Grands formats — Architecture, sculpture, peinture, musique, littérature, spectacle, photographie, films, bandes dessinées, etc. Depuis la création du bataillon, le pompier de Paris est représenté dans de multiples formes artistiques. Voici une compilation de chefs‑d’œuvres et d’histoires entremêlant ces deux mondes en apparence si opposés.
1 — Architecture
NOS CASERNES, CES PETITS BIJOUX
Premier des arts majeurs dans la classification classique, l’architecture doit respecter, de prime abord, des règles de construction précises. La prise en compte de la fonction de l’édifice et de son intégration dans l’environnement constituent les premières problématiques abordées par l’architecte. Une fois ces contraintes dépassées, l’aspect artistique émerge.
La principale expression architecturale de la BSPP est bien sûr la caserne. Les premières d’entre elles étaient des bâtiments réaffectés qui n’étaient pas conçus pour accueillir des pompiers à l’origine. Il s’agissait d’anciens couvents, tels que Colombier, ou d’hôtels particuliers, comme Sévigné et Grenelle.
Des matériaux nobles
Ces édifices proposant des façades ornementées, des frontons sculptés, des boiseries et des portails richement décorés, n’avaient pas pour vocation à être admirés par des pompiers. Ils restent aujourd’hui des témoignages historiques remarquables du patrimoine architectural de la capitale. Colombier et Sévigné étant les deux plus anciennes casernes de Paris toujours en activité (1813 et 1815).
Par la suite, financées par la ville de Paris ou les autres communes adjacentes et issues de concours d’architectes, l’ensemble des casernes parisiennes se distingue des édifices sobres habituellement construits pour les armées. Intégrées dans l’écosystème parisien, elles ressemblent bien plus à des mairies, des écoles ou des lycées. Ainsi, Montmartre, Blanche ou Port-Royal proposent des bâtiments construits en matériaux nobles : pierre de taille ou remplissage de briques.
Enfin, si la majorité de ces édifices furent conçus à la fin du XIXe siècle, par des architectes réputés, le centre de secours Dauphine reste une œuvre d’art à part entière. Créé par le grand architecte Robert Mallet-Stevens en 1936, il emprunte le style Art déco tout en adoptant certains éléments de l’esprit cubiste.
2 — sculpture
UN SAUVEUR AU DESTIN TRAGIQUE
S i plusieurs hauts-reliefs et bas-reliefs ornent les façades des centres de secours, c’est bien l’histoire de la statue « Sauvée » qui incarne à elle seule le second art majeur à la BSPP : En 1889, l’État français commande au sculpteur Hector Lemaire une œuvre pour embellir le congrès international de sauvetage de l’exposition universelle. L’artiste réalise donc cette allégorie qui immortalise l’héroïsme d’un pompier de Paris, sauvant une jeune femme. D’abord reléguée dans une réserve de la ville de Paris, l’œuvre est ensuite déplacée dans le petit square Violet du XVe arrondissement. Encore aujourd’hui, l’origine de cette statue reste sujet à controverse. Il pourrait s’agir d’une métaphore des pompiers sauvant Paris des flammes. La femme évanouie symbolisant la capitale ou la République. Cette théorie pouvant se confirmer avec l’action héroïque réalisée par les corps de pompiers de provinces vingt ans plus tôt, venus sauver la ville des incendies meurtriers commis par la Commune. Le débat reste ouvert.
Le pompier sauvant paris des flammes ?
À l’époque, l’œuvre s’intègre très bien à son nouvel emplacement et fait la joie des habitants du XVe. Malheureusement, la Seconde Guerre mondiale et l’occupation portent un coup terrible aux statues exposées sur l’espace public. Plus d’une centaine d’œuvres à Paris, comme dans toute la France, seront ainsi déboulonnées et fondues par les allemands afin d’en récupérer le métal au titre de l’effort de guerre. « Sauvée » n’échappe pas à la rafle et le square perd sa statue. En 1990, la BSPP, après avoir lancé un appel à témoin en Allemagne, ap- prend que la statue à bel et bien été fondue et que son plâtre d’origine a également été détruit dans un bombardement. Depuis, plusieurs projets hommages à l’œuvre disparue ont été réalisés, mais la statue n’a malheureusement jamais été recréée.
Il faudra donc attendre l’année 2008 pour qu’une nouvelle œuvre parisienne rende hommage aux pompiers de la ville. Érigée place Jules Renard, face à l’État-major de la BSPP, une œuvre de l’artiste chinois Wang Du rappelle une tour d’instruction polie tel un casque F1.
