Histoire — À l’occasion des commémorations du 75e anniversaire de la libération de Paris, le capitaine Emmanuel Ranvoisy et Didier Sapaut ont écrit un ouvrage, sur le rôle des pompiers de Paris pendant ces évènements historiques. Allo 18 en publie un extrait consacré à la journée du 25 août 1944.
Le matin du 25 août 1944, les chars de la 2e DB entrent dans la capitale. Ils vont réduire les points de résistance allemands : le Sénat, la Chambre des Députés, la caserne de la place de la République, les hôtels Majestic, avenue Kléber, et Meurice de la rue de Rivoli.
Depuis le 18 août, les hommes du Régiment partagent leurs activités entre leur mission traditionnelle d’extinction des feux et la participation à l’insurrection contre l’occupant. Pendant cette journée décisive, les opérations des pompiers « collent » à la progression de la 2e DB, que ce soit pour éteindre les incendies ou pour participer aux combats. À 15 heures, le général von Choltitz signe la reddition de ses troupes. À 16 h 30, le général de Gaulle arrive à Paris. Cette journée est la plus meurtrière pour le Régiment : six pompiers tombent au cours des combats. Pour l’ensemble des journées de la libération de la capitale, le Régiment compte quinze morts pour la France.
Le déploiement des drapeaux tricolores
11 h 30 : le capitaine Sarniguet, commandant le Centre d’instruction régimentaire, quitte la caserne Dupleix avec un détachement de cinq hommes pour rejoindre la Tour Eiffel. Le groupe gagne le sommet de la Tour par les escaliers. Le « commando » a emporté le drapeau tricolore, confectionné clandestinement par les femmes des officiers et sous-officiers de la caserne à l’aide de draps teints.
12 h 00 : l’emblème tricolore est hissé, indiquant aux Parisiens le succès de l’insurrection. Au même moment, un autre détachement de sapeurs-pompiers, sous le commandement du capitaine Bernard, déploie sous la balustrade de l’Arc de Triomphe un immense drapeau français de vingt-deux mètres.
L’attaque de l’hôtel Majestic
L’hôtel Majestic, avenue Kléber (XVIe arrondissement), a été le siège du commandement militaire allemand en France pendant l’occupation.
13 h 00 : attaque de l’hôtel Majestic par les chars de la 2e DB. Les sapeurs-pompiers positionnés au sommet de l’Arc de Triomphe (poste d’observation du Centre régimentaire de renseignements (CRR) signalant les points d’impact des bombes) renseignent sur l’évolution de la situation. Une section de sapeurs-pompiers participe à l’assaut. Le sapeur Ponramon (Dupleix) est blessé. À la suite de la prise de l’hôtel, les pompiers ramènent des prisonniers à l’État-major Champerret.
Feu au Quai d’Orsay et au Palais Bourbon
12 h 24 : intervention des pompiers des CS de Grenelle, Malar, Champerret, pour violent feu au ministère des Affaires étrangères, rue de Constantine, à l’angle de la rue de l’Université (VIIe arrondissement) où des combats très violents ont lieu entre les chars d’un sous-groupement de la 2e DB et les troupes allemandes retranchées dans l’édifice. Si les pompiers arrivent à 12 h 27, le feu ne sera attaqué qu’à 20 heures au moyen de deux grosses lances et deux petites. En effet, par ordre du chef de bataillon, commandant le détachement blindé, les opérations d’extinction ne sont pas tout de suite entreprises. Les pompiers sont « mis en réserve »à la Maison de la Chimie, rue Saint-Dominique. L’incendie ne sera éteint que le 26 août à 5 h 35 du matin. Le feu aura ainsi brûlé durant sept heures avant que les secours ne puissent intervenir. Bien que les dégâts soient très importants, les archives diplomatiques d’une très grande valeur seront sauvées.
13 h 15 : les pompiers des CS Saint-Honoré, Auteuil, Dauphine, Grenelle, Champerret interviennent pour feu au Palais Bourbon, du côté de la rue de Bourgogne. Comme le ministère des Affaires étrangères, la Chambre des Députés abrite un important contingent de troupes allemandes. Les hommes de la 2e DB ayant demandé que l’intervention soit retardée, les pompiers ne peuvent attaquer le feu qu’à 20 heures. Les hommes arrivent à préserver la bibliothèque qui n’est pas encore atteinte et à enrayer la progression des flammes vers la salle des séances.
03 h 00 : les hommes du Régiment opèrent le déménagement des livres et le bâchage de la bibliothèque. Ils sauveront ainsi de nombreux ouvrages très rares.
Les exploits du sous-lieutenant Pollingue
Le sous-lieutenant Pollingue, issu du Génie, rejoint le Régiment le 5 août 1944 et est affecté à une compagnie clandestine d’intervention, basée au CS Colombier.
Le 24 août au soir malgré les patrouilles des soldats allemands, Pollingue, se rend à la gare de Bercy avec un détachement pour inspecter un train de munitions allemand et envoie un camion d’armes et de munitions à la préfecture.
