Les rencontres d’ALLO DIX-HUIT — Le sergent-chef Grigori Charron, chef de groupe cynotechnique, nous présente les nouvelles compétences de son chenil : la recherche de produits accélérateurs d’incendie et le pistage. Rencontre passionnante avec des chiens stables au flair !
Quelles sont les nouveautés de la spécialité CYNO en 2022 ?
Les chiens disposent de deux agréments supplémentaires : le pistage et la recherche de produits accélérateurs d’incendie (RPAI). À l’origine, nos petits compagnons étaient formés à la recherche de personnes ensevelies sous des décombres, égarées grâce à la technique de questage (le chien recherche la victime dans un secteur vaste, mais prédéfini et ne dispose pas d’odeur de référence) ou encore à la recherche de victime immergée. Désormais, en ajoutant le pistage et la RPAI, les CYNO diversifient leur panel de compétences opérationnelles.
Pouvez-vous nous en dire plus sur la RPAI ?
Lors d’un feu d’ampleur, lié à un feu d’entrepôt ou à un embrasement généralisé, les équipes de la permanence incendies et explosions du laboratoire central de la préfecture de police de Paris se rendent sur place. Ils cherchent à déterminer ce qui aurait pu conduire au déclenchement d’un incendie accidentel ou criminel. Imaginez ce type d’enquête dans un entrepôt de plusieurs milliers de m2. Les policiers doivent fouiller aléatoirement l’ensemble du bâtiment, un travail laborieux.
Avec nos chiens, capables de détecter rapidement des PAI, le gain de temps est énorme. Il suffit de prélever les échantillons sur la zone où le chien « marque » par grattage. Par la suite, ces traces sont envoyées au laboratoire afin de prélever le résultat des analyses et de confirmer la présence d’hydrocarbures. Nos chiens peuvent identifier six PAI : l’essence, le gasoil, le white-spirit, l’alcool à brûler, le dissolvant et le pétrole.
Combien de temps dure leur formation ?
La formation RPAI concerne uniquement des chiens déjà opérationnels dans les domaines de recherche de personnes. Comprise entre trois et six mois, la base de l’apprentissage est similaire à celle-ci, car tout se fait par le jeu. Ce jeu est par la suite transposé dans un environnement opérationnel. Contrairement aux recherches de personnes, les chiens interviennent en dehors d’une situation d’urgence : il n’y a personne à sauver et la recherche se déroule après la phase d’extinction. Néanmoins, la difficulté réside dans la quantité de « matière » que le chien doit trouver.
En effet, le chien ne doit plus retrouver des êtres humains, mais de toutes petites quantités de produits. On passe de la recherche d’un individu de 80 kg à celle de quelques gouttes seulement ! L’animal doit alors être réceptif à la moindre odeur. Cette adaptation traduit un changement de comportement chez les chiens. À l’entraînement comme sur intervention, nous avons constaté qu’ils sont devenus plus précis et plus minutieux dans leur recherche.
Que pouvez-vous dire au sujet du pistage ?
Le pistage, c’est, comme vous pouvez l’imaginer, un chien qui suit une piste à l’aide d’un objet ayant appartenu à la personne recherchée. Comme on peut le voir dans de multiples films et bandes dessinées. Pour employer des termes plus techniques : on effectue une remontée olfactive d’un tracé à partir d’un objet de référence et du dernier endroit où a été vue la victime.
Pour le pistage, le travail du chien s’avère aussi très exigeant. Comme pour la RPAI, nous utilisons des chiens déjà opérationnels en recherche de personnes. La formation piste dure entre six mois et un an, et nécessite beaucoup de travail et d’autocritique pour le chien et son conducteur.
Comment forme-t-on un chien au pistage ?
Comme pour un dressage classique, le pistage prend la forme d’un jeu pour stimuler le chien. On commence par déposer de la nourriture le long d’une piste olfactive en ligne droite sur de l’herbe. Au fur et à mesure, on retire la nourriture pour ne laisser que la piste olfactive : une personne qui marche tout simplement.
Puis la piste va prendre des angles et des directions différentes pour augmenter la difficulté. Enfin, l’herbe va laisser place au béton où les odeurs s’imprègnent beaucoup moins. La longueur de la piste et le délai d’intervention vont augmenter eux aussi. Un examen final vient clôturer la formation. Notre compagnon doit remonter une piste d’une ancienneté de deux heures, longue de deux kilomètres sur divers substrats.
Dans quels cas les chiens pisteurs pourraient être déployés ?
Dans le cas de victimes disparues et vulnérables, le pistage sera complémentaire de la technique de questage. Principalement pour les personnes n’ayant pas toutes leurs capacités physiques ou mentales. Pour illustrer, je pense à la population vieillissante, souffrant de la maladie d’Alzheimer.
Prenons un exemple et imaginons que les pompiers interviennent dans un appartement pour une tentative de suicide. Une fois sur place, l’individu s’avère introuvable, mais un équipier découvre un message d’adieu, un aveu de suicide. Dans ce cas, le chef d’agrès peut demander les équipes cynotechniques en renfort. Ceux-ci vont récupérer un objet ou un vêtement appartenant à la personne en détresse afin de remonter sa piste pour la retrouver.
Ces nouvelles compétences, notamment le RPAI, ne posent-elles pas un risque pour la santé des chiens ?
Ces chiens sont à la fois nos compagnons de travail et nos animaux de compagnie, leur bonne santé est primordiale ! Dans les zones accidentogènes, nous leur mettons toujours des bottines pour protéger leurs pattes. Après chaque engagement sur incendie, les chiens sont par ailleurs nettoyés et lavés.
En parallèle, lors des phases d’apprentissage RPAI, nous nous assurons qu’ils gardent un contact limité avec le produit et ne le lèchent pas.
Vos nouvelles compétences ont-elles déjà été mobilisées ?
Les chiens RPAI et piste sont opérationnels depuis la fin de l’année 2021. Ils interviennent respectivement dans leur domaine de compétences avec succès. Par exemple, en RPAI, sur l’incendie du 7 mars 2022 dans la ville de Stains.