Grands formats — Ouverture du pôle patrimoine de Saint-Ouen, gestion du parc technologique, restauration des collections, on imagine mal le travail important de la section conservation du patrimoine, mémoire et traditions (SCPMT). Partons donc à la découverte de ces passionnés qui perpétuent l’image de la Brigade à travers les années.
L’OUVERTURE DU PÔLE PATRIMOINE
Parmi les bonnes nouvelles de 2021, l’ouverture du pôle patrimoine à Saint-Ouen, si les conditions sanitaires le permettent, réjouira tous les passionnés d’histoire des sapeurs-pompiers de Paris. Mais la mise en œuvre est complexe. Explications.
Après plusieurs années de réflexions, d’études, de concertations et de travaux, le pôle patrimoine de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris ouvrira ses portes en 2021. Basé à Saint-Ouen, il jouxte le centre de secours sous le grand hall du bâtiment principal.
À travers des collections multiformes dont il assure la protection, la documentation et le rayonnement, le pôle patrimoine a plusieurs objectifs : celui d’expliquer l’originalité du statut de la Brigade en mettant en relief son rapport avec les institutions et la population parisienne et francilienne ; d’éduquer la population aux valeurs des sapeurs-pompiers de Paris (courage, dévouement, altruisme, générosité, abnégation, discipline, rigueur…) ; de sensibiliser et de familiariser les enfants et les adolescents aux questions de sécurité ; enfin celui de favoriser les relations intergénérationnelles – en interne – ainsi que celles avec le public extérieur afin de rendre la culture et le patrimoine des sapeurs-pompiers de Paris utiles au présent et pour l’avenir.
Il pourra accueillir tant le personnel du Corps que le public extérieur pour leur proposer de découvrir de riches collections réparties sur une superficie de 1 350 m², espaces d’expositions permanentes et temporaires confondus. Ce seront ainsi plus de deux siècles d’histoire originale des pompiers de Paris qui seront valorisés, une histoire qui accompagne la plupart des étapes importantes de la vie de la capitale et l’essentiel des soubresauts politiques de la France.Dans le grand hall d’exposition, sur une dalle d’une surface de 1 066 m², sera présentée une vingtaine d’engins, véhicules emblématiques et matériels de lutte contre l’incendie dont certains ont été exposés à la caserne Masséna jusqu’en 2010. L’objectif sera de montrer en quoi le corps des sapeurs-pompiers de Paris a toujours été et reste un « leader » en matière d’innovation technologique.
La collection de véhicules de tous types et de toutes époques étant conséquente et amenée à s’enrichir à l’avenir, la section conservation du patrimoine, mémoire et tradition (SCPMT), conduite par le capitaine Émmanuel Ranvoisy, a dû se résoudre à faire des choix en mettant en regard les caractéristiques techniques, historiques et patrimoniales de chaque véhicule avec le projet muséal de Saint-Ouen (voir vidéo ci-dessous). « Depuis 2014, nous avons mené une analyse méthodique et minutieuse de cette collection technique tout en bénéficiant de l’expertise et des conseils avisés d’un spécialiste, M. André Horb, ingénieur et auteur de nombreux ouvrages sur les engins de pompiers » commente le capitaine Ranvoisy. « Ce travail est le fruit de l’alliance de la raison et de la rationalité face à deux grandes problématiques. D’une part, nous devons gérer l’espace qui nous est alloué à Saint-Ouen en tenant compte de la diminution drastique des capacités de stationnement et de stockage disponibles pour les véhicules et le petit matériel non exposés, et d’autre part, il nous faut considérer le coût de maintenance du parc. »
Dans cette optique, une opération de cession à titre gratuit de véhicules a été lancée en mai pour se clore en juillet 2020. Si cette campagne a suscité de l’émotion, le conservateur nous rappelle que l’intérêt patrimonial prime et que « tous les engins ne sont pas égaux devant l’histoire ».
Les membres de la commission fédérale histoire, musées et musique de la FNSPF en ont été informés en première instance et ce ne sont pas moins de dix-sept associations ou musées qui se sont portés acquéreurs des véhicules cédés. Pour formaliser ce transfert de propriété, des conventions de cession ont été établies avec le BAJCP.
Enfin, « huit véhicules de marques Delahaye, Renault et Berliet ont été distingués pour constituer l’offre d’une future vente aux enchères. Les fonds récoltés serviront à entretenir le reste de la collection gérée par la section », précise le capitaine Ranvoisy.
