Web-série — Du point de vue de la sécurité, on pourrait parier qu’un colonel des pompiers est à l’abri des incendies, des accidents et d’autres péripéties du genre. Et pourtant…
« Pas grave le moins du monde, mais curieux… » (L’univers, 4 janvier 1896). Le 2 janvier 1896, après une série de vols chez des commissaires de police, ce sont les pompiers qui, à leur tour, défraient la chronique. Un incendie se déclare, tôt le matin, dans le salon du colonel Varigault, commandant le Régiment. Aussitôt, Hommes de garde, plantons, officiers, tout l’état-major accoure dans ses appartements. On imagine à quel point cette manœuvre est exercée, non sans pression et sous l’œil inquisiteur du colonel en personne. Nul doute qu’ensuite, la cheminée a été ramonée plus que fréquemment !
Autre colonel, autre catastrophe. Le 5 mai 1922, le colonel Pouderoux, commandant en second du Régiment est renversé par un taxi-auto en traversant la chaussée en direction de la place Saint-Michel. Les nombreux passants, stupéfaits, ramènent le pauvre colonel à son état-major situé à l’époque à quelques pas, boulevard du Palais.
Ça fait tâche…
Malheureusement, devenu commandant en chef, il n’est pas au bout de ses tracas. Le 1er juin 1932, le sergent Haustrate, comptable de la 6e compagnie, sort de l’état-major avec les 45 000 francs de la solde de son unité sous le bras. Jusqu’ici on ne soupçonne rien, l’opération est banale et routinière. Il prend, comme à son habitude, le métro. Assit en première classe, le trajet se déroule sans incident jusqu’au moment où un homme le prévient avec beaucoup de bienveillance que sa veste a été souillée par un immondice. Aussitôt, le sergent pose sa sacoche sur le banc face à lui, déboucle son ceinturon, et retire sa vareuse pour la nettoyer. Une fois sa tache effectuée et la tâche ôtée, il récupère sa serviette. Soudain suspicieux et toujours scrupuleux, il vérifie le contenu pour se rassurer. Stupeur ! Ce n’est plus la sienne. Celle qu’il a dans les mains ne contient que des papiers d’emballages, un journal italien et une brosse à dent (!?). Le temps de reprendre ses esprits, il lève la tête et aperçoit l’homme quittant tranquillement le quai de la station St-François Xavier. Il bondit pour se lancer à sa poursuite, mais les portes de la rame de métro se referment sous son nez ; il est trop tard. On imagine l’état du pauvre sergent Haustrate allant porter plainte en s’étant fait dépouillé d’une telle somme. C’est certainement en évaluant la punition qui lui pend au nez car sa serviette contenait également le cahier d’ordinaire, le registre des services de théâtre et des feuilles d’émargements. « Un filou particulièrement audacieux a réussi à subtiliser dans le métro une somme très importante au sergent comptable », écrit Le populaire, (3 juin 1932). Tellement, invraisemblable que ce vol fit le tour du pays. L’histoire ne dit pas qu’elle fût la sanction infligée par le colonel.
Anguille sous roche Après la fuite du voleur, une autre échappée aussi insaisissable… Le 3 décembre 1904, on raconte que tout Paris rit du malheur de ses pompiers. Un groupe de sapeurs de la caserne Blanche en pleine tournée de bouches s’affairent à l’angle de la rue de Provence et rue de la Chaussée d’Antin. Ces derniers éprouvent quelques difficultés à ouvrir la bouche incendie placée à cette intersection. Après plusieurs essais infructueux, le caporal réussit à débloquer le conduit. « Un violent jet d’eau s’élança a près de deux mètres de haut et laissa choir sur l’asphalte une superbe anguille », relate La Libre parole (le 3 décembre 1904). En moins de cinq minutes, la foule s’amasse et tente de saisir le poisson. Des ouvriers remportent le trophée et l’emmenèrent chez la cuisinière du restaurant voisin qui leur confectionna une délicieuse matelote à la sauce tartare. De quoi leur mettre… l’eau à la bouche !