Grands formats — 8 500 sapeurs-pompiers interviennent au quotidien sur Paris et sa petite couronne. Tantôt vêtus de rouge, tantôt de bleu, ils sont de tous âges, toutes origines, tous grades, mais ont une seule et même mission : servir au sein de l’armée de Terre pour porter secours et sauvegarder les biens. Qu’ils soient militaires du rang, sous-officiers, officiers, réservistes, opérationnels ou spécialistes : qui sont les sapeurs-pompiers de Paris en 2020 ? La rédaction d’ALLO DIX-HUIT a poussé les portes des centres de secours pour mener l’enquête et dresser le portrait-robot de nos soldats du feu.
LE MILITAIRE DU RANG : FORCE & ENDURANCE
Généralement, le militaire du rang est un provincial très attaché à sa région d’origine. De fait, il multiplie les allers-retours en TGV. Mais le métier coule dans ses veines, à tel point qu’il assure encore quelques gardes « chez les volontaires ». « Les militaires du rang s’engagent à la Brigade avant leurs 25 ans. Déjà prêts à risquer leur vie pour sauver celles des autres, ils représentent la jeunesse et l’avenir de l’institution, explique le lieutenant-colonel Jérome Riberot, chef du bureau organisation ressources humaines (BORH). Ils sont notre principale force d’exécution. Nos militaires du rang sont autonomes, responsables et même chefs d’agrès, ce qui impressionne continuellement les autres corps de l’armée de Terre. » Son amour du métier est accompagné d’une profonde empathie vis-à-vis de la populations. Il est en première ligne pour porter assistance, il est le premier aidant de celui qui exprime une détresse. « C’est en partie grâce à ces soldats, à la fois polyvalents et disciplinés, que la BSPP peut fonctionner dans une multitude de services et de métiers » poursuit le chef du BORH. Désormais, les nouvelles conditions d’accès au logement peuvent lui permettre de vivre sur Paris ou sa petite couronne. L’avenir s’offre à lui !
Les sous-officiers : EXPÉRIENCE & PROXIMITÉ
Parmi les militaires du rang, celui qui poursuit son avancement, réussi ses examens, « survit » au CM1 et obtient son brevet de spécialiste de l’armée de Terre (BSAT), devient sous-officier. Il s’installe à Paris avec ses proches et se construit un bel environnement familial : il est l’exemple même de l’escalier social de la Brigade. Sa vocation se transforme en véritable choix de vie. Il endosse de nouvelles responsabilités et gagne encore en autonomie. Il est ce qu’on appelle un cadre « de contact ». Le lieutenant-colonel Riberot souligne que « le sous-officier est, par essence, le lien entre le commandement et l’exécution, la colonne vertébrale autour de laquelle se retrouvent supérieurs et subordonnés. » Son expérience et son haut niveau de technicité lui permettent de remplir ses missions dans les meilleures conditions. Sa zone de compétences s’étend dans de nombreux domaines tels que l’opérationnel, les ressources humaines, les finances ou encore le soutien. La suite logique de son parcours ? Chef de garde incendie, chef de centre, officier de garde compagnie, et parfois même officier tout court. Une belle victoire pour celui qui, parfois, démarrait dans la vie sans aucun diplôme !