3 — Peinture
SOLDAT DU FEU SUR TOUS LES SUPPORTS
L e troisième art majeur englobe toutes les formes et supports de peintures. Plusieurs œuvres marquantes, réalisées par des grands-maîtres, évoquent ainsi l’histoire du régiment. « Au feu » de Georges Busson, « Pompiers courant à un incendie » de Gustave Courbet, ou « victime du devoir » d’Edouard Detaille et le dernier d’entre eux, « Mort du lieutenant-colonel Froidevaux » d’Émile Renard, illustrent différents événements de la vie du corps.
Pourtant, le plus important témoignage artistique du pompier de Paris, et sûrement le plus intime, reste la fameuse fresque ! Très souvent réalisée par les militaires eux-mêmes, elle peut illustrer les particularités de la caserne : son secteur, le quartier, ses membres et même ses symboles. Elle sert principalement à créer un sentiment d’appartenance à son centre de secours et à sa compagnie.
Ainsi, avec les décennies, des milliers d’artistes en herbe ont peint avec joie, et plus ou moins de talent, les murs de leur centre de secours. Tous les styles ont été abordés : réalisme, impressionnisme, cubisme, surréalisme ou encore pop art. Même chose pour les matériaux utilisés qui furent également très divers comme l’aérographe, le marqueur, le stylo, le rouleau ou le pinceau. La multitude d’œuvres d’art dans leur style et leur variété rend donc impossible de créer une liste exhaustive.
Le corps attaque les diables
Les plus anciennes réalisations datent de la Seconde Guerre mondiale, ce qui en fait de véritables trésors à protéger coûte que coûte. On pense évidemment à celle en couverture du dossier « Le corps attaque les diables » représentant une allégorie des pompiers du régiment combattant l’occupant nazi. Pourtant, leur conservation n’est pas forcément évidente. Inamovibles, elles ne peuvent pas être transportées, ce qui complique dès lors leur sauvegarde. Les efforts se basent donc le plus souvent sur le report du dessin vers un claque voir directement à partir de photographies.
Une fresque surpasse toutes les autres par sa réputation : celle de la voûte de Villeneuve-Saint-Georges réalisée en 1989 par le sapeur Serge Haragovitch, élève à l’école supérieure d’arts graphiques. Premier contact des jeunes incorporés avec la Brigade, cette œuvre symbolise une porte d’entrée vers un nouveau monde. Peut-être l’œuvre la plus marquante pour tous les hommes et les femmes ayant porté l’uniforme de la BSPP.
D’autres artistes du corps ont participé au développement de l’art. Notamment Michel Pussiaux au sein même des murs de l’État-major. Rapidement attiré par « l’art du grand feu » à savoir la céramique émaillée, il sera convoqué à la fin des années soixante par le général Casso lui-même pour embellir ses locaux. Aujourd’hui encore ses réalisations peuvent être admirées dans différents bureaux de Champerret.
Dans la vidéo, Renald Zapata nous explique les fondements de la fresque qu’il a réalisé en hommage à l’adjudant-chef Alexis Floquet.
4 — Musique
CHANTS, FLÛTES ET TROMPETTES
L a quatrième forme d’art majeur s’incarne dans la Musique des sapeurs-pompiers de Paris. Celle-ci contribue au rayonnement de la Brigade au travers de ses multiples prestations. Responsable de la solennité des prises d’armes, des honneurs militaires au profit de municipalités, d’associations et d’organismes divers, le groupe est aujourd’hui constitué d’une cinquantaine de volontaires spécialistes.
Ce groupe comprend deux formations distinctes. La première étant l’orchestre d’harmonie, ensemble réunissant trois familles d’instruments : les bois (piccolo, flûte, hautbois, cor anglais, basson, clarinette, saxophone) les cuivres (trompette, cornet bugle, cor, trombone, euphonium, tuba), les percussions et une contrebasse à cordes.
La seconde formation, la « batterie », réunit les instruments d’ordonnance (tambour, clairon, et trompette de cavalerie). La grande variété ainsi que la polyvalence de ces musiciens permettent de constituer également divers petits ensembles : quintette à vent, quintette de cuivre, quatuor de saxophones, quatuors de clarinettes, et dans de nombreux styles différents.
Nous avions consacré l’an dernier notre dossier du mois de juillet à ce groupe d’une très grande qualité artistique.
Paris, nous voilà !
En parallèle des professionnels, chaque engagé a déjà expérimenté la musique à sa manière au travers des fameux chants de sections. S’il est communément admis que le pompier de Paris chante comme une casserole, les formateurs du GFIS réussissent pourtant l’exploit de créer un véritable chœur avec leurs recrues. Même dans la musique l’union fait la force !
