#BrigadeInside — Avec l’urbanisation toujours croissante de la mégapole parisienne et le Grand Paris Express, la BSPP renforce sa réponse opérationnelle. Le centre de secours d’Ivry-sur-Seine illustre cette montée en puissance en intégrant une composante exploration longue durée. Décryptage d’une caserne pas comme les autres !
« Dans les mégapoles, les risques d’incendie en infrastructures ont fortement évolué, analyse le capitaine Xavier Guibert, conseiller technique de la composante ELD. On y trouve aujourd’hui une multitude de chantiers souterrains, de tunnels routiers, de métros et de trains, bien plus longs et plus profonds. Viennent se rajouter, encore sous nos pieds, des kilomètres de galeries techniques. Sans oublier le nombre croissant de parcs de stationnement couvert (PSC). Il y a encore quelques années, les feux de PSC étaient relativement anecdotiques et peu volumineux. Aujourd’hui, il n’est pas rare que les sapeurs-pompiers en Europe soient confrontés à des incendies hors normes. » Ces situations s’expliquent par l’évolution des risques. Les PSC construits dans les années 60 vieillissent et ne répondent pas toujours aux normes de sécurité. Parfois même s’y installent d’autres activités comme le stockage ou parfois le commerce. Le PSC est même devenu un lieu de vie pour les infortunés. Les plus modernes s’enfouissent de plus en plus : jusqu’à dix niveaux en infrastructure pour Paris. Les engins ont également évolué : hier on trouvait des véhicules essence ou diesel. Aujourd’hui, les véhicules électriques, à gaz et à hydrogène se sont ajoutés à l’équation. Ils sont fabriqués entièrement en plastique et souvent plus larges que les voitures d’antan. Tous ces facteurs amènent le feu à se propager plus rapidement en cas d’incendie. L’engagement du sapeur-pompier en devient d’autant plus complexe.
Ces nouvelles problématiques s’inscrivent dans la durée. « Le chantier du grand Paris Express illustre bien l’envergure de cette mission avec ses immenses tunnels longs de plusieurs kilomètres, poursuit l’officier. Sans oublier les lignes existantes qui s’allongent (métro 14, RER E, etc.) et la création des lignes 15, 16, 17 et 18. » Les feux d’infrastructures risquent ainsi de se multiplier. En résumé, un défi de poids pour les soldats du feu.
UNE NOUVELLE CASERNE POUR LES ELD
La composante exploration longue durée (ELD), adaptée à ce type d’intervention, constitue le meilleur atout de la Brigade pour lutter contre ces phénomènes. Depuis trois ans, une montée en puissance s’organise à l’état-major (EM). « Avec seulement deux centres de secours ELD, basés à Issy-les-Moulineaux (GIS3) et au Blanc-Mesnil (GIS1), il devenait très difficile de couvrir efficacement la totalité du secteur Brigade, insiste le capitaine Guibert. Sur des secteurs lointains, notamment en extra-muros dans le deuxième groupement d’incendie et de secours, un groupe ELD mettait plus d’une heure à se mettre en place avant de s’engager. Un délai bien trop long. »
Rapidement, le commandement de la BSPP, et notamment le bureau planification opérationnelle (BPO), prévoit la création d’une troisième caserne ELD dans le deuxième groupement d’incendie et de secours (GIS2). « Nous devions trouver une caserne suffisamment grande pour accueillir des engins supplémentaires et bien desservie par les autoroutes et le périphérique » justifie-t-il. Après une étude approfondie, le choix s’est porté sur le centre de secours d’Ivry-sur-Seine de la 2e CIS.
Créée en 2014, cette caserne profite de 4.800 m² d’espace, d’une grande cour et d’une remise capable d’accueillir de nouveaux engins. Elle offre un cadre de vie idéal pour ses militaires. « Nous avons accès à l’A86, à l’A4, à l’A6, au boulevard périphérique, aux quais et même à plusieurs “dropzones” confirme l’adjudant Michael Teissier, chef de centre d’Ivry-sur-Seine. Nous sommes idéalement implantés sur le secteur. Les conditions sont idéales pour le déploiement rapide des ELD sur le secteur du GIS2 ! »
LA FORMATION, UN ENJEU CRUCIAL
L’armement de la composante ELD s’est fait progressivement. « Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que tous les militaires d’une caserne ELD doivent avoir cette certification, insiste le sous-officier. Une garde ELD arme à la fois des engins typiques d’un CS, tel que le VSAV et le fourgon, tout en étant apte à décaler pour une intervention ELD. Pour être plus clair : le fourgon est omnibus avec le camion exploration longue durée (CELD), et la VL chef de garde est aussi une VL GELD. »
Pour recréer une caserne ELD, trois axes de développement s’appliquent : l’emploi, la logistique et la formation. « C’est le dernier volet qui s’est avéré être le plus difficile à gérer, reprend le capitaine Guibert. Une formation ELD est lourde à mettre en place : au maximum huit stagiaires, quatre formateurs et un directeur de stage sur quinze jours. Dont trois dans le sud avec le centre d’entraînement aux techniques d’intervention et de survie (CETIS) intitulé : engagement en conditions extrêmes (ECE), et géré par le bataillon des marins-pompiers de Marseille (BMPM). »
Former des personnels pour les deux centres de secours déjà existants tout en cherchant à remplir la caserne d’Ivry-sur-Seine s’avère donc particulièrement difficile. « Concrètement, je devais former trois fois plus d’hommes et femmes tout en maintenant le niveau global. Malheureusement, la crise de la Covid-19 a inexorablement ralenti notre projet, admet Xavier Guibert. Nous n’avons pu commencer les stages qu’en septembre ce qui nous a limité à quatre formations sur l’ensemble de l’année 2020, bien moins que ce que nous espérions. » Si la crise de la Covid-19 se ralentit, le capitaine espère qu’il pourra organiser sept stages pour 2021.
