LA RÉVOLUTION DIPHASIQUE (ép. 3) — Thomas Issler, créateur de la société Zelup revient sur cette aventure.

Har­ry Cou­vin —  — Modi­fiée le 25 juillet 2024 à 09 h 11 

#BrigadeInside — Thomas Issler est le créateur de la société Zelup qui a développé la lance diphasique sur un cahier des charges de la Brigade. Il nous raconte cette aventure débutée en 2017.

« Il y a eu trois moments déclencheurs ! »

Com­ment est née votre entre­prise ?
J’ai créé Zelup en 2012 pour me consa­crer à une tech­no­lo­gie qui pou­vait éco­no­mi­ser de l’eau, notam­ment grâce au pro­cé­dé de frag­men­ta­tion hydro­pneu­ma­tique que nous avons bre­ve­té. Au début, cela n’a rien à voir avec le monde pom­pier, puisque la socié­té déve­lop­pait des sys­tèmes de net­toyage éco­lo­giques (ndlr : socié­té renom­mée Zell­teck depuis).

Comme un net­toyeur haute-pres­sion ?
En quelque sorte, sauf que notre sys­tème uti­lise la (haute) vitesse à la place de la pres­sion. De la haute-vitesse éco­lo­gique ! Ain­si, vous pou­vez mettre votre main devant le jet sans aucun danger.

Com­ment êtes-vous pas­sé des sys­tèmes de net­toyage à la lance ?
Un jour, un cer­tain com­man­dant Tes­ta m’a contac­té pour un ren­dez-vous à l’état-major. Dans mon esprit, Il s’agissait d’un besoin pour net­toyer des camions, ou des tenues de feu. En arri­vant, j’ai décou­vert que la BSPP avait déjà tra­vaillé sur le sujet du dipha­sique depuis quelques années, et vou­lait pour­suivre les recherches pour co-créer une lance à incen­die.
Vous vous êtes donc lan­cé tout de suite dans l’aventure…
Cela a été assez pro­gres­sif, car je suis pas­sé par une phase d’apprentissage du monde des pom­piers, je ne connais­sais rien de ce métier, du milieu, de ces tech­niques et encore moins de la lutte contre l’incendie.

« Nous tra­vaillons actuel­le­ment sur des pro­jets visant à amé­lio­rer la sécu­ri­té des sol­dats du feu »

Ça vous a paru com­pli­qué ?
Ce n’est pas le terme que j’emploierai ; je me suis sur­tout ren­du compte que c’était un milieu où l’on uti­li­sait les mêmes outils depuis très très long­temps, et je me suis posé la ques­tion de ma légi­ti­mi­té à remettre en pers­pec­tive cer­tains prin­cipes (notion débit /​puis­sance). Car avec le sys­tème Zelup, il y a un vrai chan­ge­ment de para­digme dans la réponse de la lutte contre l’incendie.

Quand avez-vous vrai­ment démar­ré ?
Je me sou­viens exac­te­ment du jour où j’ai des­si­né la buse de la lance ! C’était le 14 juillet 2017, lors du défi­lé. J’entends à la télé­vi­sion « la BSPP innove et envi­sage de rem­pla­cer pour l’extinction des feux, l’eau par de l’air haute pres­sion ». Quand j’ai enten­du cela, je me suis enfer­mé de 13h30 à 3 heures du matin pour tra­vailler sur la lance. Ensuite, comme j’ai l’habitude de col­la­bo­rer avec des petites équipes qui tra­vaillent vite, nous nous sommes tout de suite immer­gés dans le pro­jet. En par­tant d’une page blanche, nous sommes arri­vés à un outil per­for­mant en quelques années. C’est notre force, je pense, par rap­port à une grosse firme où les déci­sions auraient mis plus de temps.

Quelles ont été les grandes étapes ?
Il y a eu trois moments déclen­cheurs pour ce pro­jet dipha­sique. Le pre­mier : le pro­to­type en alu­mi­nium et ses deux tuyaux. Les spé­cia­listes de la BSPP ont décou­vert la qua­li­té du jet que l’on pou­vait pro­duire. Puis, des essais à Tarare (69) avec le LCPP (voir page 44 – 45) qui ont per­mis de démon­trer tout le poten­tiel de cette lance dipha­sique sur un feu d’appartement. Le géné­ral Gal­let nous donne alors son feu vert pour conti­nuer l’aventure.
Le deuxième déclic est don­né par l’Agence de l’innovation de défense (AID) qui auto­rise un finan­ce­ment (voir page 49). Je peux alors embau­cher pour créer un démons­tra­teur opé­ra­tion­nel.
Enfin, la troi­sième impul­sion a été le pro­fes­sion­na­lisme et la réac­ti­vi­té du per­son­nel de la Bri­gade et du LCPP qui nous ont per­mis d’avancer très vite vers des essais opérationnels.

Quelles dif­fi­cul­tés avez-vous ren­con­trées ?
Le plus dif­fi­cile a été de réa­li­ser un pro­duit le plus fidèle pos­sible au cahier des charges. Le finan­ce­ment a éga­le­ment été très com­plexe, nous res­tons une petite entre­prise avec des moyens finan­ciers importants.

Que vous a appor­té la diver­si­té des corps de pom­piers qui ont par­ti­ci­pé à ce pro­jet ?
Cette diver­si­té des points de vue opé­ra­tion­nels a été un apport de connais­sances énorme pour nous. La col­la­bo­ra­tion entre les hommes de science, les hommes de l’art et nous Zelup, indus­triel, a été fon­da­men­tale dans la réus­site de ce projet.

Quels ont été les meilleurs moments de cette aven­ture ?
Il y en a eu (et il y en aura encore) beau­coup ! Je me sou­viens après les tous pre­miers essais de base, nous sommes allés tes­ter la lance au fort de la Briche (93), il y avait énor­mé­ment de monde pour assis­ter à la démons­tra­tion, c’était un moment fort. Et puis, enfin les gros essais à Vil­le­neuve-Saint-Georges (94) ! Je pro­fite de ce moment pour remer­cier vive­ment toutes les équipes et sur­tout les pom­piers qui ont dédié tant de temps et fait preuve de pas­sion pour que tout cela se concrétise !

Et main­te­nant ? Que devient Zelup ?
Nous avons inté­gré le groupe Lea­der début mars, ce qui va nous per­mettre d’accélérer l’industrialisation et la com­mer­cia­li­sa­tion du sys­tème dipha­sique Zelup au niveau inter­na­tio­nal. Et nous allons bien enten­du conti­nuer à inno­ver. Nous tra­vaillons actuel­le­ment sur de nom­breux pro­jets visant à amé­lio­rer la sécu­ri­té des sol­dats du feu tout en éco­no­mi­sant cette res­source impor­tante qu’est l’eau

Pro­pos recueillis par Har­ry Cou­vin pho­to­gra­phie Capo­ral-chef Nico­las Breiner



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