L’OFFICIER : TACTIQUE & STRATÉGIE
L’ officier exerce les plus hautes fonctions de commandement et peut venir d’horizons très différents. Issu du rang, il dispose de connaissances parfois acquises au fil de décennies entières. Son savoir opérationnel et institutionnel est presque encyclopédique. Officier sous contrat (OSC), sa plus-value est nécessaire au bon fonctionnement de l’institution notamment comme spécialiste. L’école militaire interarmes (EMIA) et l’école spéciale militaire de Saint-Cyr (ESM) forment des officiers destinés à encadrer des unités opérationnelles, puis à assumer des responsabilités croissantes de conception et de direction au sein de l’armée de Terre, du ministère des Armées et des états-majors multinationaux. Oui, l’officier chemine entre la Brigade et l’armée de Terre : c’est sa force, sa singularité. L’officier commande, c’est sa vocation. D’abord une compagnie, puis un bureau, souvent un groupement, et parfois la Brigade. « Ces différents cursus, en haut de la pyramide hiérarchique, se complètent, analyse le lieutenant-colonel Riberot. L’expérience opérationnelle et les nouvelles idées d’expertises se rejoignent, au service de la performance. » Si ses origines sont variées, le rôle de l’officier reste toujours le même : commander. Être un chef, exemplaire et bienveillant. Tourné vers « les étoiles », sa militarité le caractérise.
DEVENIR POMPIER DE PARIS AUJOURD’HUI
Pousser la porte de l’un des 105 centres d’information et de recrutement des forces armées (CIRFA) est encore aujourd’hui la première étape du recrutement d’un pompier de Paris. « Après la constitution du dossier, le candidat est convoqué dans l’un des cinq départements d’évaluation et d’information (DEI) pour effectuer les tests de l’armée de Terre durant 48 heures. Si le profil est conforme à nos attentes, il est convoqué aux tests complémentaires et spécifiques de la BSPP. Ces tests de sélection, communément appelés « agrément technique », se déroulent sur 24 heures, dans nos murs » indique le capitaine Christophe Piemontesi, chef de la section recrutement du BORH. Le sapeur Thomas Léonard, incorporé en mai 2019, s’en souvient parfaitement : « J’ai été convoqué à Masséna et c’était assez impressionnant. On se sent tout petit à côté d’une caserne comme celle-ci. Nous avons commencé par la natation, puis nous sommes allés au fort de Villeneuve-Saint-Georges pour finaliser les épreuves physiques et passer un entretien, le lendemain matin, avec un pompier de Paris. » Chaque mois, près de 160 candidats effectuent ces évaluations en vigueur depuis mars 2018. « J’ai été incorporé deux mois après avoir passé l’agrément technique » poursuit le sapeur Léonard. Ensuite, la formation initiale comprend quatre mois d’instruction au sein desquels se glisse une semaine d’immersion en compagnie d’incendie. « Un des moments forts de ma formation, car j’ai eu la chance de décaler sur les Champs-Élysées » se souvient le sapeur Léonard, affecté depuis au CS Saint-Maur.
La BSPP a recruté près de 1 200 sapeurs-pompiers en 2018 (et autant en 2019) « sur plus de 3 000 dossiers étudiés, précise le capitaine Piemontesi. L’agrément technique nous a notamment permis de mieux cibler les candidatures afin d’améliorer la qualité de nos recrues tout en baissant le taux d’attrition, qui sont deux enjeux majeurs de la section recrutement. »
CHEF CS : COMME UN SYMBOLE
L’adjudant-chef Aymeric Demandre totalise 17 années de service et exerce la fonction emblématique de chef de centre depuis le 20 juin 2017. Il dirige le centre de secours de Colombes, dans le 3e groupement d’incendie et de secours.
ALLO DIX HUIT : chef de centre, est-ce une fonction
symbolique du sous-officier ?
ADC DEMANDRE : très clairement, oui. Parmi d’autres, évidemment, mais la fonction de chef de centre constitue pour ceux qui y accèdent une certaine forme d’aboutissement, sans pour autant être la fin du chemin. Commander un CS est un moment fort dans une carrière, un subtil mélange de devoirs et de libertés. C’est un temps de responsabilité important pour le sous-officier de la Brigade.
Quel est le rôle du chef de centre ?
Outre l’aspect opérationnel, le maintien en condition des matériels, le développement des savoir-faire et savoir-être, son rôle le plus important est, à mes yeux, de conserver la plus grande richesse de son CS : l’humain. Créer une dynamique de cohésion, développer la fraternité d’armes, favoriser les efforts et l’investissement. Les plus gradés se doivent de former en permanence avec un juste équilibre d’exigence et de bienveillance. Cet état d’esprit permet à chacun de s’accomplir individuellement, pour servir le collectif.
