Histoire — Symbole de cohésion et de notre appartenance au monde militaire, le fanion et les insignes sont des marques collectives des unités ainsi que les garants d’un héritage patrimonial. Nous avons voulu comprendre leur évolution, leurs différences et leurs points communs. Panorama.
Le fanion circule, passe de main en main, c’est le trait d’union entre chaque période de commandement. Il cristallise les souvenirs, les traditions, l’amour et la fierté que l’on a d’être ou d’avoir appartenu à une compagnie plutôt qu’une autre. Ce dernier trouve son origine au XVIIIe siècle. Le but est simple : identifier les unités. Certes, l’ordonnance du 21 février 1779 crée le fanion de campagne, mais au sens moderne, ce sont les « Turcos » (tirailleurs algériens) qui lancent cette mode des fanions de bataillon et de compagnie. Le drapeau, resté au poste de commandement avec le colonel, laisse les compagnies, isolées dans de petites localités, sans repère. Le besoin impérieux de posséder un emblème symbolisant l’appartenance à l’unité pousse à sa création.
Une symbolique militaire
La pratique se généralise au cours de la Première Guerre mondiale. Les fanions prolifèrent et aucun règlement ne contrôle cette diversité. Il faut attendre la circulaire du 26 mai 1953 pour qu’une création soit obligatoirement précédée d’une demande d’homologation. Et plus récemment avec l’instruction concernant le patrimoine de tradition des unités de l’armée de Terre du 21 juin 1985.
Le 15 janvier 1972 fait date dans l’histoire des sapeurs-pompiers de Paris. Ce jour là, dans la cour de l’état-major Champerret, le général Perdu remet pour la première fois aux commandants d’unités les fanions de leurs compagnies.
Une histoire de couleurs
Visuellement, les unités se distinguent entre elles par les couleurs qu’elles arborent ; que ce soit par leur uniforme, leur pompon de coiffure ou leur fanion. L’attribution de ces couleurs est hiérarchisée dans les régiments de l’Infanterie dès le 25 décembre 1811 : le blanc (2e bataillon), le rouge (3e), le bleu (4e), le vert (5e), le jaune (6e). L’instruction de 1953 confirme le choix de ces couleurs pour chaque unité. Dans l’ordre de leurs numéros, les bataillons portent les couleurs bleu, garance, jonquille et vert ; de même pour les compagnies. Ainsi, les fanions présentent une combinaison de couleurs unique.
En 1972, quand sont remis pour la première fois les fanions aux compagnies, les codes couleurs font apparaître sept bataillons. Or, depuis le 11 août 1988, de nouveaux fanions homologués sont distribués aux unités. Les bataillons intramuros (Paris-Nord, Paris-Sud, Paris-Sud-ouest) et extramuros (Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne, Hauts-de-Seine) fusionnent entre eux pour former des groupements. Ce qui explique pourquoi les compagnies de petite couronne ont changé leurs codes couleurs. Par exemple : la 23e compagnie est passé de la combinaison jaune/bleu ciel (c’est-à-dire la troisième compagnie du bataillon Val-de-Marne) à rouge/vert empire (la sixième compagnie du 2e groupement). Depuis 2010, avec la création du GAS et du GSS, de nouvelles compagnies apparaissent, et donc de nouvelles couleurs sont distribuées.
Une histoire édifiante
Les premiers insignes militaires français apparaissent pendant la Grande Guerre. Peints sur les carrosseries des avions biplans ou des premiers tanks, ou encore portés en broche sur les uniformes. L’insigne est une révolution pour marquer symboliquement son appartenance à une unité. Chez les sapeurs-pompiers de Paris, ils émergent à partir de 1965. Leur nombre référencé est proportionnel à l’évolution de cet objet identitaire. Même si une directive sur l’état par groupement des insignes des unités (2013) répertorie ces derniers et réglemente leurs usages, rien n’empêche la création de nouveaux puisqu’ils ne nécessitent pas d’homologation. Cependant, une certaine cohérence historique et visuelle doit être observée.
À travers une lecture attentive de ces derniers, on peut deviner le secteur de compétence ou encore, un aspect de l’histoire locale. Mais parfois, les « meubles » sont un peu plus énigmatiques.
Les animaux fantastiques
Historiquement, les animaux ont toujours été des attributs de vertus masculines, guerrières ou encore des emblèmes familiaux. Que ce soit la vaillance du roi d’Angleterre Richard cœur de lion ou encore l’omniprésence du dragon, fabuleux reptile, largement utilisé par les peuples scandinaves et germaniques. Le dragon farouche gardien des trésors est également symbole d’une force invincible.
Crachant du feu, c’est tout naturellement « l’ennemi » du pompier. La 1re et la 27e compagnies arborent pourtant un dragon sur leur écusson. Cependant, son identification est une erreur puisqu’avec le temps il a été confondu avec la salamandre, animal chimérique autant à l’aise dans un milieu enflammé que dans un environnement humide. Sculptée sur les façades des casernes Port-Royal et Montmartre, elle est la véritable mascotte des sapeurs-pompiers de Paris car elle symbolise la résistance au feu et l’intrépidité.
