois de l’année et pour la troisième fois de son histoire, le drapeau de la Brigade est décoré de la médaille d’honneur pour acte de courage et de dévouement. Mais pas seulement.
BIAU RUBAN
Le chant traditionnel Pelot d’Hennebont [2] évoque la décoration d’un soldat pour ses faits d’armes : « […] Il a tiré un biau ruban et je n’sais quoi au bout d’argent ; Il m’dit « boute ça sur ton habit » et combats toujours l’ennemi ; Faut qu’ce soye quelque chose de précieux pour que les autres m’appellent « monsieur » ; Et foutent lou main à lou chapiau quand ils veulent conter au Pelot […] ».
Cet extrait musical illustre admirablement l’arrêté ministériel du 3 juin 2019 : « Article 1er : La fourragère d’or pour actes de courage et de dévouement est destinée à matérialiser d’une façon apparente et permanente les actions d’éclat accomplies par les formations décorées au moins trois fois de la médaille d’or pour acte de courage et de dévouement, à titre collectif, au cours d’opérations de sécurité civile, de sécurité intérieure et de maintien de l’ordre sur les théâtres hors champs de guerres ». À l’origine de la création de cette nouvelle distinction : le président de la République Emmanuel Macron lui-même.
C’est ainsi que le 1er juillet 2019, le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner remet au drapeau sa fourragère d’or, composée d’un cordon rond doublé doré, tressé à un cordon tricolore sur la partie formant le tour du bras. L’extrémité du cordon tricolore forme un trèfle. Le cordon doré est muni à l’autre extrémité d’un ferret et d’un coulant en métal doré ou argenté, selon la tradition de l’arme ou du service. Au-dessus du ferret, le cordon doré forme un nœud à quatre tours. Un biau ruban.
LE SAVIEZ-VOUS ?
Le drapeau de la Brigade se compose de trois parties : le tablier, la cravate et la hampe. Le tablier est un carré de 90 cm de côté aux couleurs de la France. La cravate est la pièce de tissu sur laquelle sont accrochées les décorations, tandis que la hampe est le manche en bois de frêne qui permet de porter l’ensemble.
AVEC PALME DE BRONZE
Le même jour, la ministre des Armées Florence Parly s’adresse aux pompiers de Paris en ces termes : « […] Sauver ou périr, telle est votre devise. Si aucune vie humaine n’était directement en danger ce soir d’avril, ce n’est pas seulement des pierres que vous avez sauvées, ce sont des siècles d’histoire, c’est une part de notre humanité, une fraction de nos âmes.
Lorsque les Parisiens vous appellent les “soldats du feu”, ils ne croient pas si bien dire : l’incendie de Notre-Dame démontre encore la richesse du statut si particulier de la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris. Intégrer la Brigade, c’est un choix double : vous êtes pompiers mais vous êtes aussi militaires. Et c’est toute l’armée de Terre que vous élevez par vos qualités d’exception. Votre esprit de corps, votre abnégation et votre excellence opérationnelle sont autant d’atouts indispensables au service de la protection de notre capitale.
[…] Je suis fière de vous compter dans les rangs des armées. Et les armées sont si fières de vous. Et c’est un immense honneur de vous remettre aujourd’hui, aux côtés de Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur, une citation à l’ordre de l’armée et pour la première fois dans notre histoire, de remettre à un drapeau, à votre drapeau, la médaille d’or de la défense nationale ». Avec palme de bronze, sa plus haute déclinaison.
Créée le 21 avril 1982, la médaille de la défense nationale (DN) est une décoration militaire relativement récente. Elle récompense les services particulièrement honorables rendus par les militaires à l’occasion de leur participation aux activités opérationnelles ou de préparation opérationnelle des armées, notamment les manœuvres, exercices, services en campagne ainsi que les interventions au profit des populations. De forme ronde, elle présente sur l’avers une effigie de la République avec la mention « République française ». Sur le revers, les inscriptions « armée-nation » et « défense nationale » entourent un bonnet phrygien. La médaille de la défense nationale est la dernière décoration remise à titre collectif aux pompiers de Paris.
[1] Le drapeau apparaît furtivement dans la scène où le sergent Pasquier reçoit la médaille militaire !
[2] Tri Yann, 1974
AU DRAPEAU !
Le lieutenant Loïc Bassière était « porte-drapeau » de mars à juin 2020, en plein confinement national… Bien que n’ayant pas eu l’occasion de porter notre étendard lors d’une cérémonie officielle, il lève le voile sur certains aspects de cette fonction pour le moins « emblématique ».
« Le porte-drapeau est généralement un officier subalterne du grade de lieutenant, volontaire pour assurer cette fonction dont le mandat dure trois mois. Ainsi, tous les groupements se partagent, à tour de rôle, la responsabilité de l’emblème de la Brigade. Le porte-drapeau est accompagné dans sa mission par une “garde au drapeau” composée de sapeurs-pompiers du groupement en responsabilité. Au premier rang se trouvent deux sous-officiers, de part et d’autre du porte-drapeau. Derrière eux, trois militaires du rang forment un deuxième rang. Le changement de garde s’effectue trimestriellement, habituellement lors de la cérémonie de présentation des recrues au drapeau (PRD).
Il n’y a pas de formation particulière à ce poste. Les consignes sont traditionnellement transmises “de porte-drapeau à porte-drapeau”. Les nombreuses répétitions permettent à la garde au drapeau de se synchroniser avec justesse pour atteindre la perfection dans l’exécution. La rigueur est fondamentale dans cet exercice de représentation.
Très attaché aux traditions, j’éprouve une très grande fierté, car nous, la garde au drapeau, sommes les dignes représentants de la Brigade, à l’intérieur comme à l’extérieur. C’est une mission noble et hautement symbolique. »
À LIRE AUSSI…
HISTOIRE – Il y a 15 ans… Nuit blanche, Rue de Provence
HISTOIRE – Il y a un an, Notre-Dame de Paris…
CEREMONIE – Le drapeau de la Brigade honoré par la République