Avez-vous des projets pour le CS Colombes ?
Colombes est un centre de secours atypique et vieillissant, qui demande une attention permanente pour rester opérationnel. Le projet que nous portons actuellement est la construction d’un CS neuf, avec le souci de conserver son cœur historique : un pavillon de 1870, qui était un don de particulier.
Je ne verrai probablement pas la concrétisation de ce chantier en tant que chef de centre, mais j’ai bon espoir pour que mon successeur puisse inaugurer, d’ici quelques années, le « nouveau CS Colombes. »
Un dernier mot ?
Plutôt une phrase, extraite de L’Art de la guerre de Sun Tzu : « Traite tes soldats comme tu traiterais ton fils bien-aimé. » Un état d’esprit étroitement lié à mes proches, dont le soutien est indispensable.
LE COMMANDEMENT EST UN ART
« C’est un art parce qu’il fait appel au cœur autant qu’à l’esprit, parce qu’il conjugue la pensée et l’action […]. Mais c’est un art appliqué : ses voies et moyens doivent s’adapter aux circonstances et surtout aux hommes sur lesquels il s’exerce » soulignait le général Jean Lagarde[1], chef d’état-major de l’armée de Terre de 1974 à 1980. Quarante ans plus tard et à quelques mois de son temps de commandement, la vision du capitaine Jean Balmitgere (26e Cie) démontre que les propos du général Lagarde sont plus que jamais d’actualité.
« Le chef est à charge d’âmes, qu’il le veuille ou non. Quelle mission ! Il s’agit donc d’appréhender son commandement “avec cet axiome″.
J’ai la conviction qu’être chef implique d’abord d’être vrai avec soi-même. Avoir des pensées droites et un cœur simple, donc être intègre, me semble une évidence. Il faut agir avec sagesse, avec un esprit ferme mais empreint de bienveillance, sûr de soi et paisible.
Notre métier est, en outre, fondé sur les relations humaines. Le chef n’est rien sans sa troupe et ne peut commander sans l’adhésion de ses hommes. Il faut connaître ses soldats. Cette connaissance ne va pas de soi, elle exige une grande implication et s’avère être un véritable challenge au sein de nos compagnies de la BSPP, parfois constituées de deux cent quatre-vingt hommes et femmes.
Par ailleurs, le courage est une vertu, indissociable de l’exercice du commandement : le courage de décider, souvent dans l’adversité, le courage de “dire les choses” à nos hommes. Il est bien entendu aisé de féliciter, il est plus compliqué de dire ce qui ne va pas et de sanctionner. La démagogie apparaît parfois représenter la voie facile, mais elle est en fait stérile, voire nuisible, donc à bannir.
Enfin, lorsque le chef emmène ses hommes au combat, il est incontestablement dépositaire de leurs vies. Cela est vrai dans le désert sahélien comme dans un bâtiment en feu, sur la place parisienne. Cette responsabilité est vertigineuse, il convient d’en être totalement conscient, mais il s’agit de l’exercer sans qu’elle devienne écrasante.
J’emprunterai pour conclure les mots de Michel Menu, officier, résistant, ingénieur, auteur et figure majeure du scoutisme : ″Si tu veux être chef un jour, pense à ceux qui te seront confiés, si tu ralentis ils s’arrêtent. Si tu faiblis, ils flanchent. Si tu t’assieds, ils se couchent. Si tu critiques, ils démolissent. Mais si tu marches devant, ils te dépasseront. Si tu donnes la main, ils donneront leur peau. Et si tu pries, alors ils seront des saints.″»
RÉSERVISTES, SPÉCIALISTES & PERSONNELS MÉDICAL
LA RÉSERVE À LA BSPP
Toute l’année, les sapeurs-pompiers de Paris font face sans répit. Pour répondre à une sollicitation toujours plus importante, et en prévision des JO 2024, la BSPP peut s’appuyer sur la réserve militaire. Des réservistes opérationnels ou spécialisés dans des domaines techniques bien précis, devenus un véritable renfort permanent. La réserve militaire est une composante de la garde nationale. Elle constitue, à ce titre, un complément indispensable des activités de la Brigade et un lien primordial entre la société civile et le corps.
