#BrigadeInside — Thomas Issler est le créateur de la société Zelup qui a développé la lance diphasique sur un cahier des charges de la Brigade. Il nous raconte cette aventure débutée en 2017.
« Il y a eu trois moments déclencheurs ! »
Comment est née votre entreprise ?
J’ai créé Zelup en 2012 pour me consacrer à une technologie qui pouvait économiser de l’eau, notamment grâce au procédé de fragmentation hydropneumatique que nous avons breveté. Au début, cela n’a rien à voir avec le monde pompier, puisque la société développait des systèmes de nettoyage écologiques (ndlr : société renommée Zellteck depuis).
Comme un nettoyeur haute-pression ?
En quelque sorte, sauf que notre système utilise la (haute) vitesse à la place de la pression. De la haute-vitesse écologique ! Ainsi, vous pouvez mettre votre main devant le jet sans aucun danger.
Comment êtes-vous passé des systèmes de nettoyage à la lance ?
Un jour, un certain commandant Testa m’a contacté pour un rendez-vous à l’état-major. Dans mon esprit, Il s’agissait d’un besoin pour nettoyer des camions, ou des tenues de feu. En arrivant, j’ai découvert que la BSPP avait déjà travaillé sur le sujet du diphasique depuis quelques années, et voulait poursuivre les recherches pour co-créer une lance à incendie.
Vous vous êtes donc lancé tout de suite dans l’aventure…
Cela a été assez progressif, car je suis passé par une phase d’apprentissage du monde des pompiers, je ne connaissais rien de ce métier, du milieu, de ces techniques et encore moins de la lutte contre l’incendie.
« Nous travaillons actuellement sur des projets visant à améliorer la sécurité des soldats du feu »
Ça vous a paru compliqué ?
Ce n’est pas le terme que j’emploierai ; je me suis surtout rendu compte que c’était un milieu où l’on utilisait les mêmes outils depuis très très longtemps, et je me suis posé la question de ma légitimité à remettre en perspective certains principes (notion débit /puissance). Car avec le système Zelup, il y a un vrai changement de paradigme dans la réponse de la lutte contre l’incendie.
Quand avez-vous vraiment démarré ?
Je me souviens exactement du jour où j’ai dessiné la buse de la lance ! C’était le 14 juillet 2017, lors du défilé. J’entends à la télévision « la BSPP innove et envisage de remplacer pour l’extinction des feux, l’eau par de l’air haute pression ». Quand j’ai entendu cela, je me suis enfermé de 13h30 à 3 heures du matin pour travailler sur la lance. Ensuite, comme j’ai l’habitude de collaborer avec des petites équipes qui travaillent vite, nous nous sommes tout de suite immergés dans le projet. En partant d’une page blanche, nous sommes arrivés à un outil performant en quelques années. C’est notre force, je pense, par rapport à une grosse firme où les décisions auraient mis plus de temps.
Quelles ont été les grandes étapes ?
Il y a eu trois moments déclencheurs pour ce projet diphasique. Le premier : le prototype en aluminium et ses deux tuyaux. Les spécialistes de la BSPP ont découvert la qualité du jet que l’on pouvait produire. Puis, des essais à Tarare (69) avec le LCPP (voir page 44 – 45) qui ont permis de démontrer tout le potentiel de cette lance diphasique sur un feu d’appartement. Le général Gallet nous donne alors son feu vert pour continuer l’aventure.
Le deuxième déclic est donné par l’Agence de l’innovation de défense (AID) qui autorise un financement (voir page 49). Je peux alors embaucher pour créer un démonstrateur opérationnel.
Enfin, la troisième impulsion a été le professionnalisme et la réactivité du personnel de la Brigade et du LCPP qui nous ont permis d’avancer très vite vers des essais opérationnels.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?
Le plus difficile a été de réaliser un produit le plus fidèle possible au cahier des charges. Le financement a également été très complexe, nous restons une petite entreprise avec des moyens financiers importants.
Que vous a apporté la diversité des corps de pompiers qui ont participé à ce projet ?
Cette diversité des points de vue opérationnels a été un apport de connaissances énorme pour nous. La collaboration entre les hommes de science, les hommes de l’art et nous Zelup, industriel, a été fondamentale dans la réussite de ce projet.
Quels ont été les meilleurs moments de cette aventure ?
Il y en a eu (et il y en aura encore) beaucoup ! Je me souviens après les tous premiers essais de base, nous sommes allés tester la lance au fort de la Briche (93), il y avait énormément de monde pour assister à la démonstration, c’était un moment fort. Et puis, enfin les gros essais à Villeneuve-Saint-Georges (94) ! Je profite de ce moment pour remercier vivement toutes les équipes et surtout les pompiers qui ont dédié tant de temps et fait preuve de passion pour que tout cela se concrétise !
Et maintenant ? Que devient Zelup ?
Nous avons intégré le groupe Leader début mars, ce qui va nous permettre d’accélérer l’industrialisation et la commercialisation du système diphasique Zelup au niveau international. Et nous allons bien entendu continuer à innover. Nous travaillons actuellement sur de nombreux projets visant à améliorer la sécurité des soldats du feu tout en économisant cette ressource importante qu’est l’eau
Propos recueillis par Harry Couvin photographie Caporal-chef Nicolas Breiner