Perspectives — Avec plus de 330 demandes d’assistance en 19 ans, la nécessité d’un déploiement à l’échelle européenne d’un mécanisme de protection civile n’est plus à prouver. La BSPP participe régulièrement aux modules de secours de cette organisation. Le contexte actuel de crise humanitaire mondiale, liée au nouveau coronavirus, impose plus encore l’entraide interétatique comme un maillon essentiel dans nos chaines de secours.
QU’EST-CE QUE LE MEPC ?
Créé en 2001, le mécanisme européen de protection civile (MEPC) associe 34 pays de l’Union Européenne (UE) et limitrophes.
Basé auprès de la commission européenne (Bruxelles), ce mécanisme est opératif 24/24. De l’envoi d’experts à l’assistance en matériels et personnels, les pays participants contribuent, selon leurs ressources et leur bonne volonté, à la demande en matière de protection civile d’un pays ou d’un territoire frappé par une catastrophe. Cette réponse rapide, dans un contexte où les catastrophes ne connaissent pas de frontière, peut être envisagée au bénéfice de n’importe quel pays dans le monde.
Par le collectif (capacités et compétences), ce mécanisme se veut être un outil plus fort et plus cohérent, au service d’une résilience indispensable à nos sociétés. D’autant qu’il prévoit un volet préventif important afin d’anticiper et d’être prêt face à des évènements peu prévisibles.
QUEL RÔLE JOUE LA BSPP DANS LE MEPC ?
Trois leviers permettent aux états membres de contribuer au mécanisme européen. Si l’aide humanitaire (relevant du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères) ne concerne pas la BSPP, les deux autres sont une pleine compétence. Les modules de secours recouvrent notamment les aides en matériels et en personnels sur une zone de catastrophe. Les experts sont quant à eux projetés principalement en qualité de coordinateurs opérationnels ou de logisticiens. Dernièrement, la Brigade a participé à plusieurs missions et dans des contextes bien différents.
En janvier dernier, une mission de protection consulaire, à Wuhan (Chine) a permis notamment de rapatrier des ressortissants de 30 pays, dont la France, de cette zone devenue le cœur de l’épidémie de Covid-19. Janez Lenarcic, commissaire chargé de la gestion de crises, déclarait à ce titre : « L’Union Européenne n’oublie pas ses concitoyens dans le besoin, où qu’ils se trouvent dans le monde ».
En 2019, deux experts de la BSPP (CBA Raphaël Le Gall et CNE Laurent Onillon) ont été envoyés dans deux modules différents sur une mission d’expertise feux de forêts en Bolivie, afin de coordonner les envois de matériels et personnels. Plus tôt en 2017, une mission d’expertise a été exécutée à la Dominique suite à l’ouragan Irma (voir encadré ci-contre). Mais pour intégrer ce mécanisme européen, l’unité doit au préalable satisfaire à des critères de qualité, et ainsi être « certifiée ». Un processus qui permet de garantir un niveau élevé de qualité et une interopérabilité efficace. C’est à ce titre que la BSPP participe régulièrement à des stages de niveau européen et des exercices d’envergure. Les trois principaux stages sont :
MBC (modules basic course) qui est un module de base permettant notamment de participer aux exercices de niveau européen.
CMI (civil mechanism introduction) qui est un préalable nécessaire mais ne permet pas d’être projetable à court terme.
OPM (operational management course) qui attribue la qualification générique opérationnelle et qui permet de réaliser des missions d’expertise.
D’autres modules, facultatifs, permettent de monter en compétence et de se spécialiser dans un domaine (négociation, évaluation, sécurité). Et même de devenir, comme le LCL Raphaël Roche, actuel chef de corps du groupement des appuis et de secours (GAS), un « team leader » capable de prendre la direction d’une mission.
Les échanges, le drill1 et le partage des expériences restent seuls gages de performance dans la gestion de crises. Et la BSPP sait être proactive dans ce domaine puisqu’elle a organisé, sur son secteur de compétence, un exercice d’envergure baptisé Sequana, en 2016, sur le thème de la « crue centennale » en Île-de-France ; évènement prévisible, redouté et transposable dans de nombreux pays.