Les deux chants traditionnels de la BSPP étant bien sûr : « Paris nous voilà » et « Sombres fumées ». D’autres sections du GFIS entonnent des rimes plus traditionnels, marqueurs de l’histoire française tels que « Pélot d’Hennebont », « La Strasbourgeoise » ou « Le chant des Marais ». Enfin, certains reprennent des paroles d’autres régiments de l’armée de Terre. On pense bien sûr à « La légion marche », « j’avais un camarade » ou « le volontaire », retranscrit par les pompiers eux même.
»> À LIRE AUSSI… : Major Dominique Fiaudrin, un final sans fausse note
5 — Littérature
DES BEAUX TEXTES, DES BEAUX LIVRES
S i le pompier n’est pas réputé pour être un féru de lecture, en dehors de ses BSP, certains d’entre eux ont tout de même pris la plume. Le plus inspirant reste, bien sûr, le colonel Jean Husson. En 1965, celui-ci reçoit le grand prix du roman de l’Académie française pour son livre “Le cheval d’Herbelot”. Récit réaliste d’un vieil homme bataillant pour retrouver son animal perdu, dont la quête le ramènera vers les méandres de son passé.
Mis à part cette prouesse encore inégalée, la littérature de fiction sur les pompiers de Paris ne s’avère pas foisonnante. Néanmoins, de nombreux beaux livres ont été écrits dont certains par l’Institution elle-même. Les plus conséquents sont édités par la maison Albin Michel comme « Sapeurs-pompiers de Paris », à l’occasion du bicentenaire et « Sauver ou périr ». D’autres ouvrages se concentrent sur des périodes précises, notamment : « 1939 – 1945 Le régiment de sapeurs-pompiers de Paris ». À noter également l’auteur Didier Sapaut et son recueil très abouti : « Paris et ses sapeurs-pompiers ».
D’autres livres prennent un contre-pied plus philosophique tel que « L’éthique du sapeurs-pompiers Paris » dont l’écriture fut menée par le général Glin. Dans la même lignée, le général Jean-Claude Gallet et Romain Gubert ont rédigé, l’année dernière, un essai ambitieux « Éloge du courage ».
Enfin, le terrible incendie de Notre-Dame a particulièrement attiré l’attention des journalistes et romanciers. Les deux principaux livres narrant cette intervention sont « Dans les flammes de Notre-Dame » de Sébastien Spitzer et « La nuit de Notre-Dame » aux éditions Grasset. Ce dernier ayant été co-écrit avec la BSPP.
Sois fier de ces héros dignes du Capitole,
Extrait du poème « Sauver ou périr » paru en 1902 dans L’Écho des jeunes. Pourtant la devise du régiment n’existait pas encore à cette époque.
Paris … Noble cité,
Que sur leurs casques d’or tes rayons de clarté
Leur fasse une auréole.
Chacun d’eux de la mort sait qu’il risque le heurt
En pleine vaillantise
Mais telle est la devise :
« Ou sauver ou périr » Chacun d’eux sauve ou meurt.
Une belle trouvaille avant l’heure !
6 — Arts de la scène
LA BSPP FAIT SON SHOW
A u même titre que la Musique des sapeurs-pompiers de Paris incarne le quatrième art, le groupe de gymnastique de la Brigade correspond parfaitement au sixième, les arts de la scène. Ces deux groupes partagent généralement l’affiche et parcourent les routes de France ensemble.
Instaurée à l’origine pour des raisons opérationnelles, cette organisation séculaire est, aujourd’hui, un vecteur à la fois de rayonnement mais aussi de recrutement. Composé d’une vingtaine de pompiers, pour la plupart opérationnels, le groupe propose huit numéros différents adaptables en fonction du temps, de la météo et du nombre de gymnastes disponibles.
En parallèle de la gymnastique, de 1945 à 2011, « la nuit du feu » fut un événement populaire et annuel incontournable. Durant cette longue période, de multiples artistes, chanteurs et musiciens populaires viendront se produire pour faire le show le temps d’une nuit particulièrement festive.
Pour ce qui est du spectacle vivant, le pompier opérationnel y participe aussi à sa manière. Deux principaux événements : le défilé du 14 juillet et les fameux bals du 13 et du 14 juillet. Durant cette courte nuit chaque pompier devient un danseur et un animateur pour la population civile venue découvrir l’univers des pompiers de Paris.
