Histoire — Le Bras élévateur articulé (BEA) est un engin bien connu des sapeurs-pompiers de Paris. En revanche, ses débuts à la Brigade le sont beaucoup moins… ALLO 18 vous propose de découvrir le BEA 2, dont l’histoire vous tend… les bras.
Le bras élévateur articulé n° 2 est un « monument » du patrimoine automobile de la Brigade. Non seulement pour ses dimensions, imposantes, mais aussi pour ses qualités, remarquables et innovatrices. Pour preuve, l’engin est précieusement conservé par la Section conservation du patrimoine, mémoire et traditions (SCPMT) du Cabinet du général (CAB). Certes, le véhicule porte le numéro deux, mais c’est un pionnier dans le domaine des moyens élévateurs des pompiers de Paris.
À bras ouverts. « Je me réjouis du choix du BEA n° 2 pour un article dans ALLO 18, s’enthousiasme André Horb, membre de l’Association des amis du musée des pompiers de Paris (AAMSPP) et auteur de l’ouvrage 30 ans de véhicules d’incendie en France, paru en 1977. D’ailleurs, il me semble l’avoir photographié dans les années 1970, pour mon livre… »
Exact, monsieur Horb ! Plus précisement, en 1973, date de mise en service des trois premiers BEA de la Brigade, dans les centres de secours Issy-les-Moulineaux, Clichy et Masséna. Ce dernier étant l’affectation du bras n° 2.
Le BEA, dans sa version années 1970, se décrit en plusieurs parties : le bras, aussi appelé élévateur télescopique, est construit par Comet, comme le podium, tandis que le châssis et son moteur sont signés MAN. L’ensemble est commercialisé par Saviem. « Comet est un constructeur belge d’équipements hydrauliques, souligne André Horb. MAN est un constructeur de véhicules allemand et Saviem, acronyme de société anonyme de véhicules industriels et d’entreprises mécaniques, est une société française. » Un accord signé en 1964 lie Saviem à MAN. « MAN fournit des moteurs à Saviem, tandis que Saviem fournit des cabines à MAN, poursuit André. Mais dans le cas de notre BEA n° 2, hormis le bras télescopique, tout a été construit par Man et vendu par Saviem ! » Pour l’anecdote, Saviem et Berliet fusionnent en 1978 pour former l’entreprise qui deviendra, en 2002, Renault Trucks.
Gros comme le bras. Les caractéristiques techniques du bras élévateur articulé : 19 tonnes, 230 chevaux. Hauteur de travail : 27 m. Trois essieux, six roues motrices, deux entrées d’eau, une lance monitor de 110 mm et 350 kg (données constructeur) de charge maximale pour la plateforme. Surtout, la possibilité de faire pivoter la tourelle — donc le bras — à 360°… En 1973 ! Déjà, il y a 50 ans, les grands principes du BEA séduisent les sapeurs-pompiers de Paris. L’engin est en effet capable de contribuer à l’extinction d’un incendie, comme de réaliser des sauvetages. Quelques temps après sa mise en service, l’efficacité de ce nouvel engin est d’ailleurs éprouvée en intervention…
Le 17 février 1978, le BEA n° 1 d’Issy-les-Moulineaux est sonné pour une explosion suivie de feu au n° 68 de la rue Raynouard, dans le quartier de Passy, au cœur du XVIe arrondissement de Paris. Les secours interviennent dans une intense odeur de gaz. Suivent deux autres explosions dans le quartier. Le bilan définitif de l’intervention est terrible : treize personnes décédées et soixante-deux blessés, dont vingt, grièvement. Trois sapeurs-pompiers du centre de secours Auteuil comptent parmi les blessés, dont un grièvement. Une rupture de canalisation de gaz est à l’origine de cette intervention majeure de la fin des années 1970. Dans le chaos, le bras élévateur articulé permet de sauver de nombreuses personnes et gagne alors sa réputation de gros bras.
Un engin qui a le bras long. Au moment du développement de la demande de bras télescopique par les sapeurs-pompiers, la société Comet est en position de force sur le marché international, grâce à ses innovations technologiques. Parmi les nouveautés proposées par le constructeur belge, dix sont particulièrement remarquables. D’abord, l’augmentation de la surface balayée sans déplacer l’engin, c’est-à-dire une grande souplesse de déplacement. Un faible encombrement, très utile à Paris. « Le gain d’encombrement est vraiment une des plus-values de ce bras élévateur, insiste André Horb. À Paris, les rues sont parfois très étroites ! » Une plus grande vitesse de travail, une stabilisation par des béquilles verticales et une portée allongée au niveau du sol facilitent le travail des sapeurs-pompiers. Ensuite, l’enjambement d’obstacles et la possibilité de travailler sous le niveau du sol. Une protection totale en position route et, enfin, une nacelle stable et mieux équipée, pouvant accueillir six personnes en toute sécurité.
À bout de bras. Les BEA de la génération 1970 restent en service à la BSPP jusqu’en 1992. Il faut attendre 2009 pour les voir réapparaître dans les centres de secours de la Brigade, toujours plus grands, toujours plus hauts, toujours plus puissants…
Plus récemment, en janvier 2022, le bras élévateur articulé n° 10, d’une hauteur de 42 m, a été mis en service à… Masséna, comme notre historique BEA n° 2, près de 50 ans plus tôt