La communication est également un élément à prendre en considération : parler le même langage (celui du monde de la sécurité civile) et souvent aussi la même langue sont impératifs. « Toutes les formations sont en anglais. Un test de langue est prévu à chaque niveau de formation. Et sur le terrain, “it’s the same” », souligne le CBA Emmanuel Beignon, l’un des premiers experts formés de la BSPP. C’est à ce titre que les sauveteurs seront compatibles, complémentaires, interchangeables et au final, pleinement opératifs.
LE RENFORCEMENT DE LA PROTECTION CIVILE AU SEIN DE L’UE
En mars 2019, une nouvelle législation est venue renforcer ce mécanisme européen de protection civile. Dénommée rescEU, ce nouvel élément permet de constituer une réserve supplémentaire et réactive, en appui du dispositif actuel. Au-delà, ce système accentue la coopération entre les pays membres dans les domaines de la formation et du partage d’expériences.
Composé en premier lieu d’avions et d’hélicoptères bombardiers d’eau, d’autres moyens seront alloués à ce système au fil du temps. Et on pense particulièrement dans le contexte actuel aux moyens nécessaires pour faire face à des urgences médicales : évacuation sanitaire ou encore la mise en place d’un hôpital de campagne.
Mais le plus éloquent reste l’augmentation du budget consacré au MEPC de l’ordre de 200 %. Il est ainsi porté pour 2020 à plus de 1,4 Mds d’euros. Le réchauffement climatique et les catastrophes qui irrémédiablement devraient augmenter et s’intensifier semblent être la cause de cette réévaluation. Une pérennité du mécanisme en définitive bien funeste…
1 : Entraînement qui permet de rendre les personnes entraînées aptes à exécuter leur mission.
RETOUR SUR LA MISSION OURAGAN IRMA
Parler d’une mission à l’étranger, c’est « se remettre à chaque fois en question », nous raconte le CBA Beignon. Il faut « étudier le pays dans lequel on part, reprendre ses manuels et remettre à jour régulièrement ses connaissances ».
Pré-alerté le 26 septembre 2017 par un « brief » d’un peu moins de deux heures, il part dans la nuit pour la Dominique, en qualité d’expert coordination opérationnelle. En groupe d’experts ? Pas tout à fait puisqu’il arrive le premier sur un territoire dévasté par un ouragan de catégorie 5.
Après avoir pris contact avec le gouvernement local, ses premières mesures consistent à trouver une zone logistique pour l’ensemble des experts et constituer un embryon de centre opérationnel. Un stade de cricket, où un corps de Marines américains a élu domicile pour ses hélicoptères, apparaît comme le lieu idoine. Outre la protection des militaires en zone chaotique, une connexion internet et de petites salles permettent un confort plus qu’acceptable.
Le mandat est celui d’assurer la liaison entre l’Union Européenne et le gouvernement local et ainsi, de proposer une aide précieuse. Mais sur place, notre expert est loin d’être seul. De nombreuses organisations, gouvernementales ou non, sont également présentes. « On peut travailler avec eux ou bien rester de son côté, explique le commandant. Nous, on a choisi de coordonner nos forces avec l’ONU, par l’intermédiaire de l’UNDAC (évaluation et coordination des Nations Unies en cas de catastrophe) ». Parcourant entre 20 et 30 km par jour, « l’expérience humaine et professionnelle » permet d’avancer avec une passion commune entre les différents acteurs. « Des petites victoires, on en a plein tous les jours », avance le commandant non sans une certaine émotion. Avant de poursuivre : « Notre plus beau “coup” aura été la livraison d’un million de bouteilles d’eau par l’intermédiaire du gouvernement hollandais ».
À la BSPP, une quinzaine d’experts est formée et projetable sans délai. C’est peu et pourtant ces experts sont très régulièrement détachés en mission. « Notre disponibilité, notre rigueur et notre culte de la mission font que l’on s’intègre parfaitement au sein des groupes formés par le centre de coordination de la réaction d’urgence (ERCC) », analyse le CBA Beignon. Certes, la tenue UE ne ressemble pas beaucoup à celle de la Brigade. Mais la militarité, elle, ne peut être trahie quand nos experts sont à l’œuvre…