La réserve opérationnelle
La réserve opérationnelle est un vivier d’emploi intégré aux personnels d’active pour en renforcer les capacités opérationnelles. De plus, elle permet à la Brigade de disposer d’une flexibilité suffisante pour pouvoir agir efficacement dans les situations de crises. Constituée essentiellement d’anciens du corps, d’anciens volontaires au service civique et d’anciens jeunes sapeurs-pompiers de Paris, la réserve est depuis 2016 également ouverte aux personnes extérieures et titulaires du PSE1 et du PSE2. Portant la qualité de militaire durant leurs périodes d’activités, les réservistes accomplissent les mêmes missions de secouristes au VSAV que les sapeurs-pompiers de Paris, leur conférant ainsi les mêmes avantages, comme les mêmes obligations. Depuis le 1er janvier 2018, les réservistes peuvent en outre candidater au peloton des élèves caporaux.
La réserve spécialisée et la réserve citoyenne
Comme dans le cas de la réserve opérationnelle, la réserve citoyenne regroupe celles et ceux désireux de servir la BSPP ailleurs que dans les engins. Ils contribuent à ce titre au maintien du lien armée-nation et entretiennent par le fait l’esprit de défense en général.
Ainsi, ces Français, secouristes, professeurs, médecins urgentistes, psychologues… âgés de plus de 18 ans, jeunes ou moins jeunes, arborent fièrement le même uniforme que les militaires du corps, et assurent avec investissement les jours d’activités compris dans leur contrat. Un véritable engagement au service de la Brigade, mais surtout au service de la France.
LES SPÉCIALISTES
Forte de 8 500 militaires, et pour répondre aux 500 000 interventions annuelles, la brigade de sapeurs-pompiers de Paris compte sur un personnel de terrain soutenu, pour réaliser la mission, par un personnel de technique. Répartis en deux grandes familles, à la Brigade, on est sapeur-pompier « voie feu » ou « voie de spécialité ».
Depuis sa création, la BSPP est en mesure d’armer des engins de secours avec des militaires formés et aguerris, mais est aussi en mesure de « s’autogérer » grâce à un incroyable panel de personnels spécialisés. Ces hommes et femmes sont très exactement 711(1) et représentent 8,7 % de l’effectif total. Ils opèrent dans tous les domaines tels que le soutien opérationnel, la logistique, l’humain, la formation ou encore la représentation.
Qui sont-ils ?
58 femmes et 653 hommes qui portent fièrement l’uniforme pour permettre à la Brigade sa remarquable autonomie de gestion. Qu’ils soient mécaniciens, carrossiers, logisticiens, chauffagistes, plombiers, moniteurs de sport, infirmiers, gestionnaires en ressources humaines, moniteurs auto-école, musiciens, photographes ou encore infographistes… plus de 20 métiers sont représentés par les sapeurs-pompiers spécialistes. Ils appartiennent à la fois aux populations des militaires du rang, des sous-officiers comme des officiers. Leurs parcours professionnels sont en corrélation avec chacun de leur domaine de compétences, mais restent pour autant toujours liés au tronc général militaire.
Filière pompier et filière spécialiste à la fois !
