HISTOIRE — Les audacieuses innovations des pompiers de Paris

LAT n°2, premiere lance-robot de la BSPP

Histoire — En avril 2019, lors du tragique incendie de Notre-Dame, la France entière s’est enthousiasmée devant le robot Colossus, moyen d’extinction moderne. Cependant, le commun des mortels ignore l’existence d’un robot dans les années 70 ! Cette décennie est marquée par les essais de matériels nouveaux, qui ont parfois fait des petits.

Damien Gre­nèche —  — Modi­fiée le 25 juillet 2024 à 08 h 29 

La LAT, ancêtre du Colossus

Face aux incen­dies de grande ampleur, les sapeurs-pom­piers de Paris n’ont pas tou­jours dis­po­sé de moyens d’attaque capables d’approcher au plus près le foyer tout en n’engageant pas la sécu­ri­té des hommes. Par exemple, lors de l’incendie des entre­pôts pétro­liers de Saint-Denis en 1968, les équipes ont dû « battre en retraite » à plu­sieurs reprises sous l’effet écra­sant du rayon­ne­ment des flammes.

Sur l’initiative du colo­nel Géry, la socié­té PONS est sol­li­ci­tée afin d’élaborer une lance grande-puis­sance sur un petit châs­sis moto­ri­sé et pilo­table à dis­tance. C’est ain­si que, le 8 mai 1970, est pré­sen­té à la presse un étrange maté­riel dans la cour de l’état-major de Cham­per­ret : la lance auto-télé­gui­dée (LAT). C’est une lance-canon moni­tor mon­tée sur un train tri­cycle. Pour­tant, l’engin n’est pas assez mobile et le balayage de la lance restreint.

Après coup, le cahier des charges d’un nou­veau robot est rédi­gé par le chef de bataillon Many. Le pro­duit est déve­lop­pé par la socié­té SPARFEU. La LAT n°2 est pré­sen­tée le 29 sep­tembre 1971 au salon Euro­pro­tec­tion. Cette fois-ci, la lance moni­tor est mon­tée sur un cha­riot à quatre roues motrices.

Pesant pas moins de 500 kg, cette lance ali­men­tée par deux tuyaux de 110mm, pos­sède une por­tée de 80m. L’engin est éga­le­ment doté d’un sys­tème d’auto-refroidissement per­met­tant sa pro­tec­tion. Il peut être manœu­vré par une com­mande élec­trique jusqu’à une cen­taine de mètres.

Mise en ser­vice au centre de secours Leval­lois le 19 sep­tembre 1972, La LAT n°2 est deman­dée pour chaque « feu très intense ou très éten­du dont l’approche sera inter­dite par la cha­leur, les risques d’explosion, l’émanation de gaz toxiques ou les risques d’effondrement. »

Elle est trans­por­tée par un véhi­cule spé­cial, imma­tri­cu­lé SP 49, un por­teur d’échelle châs­sis SIPREL. Ain­si, l’échelle Hot­ch­kiss n°54 est rem­pla­cée par ce por­teur, et le per­son­nel est for­mé pour manœu­vrer cet engin révolutionnaire.

La LAT n°2 offre de nom­breux avan­tages : sécu­ri­té du per­son­nel, grande mania­bi­li­té, mise en œuvre simple et rapide, sta­bi­li­té, inter­ven­tion par tout ter­rain, entre­tien mini­mum. Cepen­dant, ne pos­sé­dant aucune camé­ra embar­quée, elle doit être impé­ra­ti­ve­ment gui­dée à vue, ce qui limi­te­ra son utilisation.

Vous sou­ve­nez-vous ? Elle a été expo­sée en mars 2017 lors de l’exposition à l’Hôtel de Ville !

Si Colos­sus existe aujourd’hui, c’est parce que la LAT a été conser­vée dans les col­lec­tions du musée de la BSPP. La sec­tion conser­va­tion du patri­moine, mémoire et tra­di­tions (CPMT) de la BSPP ayant le rôle de pré­ser­ver, d’entretenir et de valo­ri­ser notre patri­moine « pom­piers de Paris », a été en mesure de répondre à la demande du com­man­de­ment en lui four­nis­sant une docu­men­ta­tion inédite qui a per­mis de conce­voir le robot d’aujourd’hui !

La LAT n°2 sort de sa remise pour un exercice.
Véhi­cule por­teur de la LAT

Les CLIPS avant les MIR

Depuis deux siècles, les sol­dats du feu luttent contre le temps. Leur effi­ca­ci­té opé­ra­tion­nelle repose sur la rapi­di­té d’intervention. La ville de Paris ne cesse de se déve­lop­per mais reste confi­née dans ses fron­tières de 1860, déli­mi­tées par l’enceinte de Thiers. Avant l’inauguration du périph’ en 1973, les rues de la capi­tale sont sur­char­gées ; les véhi­cules de secours sont ain­si for­te­ment ralentis.