Le 25 août, pendant l’intervention au Quai d’Orsay, un acte héroïque est accompli par l’officier : le sous-lieutenant Bureau, chef du char Saint-Cyr de la 2e DB, est abattu par les allemands alors que son blindé tire sur l’aile du ministère longeant la rue de Constantine. Le souslieutenant Pollingue se précipite alors pour le remplacer et tire à la mitrailleuse sur la fenêtre d’où partent les balles jusqu’à mettre l’ennemi hors d’état de nuire.
Dans la soirée de ce 25 août, après la reddition des troupes allemandes retranchées au Sénat, Pollingue est appelé pour désamorcer des charges explosives dissimulées dans les centraux téléphoniques souterrains. Pour le repérage, il se fait accompagner par deux prisonniers allemands. L’un d’eux s’empare d’une grenade et menace de se faire sauter. Le sous-lieutenant Pollingue l’abat sur le champ. L’allégresse de la libération règne à la caserne de la Cité, désormais délivrée des assauts. À midi, la musique des sapeurs-pompiers commence à jouer dans la cour. Vers 13 heures, cette dernière sort du bâtiment pour jouer sur la place. Elle est acclamée par la foule en liesse.
Les combats pour la prise de l’état-major allemand
L’après-midi du 25 août marque le dernier acte de la résistance allemande : les chars de la 2e DB attaquent l’hôtel Meurice, rue de Rivoli (Ier arrondissement), siège du commandement militaire allemand. Pendant toute l’attaque, les pompiers de Paris interviendront à plusieurs reprises sous les tirs et dans des conditions périlleuses dans la zone avoisinant l’hôtel.
14 h 19 : les pompiers du CS Blanche interviennent sur feu de camion allemand transportant des fûts d’essence place de l’Opéra. Celle-ci est alors balayée par des rafales de tirs provenant de l’avenue de l’Opéra et de la Kommandantur, située au coin de la rue de la Paix.
14 h 40 : les pompiers du CS Blanche interviennent au 6 rue de Castiglione (Ier arrondissement) où sept véhicules allemands sont la proie des flammes ainsi qu’une pharmacie. À l’approche de la
place Vendôme, les tirs provenant de l’hôtel Meurice et de l’hôtel Continental en direction de la rue de la Paix empêchent l’accès au véhicule de secours alors laissé à l’abri rue des Capucines. Protégés
par les arcades, les pompiers effectuent une reconnaissance à pied, jusqu’à la rue du Mont-Thabor.
14 h 44 : les pompiers du CS Saint-Honoré interviennent rue d’Alger pour l’extinction de trois véhicules allemands (un camion et deux voitures) en feu. L’incendie s’est propagé sur les façades des bâtiment avoisinants. L’intervention s’effectue sous la protection d’un char de la 2e DB qui neutralise les tirs ennemis venant d’une maison voisine.
14 h 54 : les hommes du CS Levallois interviennent pour l’extinction d’un feu sur un char de combat allemand face au 3 rue de Castiglione (Ier arrondissement). Le feu résulte de la projection d’engins incendiaires sur le char. L’extinction est terminée à 16 heures.
14 h 40 : les pompiers du CS Boursault interviennent sur feu de camion allemand face au 2 rue d’Alger. Ce véhicule est chargé de denrées diverses et de munitions.
14 h 56 : les sapeurs-pompiers des CS Levallois et Malar interviennent au 44 rue du Mont- Thabor pour un incendie au deuxième étage des bureaux decommuniqué par les véhicules allemands incendiés dans la rue. Au coin de la rue de Rivoli et de la rue Saint-Florentin, un poste de secours est mis sur pied par le médecin-auxiliaire Lacourt, du régiment des sapeurs-pompiers.
15 h 02 : les hommes du CS Rousseau interviennent rue de Castiglione, à l’angle de la rue de Rivoli (Ier arrondissement), pour des véhicules allemands (chenillettes, chars et voitures) en proie aux flammes. L’extinction s’effectue à l’aide de trois petites lances. L’opération est terminée à 18 h 55.
17 h 00 : les pompiers du CS Blanche interviennent au jardin des Tuileries (Ier arrondissement) où vingt-deux véhicules allemands sont en flammes. L’opération d’extinction dure trois heures pour se finir à 20 h 35.
À l’assaut de l’école militaire
Les chars de la 2e DB lancent l’attaque de l’École militaire vers midi.
14 h 30 : un détachement de 40 sapeurs-pompiers commandé par le capitaine Sarniguet, participe à la prise de l’École militaire aux côtés des soldats de Leclerc.
16 h 30 : au moment de la reddition, le lieutenant Mouchonnet (CS Grenelle) fait prisonnier 122 soldats et six officiers allemands. Ils sont conduits au quartier Dupleix.
19 h 15 : Le général de Gaulle arrive à l’Hôtel de Ville, en provenance de la préfecture de Police. Les sapeurs-pompiers participent au service d’ordre. Paris est libéré !