GESTION & ORGANISATION
En parallèle, une politique RH d’ampleur s’est organisée. « Nous avons proposé à tous les militaires d’Ivry-sur-Seine d’être formés ELD. Pour ceux qui ne souhaitaient pas rejoindre l’aventure, des mutations ont été préparées en amont pour satisfaire au mieux les préférences de chacun, explique le chef de centre. Par la suite, une importante politique de recrutement s’est mise en place. En fin d’année, tout s’est accéléré : quatorze de mes hommes sont partis et vingt-et-un volontaires ont passé la porte d’Ivry-sur-Seine. » Sans oublier le réajustement du référentiel des effectifs en organisation (REO) avec l’arrivée du véhicule renfort brancards (VRB), intégré pleinement dans le module GES (voir encadré) et activé au CS à partir de mi-décembre. L’adjudant peut également compter sur l’arrivée prochaine de sous-officiers, issus des autres CS ELD, afin de profiter de leur riche expérience opérationnelle.
La logistique d’Ivry-sur-Seine s’avère plus conséquente que dans un CAS classique. « Avec le nombre croissant d’engins et d’EPI, j’ai trois fois plus d’hommes au service remise. L’entretien a pris une ampleur inédite, notamment pour le parc gaz comprimé : multiplié par trois avec l’intégration des ARI à circuit fermé, justifie Michael Tessier. Sans oublier les ARI standards, les masques, les masques araignées et les SAD. » Auparavant, le chef de centre ne disposait que de trois conducteurs et d’un gradé. Aujourd’hui, il lui faut six conducteurs, trois gradés, un sergent et un sergent, chef de garde, pour suivre la cadence. Sans oublier le volet SSH. La multiplication des protocoles d’hygiène prévention incendie (HPI) impose la dotation de trois tenues de feu pour chacun de ses hommes.
Par ailleurs, cette composante reste particulièrement sollicitée à l’échelle de la Brigade. « Nous serons employés dix à quinze fois par mois pour des exercices, formation de maintien des acquis (FMA), caves à fumée et présentation ELD. Sans compter les rendez-vous inhérents à toutes les casernes tels que les cérémonies et examens. Je dois bien évidemment prendre en compte tous ces facteurs dans mes plannings ». Plusieurs de ses hommes n’étant pas encore formés, le chef de centre active la composante ponctuellement, en fonction de sa garde. « Sur un mois, je fais le maximum pour que la ressource ELD soit le plus souvent disponible ! »
En attendant qu’ils soient tous formés, l’adjudant Michael Teissier poursuit la mutation de son centre de secours et adresse un dernier message aux COS : « n’hésitez pas à demander un groupe ELD sur intervention. Nous sommes une réelle plus-value pour la composante incendie, alors autant faire appel à nous ! ».
JE DEMANDE UN GROUPE ELD !
Sur feu, les ELD profitent d’une exceptionnelle souplesse d’emploi. La limite des 25 minutes de temps d’engagement ne s’appliquant pas, une équipe ELD peut poursuivre ses engagements aussi longtemps que le permettent les bouteilles d’air : soit 1h en moyenne.
Les équipes n’utilisent pas non plus de ligne-guide et peuvent donc dépasser les 50 m de distance. On ne parle plus de reconnaissances mais bien d’exploration.
Particulièrement variées, les missions réalisables par les ELD constituent un véritable atout pour le COS : exploration, extraction, extinction, effraction ou encore appui (sécuriser, guider, baliser, éclairer, etc.).
LE GROUPE D’EXTRACTION SPÉCIALISÉ (GES)
Tous les personnels ELD suivent une formation complémentaire impliquant l’extraction de victimes dans un contexte d’attentat, de périple meurtrier ou de prise d’otage. Cette composante s’intègre dans une manœuvre d’ensemble aux côtés des forces de police.
Sur la zone d’intervention, le GES doit prendre en compte le nombre de blessés, la nature des blessures, la complexité du terrain et le désordre généré. Ces situations exceptionnelles impliquent un mode d’action privilégiant une approche et une prise en charge rapide : sauvetage, traitement des pathologies les plus graves, triage et évacuation vers les points de regroupement des victimes.
Les militaires doivent s’attendre à traiter de nombreuses victimes dont la pathologie dominante est celle des blessures de guerre.
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