C’est possible ! Dans sa carrière, le sapeur-pompier est maître de son avancement, de son profil de carrière en terme de longévité, mais aussi en terme de spécialité. En effet, uniquement sur volontariat, par perte d’aptitude du service incendie, pour des raisons familiales ou encore pour répondre au besoin de la Brigade, il peut ainsi formuler une demande de changement de filière. Il n’est donc pas rare de voir des sapeurs-pompiers de Paris avoir la double casquette.
Pour faire décaler un engin il faut une armée de spécialités : voilà pourquoi une telle richesse de profils ne peut être qu’une force au service d’une seule et même institution.
(1)Chiffre de décembre 2019
CNE POUTRAIN : UNE CARRIÈRE AU SERVICE D’UNE VOCATION
« Tant que je ne n’aurais pas atteint mon seuil de compétence, je monterai en grade ».
Voici l’adage auquel s’est tenu le sapeur Poutrain, passant sous la voûte de Villeneuve-Saint-Georges en 1984. Suivant ce dessein et enjambant l’escalier social de la Brigade, il devient successivement sous-officier, officier et enfin réserviste. Trente-cinq ans plus tard, le capitaine rembobine le fil d’une carrière faite de multiples responsabilités, postes, fonctions et rencontres humaines.
Je suis entré à la Brigade juste après mon baccalauréat. Ce qui m’a plu tout de suite, en dehors de l’esprit de cohésion, c’est le sens des responsabilités. Prendre du stationnaire et du chef d’équipe à seulement 18 ans, c’était formidable. À l’époque, je suis même entré à « la spéciale ». J’enchainais les journées de gymnastique après des nuits au PS ou au standard. Le rythme était très dense, 18 gardes et deux réserves par mois. Pourtant, il correspondait à mes attentes de vie dynamique et hyper active : du sport, de l’opérationnel et des responsabilités ! Les anciens m’ont pris sous leurs ailes et m’ont poussé vers l’avancement : le PEC puis le PECCH. Cette transmission du savoir était et, est toujours, un vrai gage d’efficacité.
Confiant en mes compétences et résolu à monter en grade, j’ai passé les examens pour devenir sous-officier. J’y ai connu la véritable autonomie opérationnelle, l’action directe au profit de la population. Être chef d’agrès au PS, avec cinq fenêtres allumées en pleine nuit, seulement accompagné de mes hommes : c’était grandiose ! Au fur et à mesure, acquérant de l’expérience et du grade, mon champ d’action a augmenté. J’ai reçu énormément de conseils d’autres sous-officiers et de commandants d’unité au travers de discussions et d’échanges. Ce genre de relations donne envie, vous tire vers le haut. On prend le meilleur partout, on ne touche pas terre et on progresse en permanence.
Par la suite, la porte du concours officier s’est ouverte. Après réflexion, je me suis retrouvé à réviser des nuits entières pour « choper le galon ». Et mes efforts se sont révélés payants. Une fois lieutenant puis capitaine, j’ai bénéficié de plus d’autonomie et de confiance de la part de mes supérieurs. Le plus marquant dans cette partie de carrière, c’est l’aspect humain. Pour un commandant d’unité, cela représente 80 % de son travail. Il faut connaître ses hommes et en extraire le meilleur pour en faire profiter l’institution. Après mon temps de commandement, je suis passé par le BOPO et le BEP. Dans ces bureaux j’ai travaillé sur énormément de dossiers qui me tenaient à cœur, tant au niveau de l’opérationnel que de l’innovation. Aujourd’hui encore, je continue ces projets en tant que réserviste. En un sens, je suis fier d’avoir apporté ma pierre à l’édifice.
Si je ne suis pas devenu commandant, c’est, sans doute, parce que j’ai enfin atteint mon seuil de compétence ! À la Brigade, il y a une place pour chacun. L’important étant de trouver le poste qui nous correspond le mieux. Le système n’est pas ingrat, il proposera toujours plus à celui qui a l’ambition et la volonté d’y arriver. Il creusera jusqu’au fond de nos tripes pour savoir ce que l’on vaut vraiment, et la récompense sera au rendez-vous.