La Bri­gade déve­loppe, en s’inspirant des expé­riences réa­li­sées au bataillon des marins-pom­piers de Mar­seille, le concept des com­man­dos légers d’intervention et de pre­miers-secours (CLIPS). C’est-à-dire : uti­li­ser des motos pour contrer les effets de la cir­cu­la­tion for­te­ment encom­brée. Le CLIPS est créé le 26 novembre 1970.

L’état-major décide alors « de mettre en expé­ri­men­ta­tion un ensemble de moyens d’intervention qui, grâce à sa mania­bi­li­té et à son faible encom­bre­ment, échap­pe­rait aux aléas de la cir­cu­la­tion aux­quels les engins clas­siques demeurent rela­ti­ve­ment sou­mis. »

Le com­man­do est for­mé par deux binômes. Une équipe « d’attaque » (SPM 141) com­po­sée d’un ser­gent et d’un sapeur ; et une équipe « d’alimentation » (SPM 140) com­po­sée d’un capo­ral et d’un sapeur. Chaque moto est équi­pée de sacoches conte­nant le maté­riel de pre­miers-secours et des extinc­teurs. Le com­man­do inter­vient aus­si bien pour feu que pour sau­ve­tage à personne.

Les pre­mières équipes sont affec­tées à la caserne Rous­seau, au cœur de Paris. L’expérience dure trois mois. Le 11 décembre 1970, une démons­tra­tion télé­vi­sée est enre­gis­trée. Un feu est allu­mé dans un immeuble en construc­tion bou­le­vard Saint-Mar­tin (XXe), au nord du quar­tier des Halles.

C’est une réus­site sans être une sur­prise : le com­man­do moto­ri­sé est arri­vé six minutes avant le PS. N’oublions pas que le CLIPS n’est qu’un élé­ment pré­cur­seur du départ nor­mal, il devance le pre­miers-secours et, une fois arri­vé sur les lieux, la prio­ri­té est don­née au(x) sauvetage(s). Dès l’arrivée du PS, le com­man­do est désen­ga­gé et retourne à la caserne.

Le 27 mai 1971, une deuxième géné­ra­tion est mise en ser­vice à la 9e com­pa­gnie (Mont­martre).

Mais des chan­ge­ments inter­viennent : les motos tractent des remorques, dévi­doir tour­nant et lance de 45 mm pour l’équipe « d’attaque » (SPM 153), et des tuyaux pour l’équipe « d’alimentation » (SPM 153). L’emploi du CLIPS est limi­té aux heures de pointe (11h-14h /​17h-20h) et situa­tions excep­tion­nelles comme les manifestations.

Quoi qu’il en soit, l’aventure sur deux-roues prend fin en 1973. De nom­breux pro­blèmes sont mis en évi­dence. La sur­charge (195 kg) rend la moto peu maniable et dan­ge­reuse. Un pre­mier acci­dent cor­po­rel se pro­duit d’ailleurs le 5 jan­vier 1971, deux mili­taires du corps sont blessés.

Depuis 2011, la moto est de nou­veau pré­sente dans la chaîne de secours : les motos d’intervention rapide (MIR) sont employées comme pri­mo-inter­ve­nants sur des inci­dents nais­sants lors de grands ras­sem­ble­ments publics.

Les CLIPS arrivent sur les lieux de l’intervention.
Déta­che­ment de CLIPS prêt à décaler

Du VLIS de 71 à la Soupirette de 93…

Pour assu­rer la sécu­ri­té des visi­teurs sur des lieux d’exposition, les pom­piers de Paris conçoivent une « petite voi­ture pom­pier » : le véhi­cule léger d’intervention et de secours (VLIS). C’est en 1971 que ce pre­mier véhi­cule est réa­li­sé sur la base d’une Renault Toun­dra (n°31). Puis la Bri­gade per­çoit deux Renault Rodéo (n°58 et 59) en 1974.

Par la suite, en 1993, le musée du Louvre offre un VLIS à pro­pul­sion élec­trique, sur­nom­mé « la sou­pi­rette », au déta­che­ment des pom­piers de Paris.

Les premiers sur le véhicule électrique

Les sapeurs-pom­piers de Paris, à tra­vers les nom­breuses inno­va­tions menées, ont tou­jours cher­ché la pré­émi­nence tech­no­lo­gique. Alors, quand la trac­tion hip­po­mo­bile est aban­don­née pour la trac­tion méca­nique, pen­dant une courte période (1899 – 1907), les véhi­cules du Régi­ment roulent… à l’électricité. Aujourd’hui se pose la ques­tion de renou­ve­ler le parc de la BSPP avec des camions élec­triques ; sauf que le corps de sapeurs-pom­piers de Paris l’a déjà fait il y a un siècle !

En 1898, les pom­piers de Paris innovent et uti­lisent des véhi­cules de secours électriques.

A lire aussi…

HISTOIRE – Il y a un an, Notre-Dame de Paris…

RETEX – Mars 58, l’incroyable entraî­ne­ment des pom­piers de Paris…

WEB-SERIE : L’aventure des engins à la BSPP (épi­sode 1)

WEB-SERIE : L’aventure des engins à la BSPP (épi­sode 2)

WEB-SERIE : L’aventure des engins à la BSPP (épi­sode 3)

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