Autre animal imaginaire, le phénix. Il est représenté sur les insignes de la 3e CIS. Mais depuis 2012, c’est le Lion de Belfort qui le remplace. Installé au centre de la place Denfert-Rochereau, il symbolise la résistance du siège de Belfort pendant la guerre franco-prussienne de 1870.
Ajoutons qu’un prototype d’écusson de cette même compagnie présentait une toute autre idée : un cochon couronné !
Mais bien souvent, l’animal présent est une évocation de la situation géographique de l’unité. La colombe de la 4e CIS, casernée rue du Vieux-Colombiers, est une référence au colombier de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés. Le dauphin de la 5e CIS fait écho à la caserne de la rue Dauphine. Le cerf de la 12e CIS rappelle qu’autrefois, sur le terrain occupé par la caserne de Ménilmontant, se trouvait le parc de Saint-Fargeau boisé et fréquenté par le grand gibier. Le tigre de la 16e CIS illustre quant à lui la présence de nombreux cirques dans cette partie de l’agglomération parisienne. Le cheval de la 17e CIS évoque la proximité avec l’hippodrome de Vincennes. Et enfin, le toucan de la 39e CIS interpelle sur le caractère exotique de cette unité basée en Guyane.
Des bâtiments et des monuments
La présence d’édifices parisiens et de banlieue sur les écussons est également très répandue. Pour de nombreuses compagnies, c’est une manière de se réclamer d’une ville, d’un quartier ou encore d’exalter la fierté de protéger ce site. Récemment, la 2e compagnie a ré-adopté la cathédrale de Notre-Dame. Historiquement, l’île de la Cité est son secteur de compétence et l’actualité du terrible incendie a renforcé cette identité.
Les compagnies parisiennes assu-rent la protection de nombreux monuments de la capitale : la Tour Eiffel (4e CIS), l’Arc de Triomphe (5e CIS), la statue de la Liberté (6e CIS), le Moulin-Rouge et l’Opéra Garnier (7e CIS), un des pavillons Baltard des anciennes halles et la statue de la République (8e CIS), le Sacré-Cœur (9e CIS), les gares du Nord et de l’Est ainsi que la Géode (10e CIS), ou encore le rappel historique du télégraphe aérien de Chappe datant de 1791 (12e CIS). D’autre part, la présence de nombreux détachements du GAS, sur des sites bien connus, est fortement représentée : BNF, Balard, musées du Louvre et d’Orsay.
La banlieue n’est pas en reste. Ses communes possèdent également leur lot d’édifices notoires comme : l’observatoire de Meudon et sa grande coupole du XIXe siècle (16e CIS), le château du parc de Sceaux achevé en 1862 (21e CIS), la basilique de Saint-Denis, tombeau des rois de France, et le stade de France construit en 1998 (26e CIS), ou encore le quartier de la Défense (28e CIS). À cette liste, nous pouvons ajouter l’occupation du Fort de Villeneuve-Saint-Georges.
Des interventions et des spécialités
Parfois, les éléments sur l’écusson illustrent l’activité opérationnelle. Le douloureux souvenir de l’embrasement des cités en 2005 (13e CIS) en fait partie, ou encore, plus surprenant, le risque constant d’incendies des dépôts pétroliers de Gennevilliers (27e CIS), où comment faire de la prévention au quotidien.
On y reconnait parfois aussi l’implantation spécifique d’unités de la BSPP au centre d’essais de lancement de missiles de Biscarosse (36e CIS) et au centre spatial guyanais à Kourou (39e CIS). Tout comme le rattachement historique de la station des bateaux-pompes de La Monnaie à la 4e compagnie, et d’équipes de plongeurs au CS Bitche (10e CIS). Cette dominante des moyens nautiques avec l’ancre et le bateau-pompe se retrouve également sur celui de la 40e compagnie.
Le sapeur-pompier de Paris aime afficher son domaine de spécialité. Nous retrouvons ainsi la roue des mécaniciens de Voluceau (32e CIS), la foudre symbole de l’arme des transmissions (37e CIS), les lignes du système binaire des informaticiens de la 47e compagnie, et enfin les signes du danger biologique et nucléaire des hommes de la compagnie NRBC (38e CIS).
Incontournable, la thématique pompier est omniprésente avec les haches ou encore les casques. Alors qu’un casque se dissimule en filigrane sur un ancien écusson de la 28e compagnie, la 15e CIS fait une référence à la fondation gallo-romaine de Champigny (Campennium, de son nom latin) avec un casque de légionnaire romain. Plus fonctionnelle, la 14e compagnie met en avant un dernier outil : la tricoise.
Une belle corbeille
Témoins du passé agraire et traditionnel de certains secteurs, des fruits se retrouvent sur les fanions. Les vignes et ses célèbres vendanges de la caserne Blanche (7e CIS), la grappe de raisin et la poire des vergers de Villejuif (22e CIS), ainsi que la pêche de Montreuil (24e CIS) alimentent une belle corbeille d’écussons.
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