LE SERVICE DE SANTÉ À LA BSPP
1 400, c’est le nombre d’appels reçus au centre de traitement des appels de la Brigade, concernant une urgence liée à la santé. 8 500, c’est le nombre de sapeurs-pompiers de Paris nécessitant un suivi médical continu, assuré par le service de santé de la Brigade. 304, c’est le nombre d’hommes et de femmes de blanc vêtus à la BSPP. Un service de santé pas tout à fait comme les autres, où urgences vitales et suivis médicaux s’alternent. Les militaires du service de santé des armées, les professionnels de santé civils et les réservistes se croisent et se complètent dans une danse permanente.
Trois entités y évoluent en symbiose. Le bureau de santé et de prévention (BSP) organise et dirige tous les aspects médicaux liés au personnel de la Brigade. Il peut s’agir d’aptitude, de prévention, de suivi des frais, d’accidents en service ou encore de soutien psychologique. Ensuite, le bureau médical d’urgence (BMU) assure la doctrine opérationnelle et intègre les recommandations des société savantes. Il est dirigé par un médecin en chef, urgentiste expérimenté. Au bout de cette chaîne, le bureau pharmacie et ingénierie biomédicale (BPIB) ravitaille tous les centres de secours en produits de soins. Il en assure la gestion, le suivi et le contrôle technique. Il gère également le budget de fonctionnement et d’investissement de la division santé. En terme de logistique, la division santé est soutenue par la compagnie de soutiens communs.
Colonel ROGER BARRAU
ITW du SOUS-CHEF DE LA DIVISION ORGANISATION RESSOURCES HUMAINES
Quelle analyse faites-vous de l’agrément technique ?
L’agrément technique est aujourd’hui une réelle source de satisfaction. Il y a encore un an, nous avions un taux d’attrition à Villeneuve-Saint-Georges de l’ordre de 30 à 32 %. Il est actuellement à 18 %. Cela signifie qu’en amont de l’arrivée du futur sapeur-pompier de Paris, nous avons évalué ses motivations et confirmé les prédispositions détectées au CIRFA. L’agrément technique permet de plonger notre future recrue pendant deux jours dans l’univers qu’il connaîtra au moment de son incorporation et de son instruction. Cela nous permet de repérer les plus motivés, ceux qui correspondent effectivement à nos critères de sélection, ceux dont la motivation serait plus fragile, et peut-être ceux qui idéalisent un métier qui n’est pas la réalité. Le constat est donc très positif puisque nous avons réduit presque de moitié le taux d’attrition, alors même que le volume de recrutement reste à un niveau très élevé. L’armée de Terre s’intéresse de près à notre agrément technique et pourrait l’adapter au recrutement dans les forces. C’est un bon indicateur du succès de ce dispositif.
Quid de l’attrition ?
Concernant les 18 % d’attrition restants, il y a probablement une marge de manœuvre pour faire encore diminuer ce chiffre. Sachant qu’environ 10 % restent incompressibles car résultant de contre-indications médicales, nous travaillons maintenant sur les 8 % qui subsistent, en liaison étroite avec le chef de corps du GFIS et les cadres de la CDF1.
L’engagement à servir dans la réserve (ESR) : quel avenir à la BSPP ?
