Histoire — Le standard est le lieu incontournable de la vie en caserne. De cet endroit, un sapeur-pompier déclenche l’envoi des secours. Les chefs de garde viennent y prendre les précieux renseignements sur la nature de leur intervention. Résolument tourné vers l’opérationnel, le rôle du stationnaire est historique.
Il faut remonter à 1873 pour trouver, grâce aux archives précieusement conservées par la SCPMT1, les premières traces de l’apparition du terme « stationnaire ». En effet, dans le cahier d’ordres de cette année, on peut lire à la date du 19 août : « […] à l’heure de la garde montante, il sera placé en supplément un sapeur dit : stationnaire de poste, dans chacun des postes télégraphiques ».
Dans cette première moitié du XIXe siècle, les pompiers parisiens répartissent leurs forces en plusieurs petits détachements. Ces postes-vigies sont composés d’une équipe de trois hommes armant une pompe à bras. Dès qu’un feu est signalé par la population (en frappant à la porte), ces derniers s’élancent au pas de gymnastique, en poussant, à la force des bras, leur matériel de lutte contre l’incendie. Une fois la reconnaissance réalisée par le caporal, le sapeur télégraphiste devait retourner en courant au poste pour transmettre les demandes de renfort à la caserne. Un des trois messages suivants était alors passé : « petit feu : je m’en charge », « feu inquiétant : demandez du renfort », « grand feu : prévenez la caserne et le colonel ». Or, à partir de 1873, le stationnaire complète l’effectif des postes. Son rôle est de rester à son appareil télégraphique pendant 24 heures. On comprend alors toute l’importance de cette fonction. Désormais, les postes appelés au feu peuvent, avec lui, avertir immédiatement leur caserne respective et mettre un terme aux retards dans les communications.
Les temps modernes
Le temps de réponse opérationnelle va diminuer considérablement avec la mise en place des bornes-avertisseurs dans les rues de Paris, dès le début de l’année 1885. Ces boîtes métalliques, posées sur des piliers de fonte, abritent un émetteur en morse.
Un an plus tard, avec la construction de la caserne Chaligny, un formidable outil est mis à la disposition du « stass ». Grâce à un nouveau tableau électrique, le stationnaire peut transmettre précisément l’alarme dans les parties concernées de la caserne. Il s’agit d’une sonnerie intérieure à six timbres et d’une sonnerie extérieure dédiée à prévenir les passants et les éventuels gêneurs de la sortie imminente des secours. D’autre part, l’ajout de manettes spécifiques lui permet d’actionner l’éclairage, le réchauffeur de la pompe à vapeur ainsi que l’ouverture et la fermeture automatiques des portes des remises.
Allô, le 18 ?
1892 est la date de l’adoption du téléphone dans les avertisseurs et les postes pour remplacer les appareils télégraphiques. Cette innovation est une réelle plus-value pour le stationnaire qui possède la lourde responsabilité de dépêcher les secours. Il peut désormais obtenir de précieux renseignements comme l’adresse exacte du sinistre, sa nature, son importance ; et donc évaluer le volume de voitures à faire partir. En 1924, tous les centres de secours sont désormais reliés au téléphone urbain. En demandant les pompiers, l’appel est automatiquement transféré à l’état-major, qui, par l’intermédiaire des « lignes de feu », retransmet l’alerte aux postes concernés. Autrement, il faut connaître les intitulés des lignes (ex : Chaligny, Diderot 51 – 52).
En 1929 (et non 1932 !), c’est la révolution ! Dorénavant, et c’est encore le cas de nos jours, il suffit de composer le n°18 pour être mis en relation avec les sapeurs-pompiers.
Le central téléalarme
La technologie de réception et transmission des appels subit une profonde mutation en 1947. Le régiment confie à l’association des ouvriers en instruments de précision (AOIP), la tâche d’appuyer les services techniques pour la mise au point d’un nouveau système : le central téléalarme. Ce tableau comprend trois parties. À gauche, on retrouve la partie alarme, au milieu, la partie sonnerie et, à droite, la partie liaison. En haut de cette imposante structure entièrement métallique se trouve le plan du secteur et, de chaque côté, le tableau des véhicules composant la garde incendie.
