#BrigadeInside — Moins d’eau, de l’air, le système diphasique offre des perspectives inédites qui vont changer totalement le point de vue opérationnel. Une toute nouvelle façon d’éteindre les feux, mais pas que…
Un exemple : l’électrification du parc engins de la BSPP implique de pouvoir recharger les batteries, mais suppose également à moyen terme la suppression des soutes à carburant, la fin des contrats pour les cartes carburant, etc… Dès lors, comment maintenir l’activité opérationnelle en cas de rupture d’alimentation en électricité ?
Dans ses réflexions autour du projet DELTAE, le BEP a essayé d’être le plus exhaustif possible sur les conséquences potentielles offertes.
Outre la réduction drastique de la consommation d’eau et l’impact direct sur la DECI, DELTAE offre de manière évidente ou inattendue de nombreuses perspectives.
Pour les comprendre, considérons les changements technologiques qui permettent le fonctionnement des systèmes d’extinction diphasique.
De l’apport de l’air… Ce n’est un secret pour personne : DELTAE utilise de l’air, beaucoup d’air. Pour produire les quelques 2 000 l/min dévorés par la lance, un compresseur est intégré au véhicule. La version opérationnelle permet de délivrer au maximum (avec un compresseur débridé) 8 000 l/min à 7 bars, bien plus qu’il n’en faut.
À tel point, que la perspective la plus évidente du projet DELTAE est de se servir de cet excédent pour alimenter en air les sapeurs-pompiers à la lance, voire ceux qui pourraient être en attente à proximité du tuyau, comme une équipe de sécurité par exemple.
C’est notamment pour cette opportunité que nos camarades du BMPM qualifient le système diphasique de révolutionnaire. En effet, la protection respiratoire des sapeurs-pompiers engagés sur un feu d’espace naturel est quasiment inexistante. Ce ne sera plus vrai demain avec le déploiement des systèmes diphasiques.
Par extension, il est permis d’imaginer des phases de déblai lors desquelles l’ensemble du personnel engagé disposerait d’un masque ARI relié aux tuyaux du système.
Mais s’arrêter à cette seule opportunité n’est pas suffisant. Si le sapeur-pompier engagé en reconnaissances dispose d’une lance diphasique, quel est l’intérêt de son appareil respiratoire isolant en circuit ouvert (ARICO) ?
L’ARICO pourrait ainsi devenir un moyen d’auto-sauvetage ou de sauvetage annexe, utile sur un temps très court et de manière ponctuelle. Aussi, comment ne pas penser à réduire le volume d’air disponible et, de fait, le poids et l’encombrement de notre précieux ARI ? L’impact sur le physique du sapeur-pompier de Paris est immédiat.
… comprimé ! Le compresseur du système d’extinction diphasique délivre un air comprimé à 7 bars. L’air comprimé, ce n’est pas que de l’air. C’est aussi de l’énergie pneumatique.
Un cas d’usage évident de cette énergie est la mise en œuvre d’outils pneumatiques pour réaliser diverses opérations (ventilation, levage, effraction froide, etc.).
Mais pourquoi s’arrêter à des évidences ?
Par exemple, un ARICO givre lors des manœuvres ou encore l’air de la bouteille d’oxygène sort à une température d’une quinzaine de degré dans le masque à haute concentration. Phénomène parfaitement normal, plus connu comme la détente d’un gaz parfait (ndlr : PV=nRT pour les initiés !). Pour faire très simple : quand la pression du gaz chute brutalement, cela s’accompagne d’une baisse de la température du gaz. Le phénomène inverse existe d’ailleurs. Lors du gonflage des bouteilles d’air, elles sortent chaudes du compresseur.
Le système diphasique permet donc de disposer d’une source importante d’air froid. Il n’en fallait pas plus au BEP pour initier le projet blizzard polaire qui vise à développer une tenue de feu refroidie qui utilisera cet air froid pour protéger le sapeur-pompier de Paris. Et ça fonctionne ! Des essais ont été réalisés en 2017 et 2018 et ont démontré l’efficacité du concept. De nouveaux tests vont être conduits à partir d’avril 2023.
Si ce projet aboutit, il est raisonnable d’imaginer que les équipes incendies pourront être également maintenues au frais durant le transport vers le lieu d’intervention, préservant ainsi leur potentiel d’engagement au feu.
De l’intérêt d’une faible utilisation de l’eau. Un système d’extinction diphasique, c’est en moyenne cinq fois moins d’eau pour la même efficacité de lutte contre les calories développées par la combustion.
L’eau est synonyme de poids pour nos tuyaux qui sont ainsi très difficilement mobiles et l’intérêt de l’allègement est immédiatement perceptible.
Mais l’eau c’est surtout une part importante du poids de nos engins-pompes. La citerne d’un FA c’est près de 20 % de son poids. De plus, le débit d’une pompe d’engin de lutte contre l’incendie est normalisé à 2 000 l/min à une pression de 15 bar (exception faite des PSE qui ne répondent à aucune norme « engins »). Pour disposer d’une puissance équivalente en diphasique, il faudrait uniquement une pompe de 500 l/min.
La réduction de la consommation hydraulique se révèle être une clé de la diminution de la taille de nos engins-pompes, de leur coût d’acquisition et de leur coût global de possession (moins de consommation, moins d’usure des pièces mécaniques…). Aussi, il est permis de rêver à un avenir fait de petits engins-pompes électriques sur des châssis de 7,5 T, grâce auxquels les ensembles modulaires verront les PSE disparaître et les FA devenir FPTL.
Pourquoi ne pas aller jusqu’à repenser une réponse opérationnelle scindée en fourgon d’attaque et fourgon de reconnaissances ?
Pour décontaminer. Dans le cadre de la décontamination NRBC, une faible utilisation de l’eau présente un intérêt majeur. Moins d’eau, c’est moins d’effluents à stocker et à traiter.
L’efficacité des systèmes diphasiques pour la décontamination des surfaces est en cours d’évaluation et pourrait être une nouvelle perspective positive de ce système. En complément, si l’efficacité est avérée, il pourra être pertinent de se poser la question du diphasique dans le cadre des protocoles HPI mis en place à la BSPP.
En synthèse, les perspectives offertes sont nombreuses et ne sont probablement pas encore toutes révélées. L’avenir est plein de promesses et beaucoup d’entre elles seront diphasiques.