Mission de la section, transfert du parc technologique, notion de collection, campagne de cession et vente aux enchères, le capitaine Emmanuel Ranvoisy nous relate l’actualité de la section conservation du patrimoine, mémoire et traditions (SCPMT).
LES MISSIONS DE LA SCPMT
Pour le capitaine Emmanuel Ranvoisy, responsable de la SCPMT : « il est essentiel de se souvenir du passé, tout en avançant grâce à l’innovation. Les missions de la section, qui œuvre au développement et à la démocratisation du patrimoine culturel et historique des sapeurs-pompiers de Paris, portent sur les points suivants : la conservation, la gestion, l’enrichissement et enfin le rayonnement des collections ».
Première mission : assurer la conservation préventive et la gestion administrative des collections patrimoniales. Il est capital en effet d’assurer la pérennité des collections constituées d’une grande diversité d’objets, d’œuvres ainsi que d’un fonds d’archives (papiers et photographiques). À ce titre, des actions (traitement, restauration, contrôle du climat, conditions d’exposition, de transport, de stockage…) sont mises en œuvre pour prévenir et limiter leurs dégradations.
Seconde mission : conduire et suivre la politique d’enrichissement des collections par l’acquisition raisonnée de dons, de cessions, d’achats voire de legs.
Enfin, la troisième mission du musée, aussi évidente que majeure : contribuer au rayonnement du patrimoine culturel et historique au travers d’expositions permanentes et temporaires. La scénographie tiendra ici un rôle essentiel. À Saint-Ouen, le parcours de visite, à la fois clair, dépouillé, didactique et pédagogique, sera construit sur une base chrono-thématique. À cette mission s’ajoute le fait qu’il faut promouvoir et faciliter la connaissance de l’histoire du Corps en offrant, à terme, la possibilité tant au personnel de la Brigade qu’au public extérieur (chercheurs, universitaires….) de consulter les archives.
UNE STAR RENAÎT
Ce véhicule construit en un seul exemplaire par Laffly, pour les pompiers de Paris en 1938, a été la vedette de l’émission Vintage Mecanic, diffusée sur la chaîne RMC Découverte en octobre dernier. ALLO DIX-HUIT vous raconte la restauration de cet engin, partie intégrante des collections du musée de la Brigade.
Exposé depuis 1984 dans les sous-sols de Masséna, le camion-grue prend en 2012, au moment du déménagement du parc technologique vers les réserves temporaires de Montlhéry, la direction du CS Plessis-Clamart. Puis, en septembre 2014, c’est au tour du CS Ivry, nouvellement construit, d’accueillir ce monument dans ses remises. En mai 2018, il est transféré aux services techniques de Voluceau afin d’être remis en état.
D’emblée apparaît une grosse difficulté : il faut remplacer un demi arbre de roue. La fabrication sur-mesure sera inévitable, puisqu’aucune pièce de ce type n’existe aujourd’hui.
Lors de l’édition 2020 de Rétromobile à Paris, évènement national dans le monde des « vieilles voitures », la section patrimoine et l’Atelier des Chevrons, restaurateurs automobiles à Limeil-Brevannes (94), se rencontrent sur le stand Vintage Mecanic tenu par François Allain. Une passion commune anime tout ce joli monde : la valorisation du patrimoine automobile.
Suite à cette première rencontre, une visite des réserves du musée de la Brigade est organisée, et les restaurateurs sont rapidement conquis par le projet. Jehef et Gab, séduits par le travail fait en interne sur la restauration d’un premier-secours mousse Citroën C350, proposent de prendre contact avec Vintage Mecanic pour une restauration.
Dès lors, une sélection de plusieurs engins est rapidement établie. Lorsque l’émission annonce que sa saison 6 portera sur les véhicules XXL, l’évidence désigne le CG1 !
Voilà un beau challenge qui plaît à nos deux garagistes-restaurateurs.
À partir du mois de juillet commence la phase dite « scientifique ». Il est nécessaire pour l’émission de constituer un dossier spécifique : documentation technique et iconographie. Ce document permettra d’ailleurs de conserver dans les archives BSPP tous les détails de cet engin. André Horb, spécialiste national sur l’histoire des véhicules d’incendie en Europe, sera un consultant incontournable. À la fin de l’été, le dossier est déposé, et dans les premières pages on y retrouve le cahier des charges rédigé en 1938, découvert par hasard dans un don d’objets d’un ancien cadre des services techniques.