La BSPP avait en 2016 une réserve qui était de la classe 300. Un premier objectif ambitieux, qui m’a été fixé par le chef d’état-major, était d’augmenter cette réserve opérationnelle à la classe 1000 à l’horizon des Jeux Olympiques de 2024. Le but est de permettre à la Brigade de faire face à un pic d’activité prévisible et ponctuel durant la période olympique. De façon plus large, le général Gontier envisage quant à lui la constitution d’une réserve qui pourrait atteindre à terme 20 à 30 % des sapeurs-pompiers de Paris. Pour encourager l’engagement dans la réserve et fidéliser le personnel ESR, nous leur avons proposé leur avancement. C’est un succès puisque plus de 40 stagiaires ESR ont suivi le PEC avec succès. Demain, avec des outils numériques adaptés, nous pourrons faire de la formation à distance et leur permettre d’obtenir la qualification de chef d’agrès VSAV. Nous sommes par ailleurs en train de valider un certain nombre de réservistes qui disposent de cette qualification auprès des associations agréées de sécurité civile (AASC). Enfin, si des sapeurs-pompiers, chefs d’agrès dans le civil, désirent devenir réservistes à la BSPP, nous souhaitons pouvoir répondre favorablement à leur demande, moyennant une validation des acquis de l’expérience.
Ce qui est certain, c’est que la réserve a vocation à jouer un rôle opérationnel majeur au sein des groupements d’incendie et de secours de la BSPP. Au même titre que les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) qui ont recours aux sapeurs-pompiers volontaires, nous aurons durablement recours aux réservistes pour prendre part, concrètement et directement, à nos opérations. J’ajoute que la grande majorité d’entre eux est francilienne et donc aisément mobilisable en cas de besoin. Ils contribuent donc à consolider la résilience du modèle BSPP. Mais la réserve est aussi un vivier de spécialistes. Je pense notamment aux spécialistes SAN ou SIC qui viennent nous appuyer sur opération ou au niveau de la conception en état-major. Par exemple, l’entreprise Orange favorise l’engagement de ses cadres dans la réserve opérationnelle. Ainsi, nous sommes en train d’étudier quelle plus-value le personnel d’Orange pourrait apporter à l’institution. Très clairement, la réserve est déjà une composante essentielle du modèle de la BSPP et le sera au moins autant dans le futur modèle, celui de la période post plan de modernisation.
Quels leviers faut-il actionner pour améliorer les conditions de travail et les conditions de vie du pompier de Paris ?
C’est un sujet central. Au travers du rapport sur le moral d’une part, et de l’I2M d’autre part, mais également des inspections que mène le général au sein de nos unités, nous constatons que les conditions d’exercice du métier sont un élément de préoccupation majeur de nos personnels. Il faut donc y apporter une réponse, qui ne dépend pas uniquement de la division organisation ressources humaines (ORH), mais à laquelle elle apporte sa contribution. Nous avons conduit plusieurs actions afin de faire en sorte que le pompier de Paris vive mieux « son métier » et qu’il vive mieux « de son métier ».
Mieux vivre de son métier, c’est apporter une réponse aux attentes relatives au pouvoir d’achat. On peut commencer par améliorer la rémunération. Il y a un aspect sur lequel nous ne pouvons pas manœuvrer, c’est la partie indiciaire, c’est à dire l’indice de solde. Nous sommes rattachés à une grille de la fonction publique, dont il faut souligner l’augmentation avec le PPCR, mais nous n’avons pas le pouvoir de l’augmenter par nous-mêmes. En revanche, nous pouvons agir sur la partie indemnitaire, c’est-à-dire les primes… Et, depuis deux ans, nous faisons des efforts pour augmenter le nombre de primes et favoriser ainsi l’augmentation du pouvoir d’achat de nos personnels. La prime de haute technicité (+43 PHT en 2019) cible plus particulièrement les adjudants-chefs titulaires des ESP et les majors, tandis que l’augmentation des primes de qualification supérieure (+116 PQS en 2019) cible plus largement la population des sous-officiers. Nous avons également augmenté la prime réversible des compétences à fidéliser (89 PRCF servies en 2019) qui est distribuée principalement aux militaires du rang volontaires pour servir sur des postes en tension tels que la PFAU. Nous avons par ailleurs pu augmenter le nombre de primes de nouvelle bonification indiciaire (+35 NBI en 2019). Globalement, l’enveloppe des primes est de l’ordre de quatre millions d’euros. Cela peut paraître faible à l’échelle de la BSPP, mais il s’agit d’avancées concrètes directement visibles sur les feuilles de soldes. Ensuite, il existe tout ce qui contribue à améliorer le pouvoir d’achat, sans pour autant figurer sur la fiche de solde. Ce sont notamment les logements. Depuis quelques mois, les conditions d’accès au logement de service ont été assouplies et tous les caporaux-chefs, quelle que soit leur situation familiale, peuvent désormais y prétendre. Concrètement, cela représente un million d’euros supplémentaire sur le budget 2019 de la Brigade. Au total, l’effort financier pour augmenter le pouvoir d’achat des sapeurs-pompiers de Paris en 2019 s’élève à 5 millions d’euros.