AU SECOURS DES DANSEUSES
De 1780 à 2009, les pompiers de Paris ont assuré la protection des théâtres parisiens. Leur mission principale consistant à étouffer les débuts d’incendie. Notamment en secourant les ballerines au tutu régulièrement enflammé par le contact des rampes à gaz et d’autres artifices scéniques ! Un arrêté de 2007 met fin à cette relation tumultueuse après trois siècles de bons et loyaux services. Bien longtemps après l’abandon du gaz pour l’électricité.
7 — Cinéma
SUR GRAND ÉCRAN
D ans le septième art également, le pompier de Paris retrouve ses lettres de noblesse. Le tout premier film traitant exclusivement des militaires du régiment remonte d’ailleurs aux années 50. « La bataille du feu » aussi appelée « Les joyeux conscrits » retrace ainsi le quotidien des engagés dans un registre où le réalisme et l’humour se côtoient.
Mais il faudra attendre près de 70 ans pour qu’un second cinéaste, Frédéric Tellier, réalise un autre film sur la BSPP : Sauver ou périr. Sorti en décembre 2018, le long-métrage est le fruit d’un formidable travail collaboratif entre la Brigade et le réalisateur de L’affaire SK1, nommé aux Césars en 2016 dans la catégorie du meilleur premier film.
Notre-dame brûle…
La BSPP, sollicitée dès la fin de l’année 2015, s’est pleinement engagée dans la réalisation de Sauver ou périr. Afin de garantir au metteur en scène un maximum de réalisme, la Brigade s’est investie du scénario au tournage en passant par la mise à disposition d’engins, de décors, d’uniformes et de conseillers techniques.
Le drame, porté par la performance remarquable de Pierre Niney dans le rôle du sergent Franck Pasquier, jeune chef de garde au centre de secours Rousseau, évoque avant tout la reconstruction physique et psychologique d’un homme après un terrible accident professionnel. Cette histoire universelle sur fond de caserne de pompiers a rassemblé plus d’un million de spectateurs au cinéma.
En 2022, c’est une toute autre histoire que nous pourrons redécouvrir dans les salles obscures, avec le nouveau long métrage de Jean-Jacques Annaud. En effet, le célèbre réalisateur de L’Ours, Sept ans au Tibet et Stalingrad vient de terminer le tournage de Notre-Dame brûle…
8 — Photographie
DANS LA BOÎTE
Aujourd’hui, tous les sapeurs-pompiers connaissent l’impact médiatique du bu- reau communication et de son engin dédié : le véhicule équipe intervention image (VEII). Armé d’un photographe et d’un caméraman, l’origine de cet engin remonte pourtant à bien plus loin que l’on ne pourrait le croire. En effet, dès 1932, le régiment se dote d’un side-car cinématographique ! Outil de démonstration et d’enseignement, utilisé pour capturer les grands incendies de l’époque, ce premier véhicule sera le précurseur de prises de vue foisonnantes. Progressivement, la couleur remplacera le noir et blanc et le travail de photographie des militaires du corps se professionnalisera.
Aujourd’hui, la section production-image poursuit avec passion ce travail. Alimentant continuellement le magazine ALLO DIX-HUIT et ses réseaux sociaux par ses nouveaux clichés. C’est en 2019 que l’œuvre de ses membres trouve un écho retentissant dans les armées et à l’international. Lorsque le caporal-chef Sylvia Borel remporte le prix « sergent Sébastien Vermeille » pour la meilleure photographie unique « La danse des flammes ».
La Force de l’image
« Erick Vauthier pompier de Paris » raconte la lente rééducation de ce sous-officier de la BSPP grièvement brûlé en 1993 sur un feu d’entrepôt à Rungis. Bernard Le Bars, ancien pompier de Paris, également, immortalise cette histoire poignante au fil de ses clichés, témoins d’un parcours touchant et tragique.
9 — Bande dessinée
DES CASES ET DES BULLES
E n 1964, un jeune dessinateur de talent, René Dosne, gribouille ses premiers dessins dans le magazine ALLO DIX-HUIT. Avec son imagination débordante, ceux-ci se transforment rapidement en véritables bandes dessinées. Mettant en scène ses personnages emblématiques connus de tous les pompiers : pin-pon la VL, Flammèche et Cornofeu. Dans les années 80, il laissera le noir et blanc pour passer à la couleur !
Après plus de 400 planches et une compilation en deux albums, René Dosne n’a toujours pas lâché son crayon et continue, tous les deux mois, à alimenter l’antépénultième page du magazine d’une de ses planches. En parallèle de ses dessins enfantins, l’auteur est également l’inventeur du croquis opérationnel et réalise tous les dessins d’intervention pour le magazine.