Web-série — La langue française est prompte à créer de nouvelles expressions. Parfois, les pompiers en sont le sujet. La lune aussi, mais l’association des deux locutions n’est pas toujours flatteuse…
Le 25 mai 1887, le ciel de Paris rougit, l’Opéra-Comique brûle. Il est 21 heures, le feu éclate dans les coulisses de la salle Favart. Tout le beau Paris est présent. Le spectacle se conclut par un dernier tableau explosif et macabre. Un acte non prévu par l’auteur. Les spectateurs affolés courent dans tous les sens en hurlant. Ceux qui n’ont pas réussi à trouver la sortie se réfugient sur les toits, les balcons, et autres corniches pour tenter d’échapper aux flammes et aux fumées. Ce soir-là, le Régiment fait honneur à ses valeurs et au courage de ses hommes, indéniables depuis… des lunes, en sauvant plus de 200 personnes. Et pourtant, cette catastrophe porte atteinte à la réputation professionnelle du corps. Il y a de quoi tomber… de la lune !
Convoqué, par le conseil municipal de la ville de Paris, le 7 juin, le colonel Couston avoue devant un parterre d’élus accusateurs et en quête de réponses : « j’étais pompier comme la lune » parodiant une expression populaire de l’époque “Con comme la lune…”. Médusés par cette déclaration, tantôt jugée maladroite, tantôt pleine de bonhomie militaire, les médias de l’époque ne parlent que de cela.
Derrière cette phrase se cache une vérité. Elle attaque le pompier-technicien et non le pompier-soldat. L’expérience, ou plutôt l’inexpérience des hommes est remise en cause. On ne peut reprocher le courage et la témérité des soldats du Régiment si populaires, tant admirés par la population parisienne. Malheureusement, ces qualités sont jugées insuffisantes par les élus et les journalistes. Seule une longue pratique peut offrir de quoi ne pas être… dans la lune : la connaissance exacte du danger et les moyens efficaces pour les combattre. C’est exactement ce qui fait défaut chez les sapeurs-pompiers de Paris.
Cela concerne aussi bien les jeunes recrues astreintes au service militaire pendant trois années ; que les officiers arrivant et repartant aussitôt, pour la plupart, dans les unités de l’Infanterie. A peine instruit, à peine le temps de devenir pompier. C’est le mode de recrutement qui est jugé responsable de cette situation.
« Quand j’ai été nommé colonel du régiment, je ne connaissais pas l’a.b.c. du métier » clame le colonel Couston.
Dans une période de l’histoire marquée par une vague d’antimilitarisme, les élus s’engouffrent dans cette brèche où le Régiment est pris dans une tourmente polémique. Ces derniers profitent de la situation pour réclamer la mise à mort de l’organisation militaire et la constitution d’un corps civil placé sous l’autorité municipale. De quoi… décrocher la lune !