#BrigadeInside — Pas facile en région parisienne de trouver un emplacement suffisamment vaste et tranquille pour créer une école militaire. Les forts offrent ces avantages et les commandants du Régiment et de la Brigade l’ont bien compris.
Le mois de septembre annonce, pour de nombreux parisiens, un retour dans la Capitale et surtout la rentrée. Contrairement aux enfants et aux étudiants qui franchissent les portes de leurs établissements scolaires à la fin de l’été, les futurs sapeurs-pompiers se recrutent tout au long de l’année. Franchissons avec eux les voûtes de ces bâtisses militaires.
Villeneuve-Saint-Georges. Lorsque le colonel Casso prend le commandement du Régiment en 1963, il aspire à moderniser l’Institution. Hormis l’adoption de nouveaux matériels, une refonte structurelle se profile à la fin de cette décennie. D’un gros régiment à six bataillons, les pompiers parisiens sont amenés à former une brigade à partir de 1968. Cette transformation entraîne la création de quatre nouvelles compagnies (13e, 14e, 15e et 16e) mais également l’acquisition de nouveaux casernements. Témoin d’une certaine disparité, il souhaite homogénéiser la formation en créant l’école du sapeur-pompier de Paris. Mise sur pied en 1966, la compagnie d’instruction s’installe dans un lieu où tout est à rénover. D’importants travaux sont menés. À la force des bras, on refait l’intérieur des bâtiments, on assainit les fossés, on pave les axes de circulation, on construit des sanitaires et une cuisine. Le chantier est considérable. Il s’agit de transformer un fort du camp retranché de Paris.
Cet édifice, voulu par le général Séré de Rivières, trône sur les hauteurs de Villeneuve-Saint-Georges. Construit entre 1876 et 1879, il assura la couverture défensive de la vallée de la Seine avec ses 34 pièces d’artillerie. Bien qu’il ne joue pas de rôle actif lors de la Première Guerre mondiale, l’armée allemande l’utilise en 1940 comme camp d’internement. Puis après l’armistice, il devient un dépôt de munitions jusqu’en 1965.
La Briche. Au nord de Paris, à Saint-Denis, une autre fortification du XIXe siècle abrite des soldats du feu. Le mardi 15 décembre 1970, le centre de secours positionné dans le centre-ville sur le boulevard Jules Guesde est transféré dans l’ancienne forteresse de la Briche. Là aussi, des travaux de réaménagement sont effectués par les ouvriers du Régiment. Le PC de la 9e compagnie découvre un lieu riche en histoire. Le bastion eut fort à faire lors des combats de 1870 contre l’armée prussienne. Armé de 77 bouches à feu (dont deux canons de marine) et occupé par le 18e bataillon de la garde mobile, il fut le point de départ de plusieurs assauts menés vers le nord comme lors de la bataille d’Épinay (30 novembre). Violemment pris pour cible par les obus ennemis, le fort est abandonné. Après la Commune (1871), il servit de prison militaire jusqu’en 1883. On peut également mentionner les combats de la Libération en août 1944 à Saint-Denis, où le lieutenant René Hahn (9e compagnie) perd la vie aux côtés des FFI en attaquant la garnison allemande.Dans cette période de changements pour la Brigade, on atteste d’un déficit en caporaux. Le fort de Villeneuve-Saint-Georges et ses infrastructures ne peuvent plus accueillir les nombreux pelotons. C’est ainsi que le 4 janvier 1971, le PEC (pelotons des élèves caporaux) élit domicile à la Briche. La densité et la proximité des installations ferroviaires et gaso-pétrolières apportent une plus-value à leur instruction. De plus, les cours d’hydraulique et d’extinction acquièrent un incomparable réalisme par la réalisation de nombreuses manœuvres en Seine et sur le vaste terrain d’entraînement qu’offre le site. C’est d’ailleurs dans cette enceinte que sera construite la « maison du feu » en 1976 où la plupart des caporaux feront leurs premières armes contre les feux d’habitation.
Limeil-Valenton. Il ne vous a pas échappé dans notre actualité que les deux précédents centres de formation ferment progressivement leurs portes au profit d’une nouvelle école, au carrefour de Limeil-Brévannes et Valenton dans… Une ancienne fortification ! Depuis 2023, les jeunes recrues et les stagiaires de différents niveaux (PEC-PECCH-FIO) intègrent ce nouveau complexe offrant le confort d’infrastructures adaptées. Mais avant de devenir « l’académie » du sapeur-pompier de Paris, le Centre de recherche du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) y logeait. Composée, dès juillet 1955, de savants techniciens sous la direction de Paul Chanson et André Chaudière, l’équipe se réapproprie un ouvrage militaire rattaché au même réseau défensif que le fort de Villeneuve-Saint-Georges.
La batterie de Limeil, construite entre 1874 et 1877, ne dissimule plus des canons mais des ingénieurs et leurs travaux secrets. Les bâtiments de la troupe sont transformés en bureau, les caponnières en laboratoires ; seule la voûte reste intacte. Cet organe du ministère de la Défense est notamment chargé d’étudier l’amorçage de la bombe H et l’emploi de rayonnements de grande énergie comme arme offensive (la détonique). Dans un contexte international marqué par la Guerre froide et régi par la course à l’arme atomique1, le site de Limeil rattaché à la Direction des études et fabrication d’armement (DEFA) est un maillon essentiel dans le programme de la force de dissuasion. Dès la fin des années 1960, de puissants ordinateurs analysent les résultats d’explosions thermonucléaires occasionnées par les supers lasers « Octal » (1977) et le plus énergique de son époque, le « Phébus2 » (1985). Cet énorme générateur de neutrons est installé dans un des casemates, appelé « chambre », où les scientifiques réalisent leurs expériences (peu) abritées par l’épaisseur des murs de pierre et quelques portes blindées.
Tandis que le démantèlement du site est acté en 1997, ce vaste espace de 12 hectares est laissé à l’abandon, squatté, puis acquis par la brigade de sapeurs-pompiers de Paris afin d’y implanter, dans un premier temps, sa base logistique puis sa nouvelle école.
1 : Après un essai réussi en 1960, la France est la quatrième nation à obtenir l’arme nucléaire.
2 : Vous aurez reconnu le nom du site regroupant les unités de soutien du GSS, le BSI et le BPIB.