Entre-temps, à la mi-juillet, a lieu le premier jour de tournage avec l’épisode dit « du container ». Instant mémorable où s’impose le gabarit impressionnant du camion-grue : 7 m de long, 2,60 m de large, 3 m de haut et 8,5 tonnes ! Autrement dit : il ne rentre pas dans le container où normalement se trouve le véhicule à restaurer.
Face à deux autres garages, l’Atelier des Chevrons remporte le marché qui va leur permettre d’attaquer la bête. Trois grosses missions : redémarrer le moteur, redonner au camion son aspect extérieur d’origine et se pencher sur la partie équipement (la grue).
Mi-septembre, le moteur est réparé, le camion redémarre. Le système hydraulique de la grue est en revanche toujours hors service : il fuit. Il faut changer les joints d’un des deux vérins principaux… La question se pose : comment trouver des joints en cuir de cette époque ?
Autre problème : le cabestan ne fonctionne pas. Et pour le réparer, il faut accéder à des mécanismes placés sous le monstre. Il faut alors trouver une solution pour soulever 8,5 tonnes sans fosse, ni pont.
Pour finir, l’ensemble du circuit d’éclairage est remis à neuf (phare de travail inclus).
Avant la fin du chantier, les sept pneus sont changés. C’est une tâche de plusieurs heures par unité ! Il faut un spécialiste chevronné pour cette manœuvre. Le risque est important car le cerclage peut exploser à tout moment.
François Allain demande alors l’appui logistique de la Brigade et c’est la réactivité des sapeurs-pompiers de Paris qui va sauver la situation. Les spécialistes du groupement de soutien et secours (GSS) sont engagés. La compagnie de maintenance envoie des spécialistes, notamment ceux de l’atelier échelle. Des colonnes de levages sont prêtées. Pour changer les joints, il faut soulever la grue avec des moyens lourds. Seule la compagnie des soutiens communs (CSC) peut offrir une solution avec le camion benne n°8 et sa puissante grue.
Avec beaucoup de perspicacité, les joints de cuir sont trouvés en région lyonnaise, dans une entreprise viticole spécialisée dans la fabrication traditionnelle de joints de pressoirs. Une fois les joints remplacés et lubrifiés à l’huile de pied de bœuf, la chaîne cinématique du cabestan est réparée. Les restaurateurs peuvent s’attaquer au reste du chantier : l’apparence extérieure.
Toute la carrosserie de l’avant train (ailes, calandre, capot) est à restaurer. Des retouches sont apportées sur les flancs, les plaques en grain d’orges situées à l’arrière du camion, remplacées, et tous les insignes Laffly ainsi que les inscriptions manquantes et/ou détériorées re-fabriquées à l’identique.
Afin de valider cette restauration, François Allain de Vintage Mecanic propose de tester la grue en condition réelle : le CG1 doit soulever une Jeep Willis. C’est un succès.
Le temps passe vite. 1er octobre, le monument quitte l’Atelier des Chevrons sur sa plate-forme. Direction Paris et l’état-major de la BSPP.
Direction état-major
Les restaurateurs au volant du camion-grue franchissent la voûte aux côtés de François Allain : comme en 1939, lorsque ce dernier est livré au Régiment et présenté au commandement.
L’équipe s’arrête au milieu de la cour. Ils sont accueillis par le lieutenant-colonel Olivier d’Astorg, chef de corps du GSS, le caporal-chef Etienne Jacquelin et un détachement de sapeurs-pompiers. Ému, Jehef remet les clés au lieutenant-colonel, tout en rappelant son passé à la Brigade *.
Ce magnifique projet de valorisation du patrimoine des pompiers de Paris prend fin. Depuis, le camion grue n°1 a réintégré les réserves du musée, en attendant son exposition sur la dalle de Saint-Ouen.
* Incorporé en mars 1987, il intègre le centre de secours de Villeneuve-Saint-Georges, avant de rejoindre le service général à Masséna où il découvre le musée technologique ! C’est après 15 ans de bottes qu’il quitte la Brigade en septembre 2001.
L’Association des Amis du Musée des Sapeurs-pompiers de Paris
Depuis 2011, l’AAMSPP apporte son concours à l’accomplissement des missions du musée, notamment sur le plan des collections (enrichissement et restaurations). Dans ce but, l’association recherche et collecte des financements (subventions et mécénat). L’adhésion est ouverte à tous : personnels d’active, retraités et civils extérieurs à la Brigade, passionnés par l’histoire et le patrimoine de celle-ci.