Sur quels autres paramètres peut-on agir ?
Pour mieux vivre son métier, nous pouvons agir sur le plan de l’organisation du travail. Une fois encore, tout ne dépend pas de la division ORH, mais nous avons proposé au général un certain nombre d’adaptations au niveau central. La première, c’est de limiter la mobilité du personnel. C’est à dire la mobilité à l’occasion des plans annuels de mutation (PAM). Lorsqu’un officier ou un sous-officier change de fonction au sein de l’institution, cela impose souvent un changement de lieu de vie et le personnel est contraint de déménager. Nous avons donc décidé de dissocier la mobilité géographique et la mobilité fonctionnelle. Cela permet à certains de pouvoir choisir un lieu d’implantation et d’y rester durablement, quelles que soient leurs fonctions. Nous avons proposé cela pour la première fois cette année et une dizaine de sous-officiers a été séduite par cette idée. La deuxième souplesse concerne les horaires dans le travail pour le personnel SAS. Ainsi, ceux qui ont des besoins en terme de garde d’enfants, parfois en situation de famille monoparentale, peuvent arriver un peu plus tard le matin, ou partir un peu plus tôt l’après-midi. En sachant bien que les horaires ne sont pas extensibles à l’infini, que cela fait l’objet d’une validation du commandement de proximité, et que les semaines de quatre jours ne sont pas encore d’actualité. Mais c’est un premier pas.
Les nouvelles technologies vont jouer un rôle important…
La division ORH s’engage également dans la numérisation de ses process et dans une simplification des tâches administratives. Nous pensons aussi à développer le travail à distance, notamment pour ceux qui ont un travail de conception. Cela ne signifie pas forcément travailler chez soi, mais travailler à partir d’un autre site que celui auquel nous sommes rattachés. Pour faciliter la vie de nos personnels, nous regardons comment la BSPP peut réduire l’impact des coûts de transports, mais c’est une étude à long terme qui n’est pas encore acquise.
Nous voulons introduire de plus en plus les nouvelles technologies au sein de l’outil de formation. La numérisation de l’espace de formation (NEF) permettra de réduire le temps de formation « en présentiel » pour pouvoir le faire “en distanciel”. Les centres de secours verront l’empreinte de formation du PEC et du PECCH diminuer, mais aussi les examens propres aux sous-officiers. Cela permettra au sapeur-pompier d’être plus disponible pour son CS et de réduire l’absence liée à la formation. Il s’agit également de dématérialiser les 30 000 copies annuelles liées aux examens et à l’avancement afin de diminuer la charge de travail des 150 correcteurs que cela requiert, de gagner du temps et de faire des économies de papier non négligeables. Nous sommes en train de développer ce sujet en liaison avec la DRHAT.
Le dernier point sur lequel nous travaillons, c’est le renforcement de l’action sociale. Actuellement, nos 5 assistantes socio-éducatives (ASE) font un travail formidable pour guider dans le maquis des aides sociales tous ceux qui en ont besoin afin que leurs droits soient respectés. Cependant elles sont en nombre insuffisant pour répondre à toutes les sollicitations et se retrouvent parfois submergées. Rien n’est encore décidé, mais nous souhaitons porter à huit le nombre d’ASE.