Voyageons dans le temps. Pour cela, il nous faut incarner le corps du sapeur Barbe, stationnaire à la 11e compagnie.
Un signal sonore retentit, à l’extrême gauche du tableau, au-dessus des lampes d’appel réservées aux avertisseurs privés. Une lumière rouge s’allume sur la rangée des avertisseurs publics. Une seconde lueur se dégage du plan. Il s’agit de l’emplacement de l’avertisseur. Le « stass » se dirige vers le poste opérateur. Au-dessus du combiné, le numéro 26 s’affiche. Deux diodes sur quatre sont allumées2 : une rouge et une blanche. Elles signalent que la glace de l’avertisseur a été brisée et que la porte du téléphone a été ouverte. Le sapeur Barbe décroche le combiné.
« – Les pompiers, j’écoute…
– Il y a le feu au café de la place Sainte-Catherine.
– J’envoie les secours ! »
Ensuite, il presse le bouton « départ normal ». Cette action déclenche une sonnerie automatique spécifique. Ici, un ronfleur de trois secondes suivi d’un coup long de six secondes. Au niveau de la garde incendie, pour le fourgon-pompe, le premiers-secours et le porte-échelle, la diode comportant la mention « sorti » s’allume.
Cette partie du tableau indique en temps réel au stationnaire l’état de sa remise. Devant chaque véhicule, il y a trois cases : « en service », « indisponible » et « sorti ». Lors du retour des intervenants, le stationnaire effectue une manœuvre qui replace le(s) véhicule(s) sorti(s) dans une position de disponibilité et éteint également la signalisation lumineuse. Par ailleurs, à la fin de l’intervention, lorsque la glace de l’avertisseur est remplacée et que la porte autorisant l’accès au boîtier est refermée, les lumières du poste opérateur s’éteignent. Ceci a pour effet de le rendre disponible pour de nouveaux appels.
La dernière partie du central concerne les liaisons téléphoniques avec le réseau urbain, l’état-major, les autres centres de secours de la compagnie et les lignes internes (bureaux, appartements, etc.) par un système de fiche.
Le CCOT, vue globale
À partir de 1971, le centre de coordination des opérations de transmission (CCOT), situé à l’état-major, centralise tous les appels 18. L’opérateur doit savoir : où, quoi, qui et comment. Tout en écoutant, il inscrit sur le registre l’heure de l’appel, l’adresse et la nature du sinistre, mais aussi le numéro de l’appelant. Après avoir raccroché, il consulte les fiches de rues et définit le centre de secours du territoire compétent (CSTC). Cette longue opération prend environ 2 minutes. Prévenu par téléphone, le stationnaire n’a plus qu’à déclencher le départ des véhicules de secours. Après l’incendie du Publicis (1972), une polémique s’abat sur la Brigade. On reproche aux pompiers parisiens d’avoir été lents et désorganisés. Conséquemment, plusieurs prescriptions sont établies comme l’enregistrement des appels (1974) et l’utilisation du stylo-bille pour la rédaction des mains courantes à la place du crayon bois. En rouge sont notés les départs pour feu et en noir les messages administratifs.
SYCORA, les prémices du numérique
L’arrivée de l’informatique en 1983 avec le système de communication des réseaux d’alerte (SYCORA) transforme le standard. Avec l’ordinateur, fini les erreurs verbales. Chaque « stass » reçoit un ordre de départ imprimé avec tous les renseignements nécessaires. Il suffit de fermer les yeux pour se souvenir du bruit strident et haché de l’imprimante.
Le BOT (aujourd’hui PVO), sous les ordres du sergent de jour, est au cœur de la vie opérationnelle du centre de secours puisque le stationnaire assure désormais l’écoute radio des interventions sur son secteur.
Si aujourd’hui le centre opérationnel de la Brigade tend vers le tout numérique, il s’appuie sur toute cette expérience du départ des secours pour être des plus efficaces.
1 Section conservation du patrimoine, de la mémoire et des traditions.
2 La diode verte indique un dérangement sur la ligne, la diode bleue indique une panne du système.