Histoire — En avril 2019, lors du tragique incendie de Notre-Dame, la France entière s’est enthousiasmée devant le robot Colossus, moyen d’extinction moderne. Cependant, le commun des mortels ignore l’existence d’un robot dans les années 70 ! Cette décennie est marquée par les essais de matériels nouveaux, qui ont parfois fait des petits.
La LAT, ancêtre du Colossus
Face aux incendies de grande ampleur, les sapeurs-pompiers de Paris n’ont pas toujours disposé de moyens d’attaque capables d’approcher au plus près le foyer tout en n’engageant pas la sécurité des hommes. Par exemple, lors de l’incendie des entrepôts pétroliers de Saint-Denis en 1968, les équipes ont dû « battre en retraite » à plusieurs reprises sous l’effet écrasant du rayonnement des flammes.
Sur l’initiative du colonel Géry, la société PONS est sollicitée afin d’élaborer une lance grande-puissance sur un petit châssis motorisé et pilotable à distance. C’est ainsi que, le 8 mai 1970, est présenté à la presse un étrange matériel dans la cour de l’état-major de Champerret : la lance auto-téléguidée (LAT). C’est une lance-canon monitor montée sur un train tricycle. Pourtant, l’engin n’est pas assez mobile et le balayage de la lance restreint.
Après coup, le cahier des charges d’un nouveau robot est rédigé par le chef de bataillon Many. Le produit est développé par la société SPARFEU. La LAT n°2 est présentée le 29 septembre 1971 au salon Europrotection. Cette fois-ci, la lance monitor est montée sur un chariot à quatre roues motrices.
Pesant pas moins de 500 kg, cette lance alimentée par deux tuyaux de 110mm, possède une portée de 80m. L’engin est également doté d’un système d’auto-refroidissement permettant sa protection. Il peut être manœuvré par une commande électrique jusqu’à une centaine de mètres.
Mise en service au centre de secours Levallois le 19 septembre 1972, La LAT n°2 est demandée pour chaque « feu très intense ou très étendu dont l’approche sera interdite par la chaleur, les risques d’explosion, l’émanation de gaz toxiques ou les risques d’effondrement. »
Elle est transportée par un véhicule spécial, immatriculé SP 49, un porteur d’échelle châssis SIPREL. Ainsi, l’échelle Hotchkiss n°54 est remplacée par ce porteur, et le personnel est formé pour manœuvrer cet engin révolutionnaire.
La LAT n°2 offre de nombreux avantages : sécurité du personnel, grande maniabilité, mise en œuvre simple et rapide, stabilité, intervention par tout terrain, entretien minimum. Cependant, ne possédant aucune caméra embarquée, elle doit être impérativement guidée à vue, ce qui limitera son utilisation.
Vous souvenez-vous ? Elle a été exposée en mars 2017 lors de l’exposition à l’Hôtel de Ville !
Si Colossus existe aujourd’hui, c’est parce que la LAT a été conservée dans les collections du musée de la BSPP. La section conservation du patrimoine, mémoire et traditions (CPMT) de la BSPP ayant le rôle de préserver, d’entretenir et de valoriser notre patrimoine « pompiers de Paris », a été en mesure de répondre à la demande du commandement en lui fournissant une documentation inédite qui a permis de concevoir le robot d’aujourd’hui !
Les CLIPS avant les MIR
Depuis deux siècles, les soldats du feu luttent contre le temps. Leur efficacité opérationnelle repose sur la rapidité d’intervention. La ville de Paris ne cesse de se développer mais reste confinée dans ses frontières de 1860, délimitées par l’enceinte de Thiers. Avant l’inauguration du périph’ en 1973, les rues de la capitale sont surchargées ; les véhicules de secours sont ainsi fortement ralentis.
La Brigade développe, en s’inspirant des expériences réalisées au bataillon des marins-pompiers de Marseille, le concept des commandos légers d’intervention et de premiers-secours (CLIPS). C’est-à-dire : utiliser des motos pour contrer les effets de la circulation fortement encombrée. Le CLIPS est créé le 26 novembre 1970.
L’état-major décide alors « de mettre en expérimentation un ensemble de moyens d’intervention qui, grâce à sa maniabilité et à son faible encombrement, échapperait aux aléas de la circulation auxquels les engins classiques demeurent relativement soumis. »
Le commando est formé par deux binômes. Une équipe « d’attaque » (SPM 141) composée d’un sergent et d’un sapeur ; et une équipe « d’alimentation » (SPM 140) composée d’un caporal et d’un sapeur. Chaque moto est équipée de sacoches contenant le matériel de premiers-secours et des extincteurs. Le commando intervient aussi bien pour feu que pour sauvetage à personne.
Les premières équipes sont affectées à la caserne Rousseau, au cœur de Paris. L’expérience dure trois mois. Le 11 décembre 1970, une démonstration télévisée est enregistrée. Un feu est allumé dans un immeuble en construction boulevard Saint-Martin (XXe), au nord du quartier des Halles.
C’est une réussite sans être une surprise : le commando motorisé est arrivé six minutes avant le PS. N’oublions pas que le CLIPS n’est qu’un élément précurseur du départ normal, il devance le premiers-secours et, une fois arrivé sur les lieux, la priorité est donnée au(x) sauvetage(s). Dès l’arrivée du PS, le commando est désengagé et retourne à la caserne.
Le 27 mai 1971, une deuxième génération est mise en service à la 9e compagnie (Montmartre).
Mais des changements interviennent : les motos tractent des remorques, dévidoir tournant et lance de 45 mm pour l’équipe « d’attaque » (SPM 153), et des tuyaux pour l’équipe « d’alimentation » (SPM 153). L’emploi du CLIPS est limité aux heures de pointe (11h-14h /17h-20h) et situations exceptionnelles comme les manifestations.
Quoi qu’il en soit, l’aventure sur deux-roues prend fin en 1973. De nombreux problèmes sont mis en évidence. La surcharge (195 kg) rend la moto peu maniable et dangereuse. Un premier accident corporel se produit d’ailleurs le 5 janvier 1971, deux militaires du corps sont blessés.
Depuis 2011, la moto est de nouveau présente dans la chaîne de secours : les motos d’intervention rapide (MIR) sont employées comme primo-intervenants sur des incidents naissants lors de grands rassemblements publics.
Du VLIS de 71 à la Soupirette de 93…
Pour assurer la sécurité des visiteurs sur des lieux d’exposition, les pompiers de Paris conçoivent une « petite voiture pompier » : le véhicule léger d’intervention et de secours (VLIS). C’est en 1971 que ce premier véhicule est réalisé sur la base d’une Renault Toundra (n°31). Puis la Brigade perçoit deux Renault Rodéo (n°58 et 59) en 1974.
Par la suite, en 1993, le musée du Louvre offre un VLIS à propulsion électrique, surnommé « la soupirette », au détachement des pompiers de Paris.
Les premiers sur le véhicule électrique
Les sapeurs-pompiers de Paris, à travers les nombreuses innovations menées, ont toujours cherché la prééminence technologique. Alors, quand la traction hippomobile est abandonnée pour la traction mécanique, pendant une courte période (1899 – 1907), les véhicules du Régiment roulent… à l’électricité. Aujourd’hui se pose la question de renouveler le parc de la BSPP avec des camions électriques ; sauf que le corps de sapeurs-pompiers de Paris l’a déjà fait il y a un siècle !
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