NOUVEAUX CHEFS DE CORPS (2) — Colonel Kieffer au GIS 3

Har­ry Cou­vin —  — Modi­fiée le 25 juillet 2024 à 09 h 18 

#BrigadeInside — Le colonel François Kieffer a pris en juin dernier le commandement du troisième groupement d’incendie et de secours. Un groupement où il a déjà servi à deux reprises. Il arrive néanmoins avec beaucoup d’humilité et un cap sans équivoque.

« Simplicité, efficience et subsidiarité ! »

Mon colo­nel, racon­tez-nous trois moments forts de votre car­rière…
Votre ques­tion n’est pas évi­dente car nos car­rières sont très variées…
Je retien­drai tout d’abord ma pre­mière expé­rience opé­ra­tion­nelle. Avant de pou­voir rejoindre la BSPP j’ai ser­vi deux ans au 68e régi­ment d’artillerie d’Afrique. Quatre mois après avoir rejoint le régi­ment, j’ai été pro­je­té en opé­ra­tion exté­rieure en Bos­nie-Her­zé­go­vine. La mis­sion consis­tait à recueillir des infor­ma­tions et du ren­sei­gne­ment d’ambiance au contact de la popu­la­tion, des acteurs locaux, civils, mili­taires, poli­tiques et reli­gieux. J’étais à la tête d’un petit déta­che­ment com­po­sé de quatre sous-offi­ciers, trois sol­dats et deux inter­prètes. Je béné­fi­ciais d’une com­plète auto­no­mie logis­tique. Mon CDU (com­man­dant d’unité) était à deux heures de route de ma posi­tion. J’avais tout ce dont un chef peut rêver : une mis­sion pas­sion­nante, des moyens suf­fi­sants, et une réelle auto­no­mie. Ce fut une aven­ture par­ti­cu­liè­re­ment riche pour un jeune lieu­te­nant !
Autre moment opé­ra­tion­nel fort, à la Bri­gade cette fois, où j’étais offi­cier de garde com­pa­gnie lors d’un feu d’immeuble à Saint-Ouen une nuit d’avril 2011. Avant même que je ne me pré­sente sur les lieux, le chef de garde, chef de centre très aguer­ri, avait deman­dé un ren­fort habi­ta­tion puis un plan rouge trois minutes plus tard. À mon arri­vée, une dizaine de per­sonnes sont sur les toits dont une femme tenant son enfant dans les bras. Des flammes s’échappent de la toi­ture. L’ensemble de la cage d’escalier et les deux der­niers niveaux sont tota­le­ment embra­sés. Il faut alors se for­cer à faire le point serei­ne­ment avec le chef de garde et essayer de mettre de l’ordre avec ses équipes dans une situa­tion chao­tique. Ces moments que l’on vit ensemble face au risque et dans l’urgence demeurent émo­tion­nel­le­ment puis­sants, ils nous soudent, on ne les oublie pas.
Enfin, de manière plus géné­rale, le temps de CDU est un moment intense où l’on vit plei­ne­ment ce pour­quoi on s’est enga­gé : fédé­rer ses hommes, com­man­der en inter­ven­tion et ser­vir une cause qui nous dépasse. J’ai eu le pri­vi­lège de me voir confier une grande uni­té qui comp­tait quatre centres de secours, la 21e com­pa­gnie. J’ai eu la chance d’avoir une équipe d’officiers exem­plaires à l’état d’esprit irré­pro­chable com­po­sée de Saint-Cyriens et d’OAEA (offi­ciers d’active des écoles d’armes). Cet alliage des extrêmes fonc­tionne très bien : la fougue de la jeu­nesse et l’expérience du vieux sol­dat du feu. Mes chefs de centres étaient vrai­ment hors-normes, des hommes de très grande valeur. Tous sont offi­ciers aujourd’hui. C’est un hon­neur et une res­pon­sa­bi­li­té enthou­sias­mante de conduire le des­tin d’une com­mu­nau­té d’hommes et de femmes.
Je ne raconte pas mon temps de chef de corps car je n’en suis qu’au début de l’histoire ! Mais dans ces pre­miers mois à la tête du grou­pe­ment, je retrouve déjà les joies que j’ai connues en tant que com­man­dant d’unité.

Quelle image aviez-vous du grou­pe­ment, que désor­mais vous com­man­dez ?
Je connais­sais le GIS 3 pour y avoir ser­vi comme CDU de la 21ᵉ com­pa­gnie de 2011 à 2013, puis chef BOI (bureau opé­ra­tion-ins­truc­tion) de 2019 à 2021. J’avais néan­moins besoin d’une « mise à jour », la ver­sion 2023 du grou­pe­ment, car nous sommes dans un contexte qui évo­lue rapi­de­ment. Le per­son­nel change, les modes opé­ra­toires évo­luent et il faut tou­jours se remettre en ques­tion. Ain­si, dès ma prise de fonc­tions, j’ai lan­cé « l’opération éponge ». Elle consis­tait à faire le tour de l’ensemble des PC de com­pa­gnie, des CS puis des sec­tions de l’état-major pour m’imprégner du grou­pe­ment. J’avais besoin d’écouter, de com­prendre et d’échanger avec mes subor­don­nés.
Avec du recul, ce qui fait le plus plai­sir, c’est de voir le che­min par­cou­ru par cer­tains. Des jeunes sapeurs que j’ai accueillis quand j’étais CDU sont aujourd’hui de solides sous-offi­ciers. Plu­sieurs de mes anciens ser­gents-chefs occupent main­te­nant les fonc­tions de chef de centre et même de com­man­dant d’unité ! J’ai aus­si beau­coup de chance de retrou­ver dans mon état-major une équipe que je connais bien. Mon com­man­dant en second, le lieu­te­nant-colo­nel Lepou­riel, était chef de cabi­net lorsque j’étais assis­tant mili­taire du géné­ral Pon­ce­lin de Rau­court. Le lieu­te­nant-colo­nel Gal­lou (chef BOI) ser­vait au GIS3 quand je com­man­dais la 21 puis nous avons eu l’occasion de faire ensemble une belle mis­sion au Chi­li en 2015. Le DRH, le capi­taine Jaoua­net, était un de mes adjoints au BOI.
Dans ces condi­tions, en juin der­nier, j’ai eu l’impression de reve­nir à la mai­son. J’ai retrou­vé cette sim­pli­ci­té dans les rela­tions qui fait l’identité du GIS3 depuis long­temps. Un esprit de famille qui per­dure encore aujourd’hui.

J’ai retrou­vé cette sim­pli­ci­té dans les rela­tions qui fait l’identité du GIS3 depuis long­temps. Un esprit de famille qui per­dure encore aujourd’hui.

Quel va être votre cap dans ce temps de com­man­de­ment ?
Au len­de­main de ma prise de com­man­de­ment, j’ai pré­sen­té aux cadres du grou­pe­ment « l’intention du chef de corps ». Ce docu­ment de quatre pages, visait à fixer d’emblée le cap : le contrat opé­ra­tion­nel du GIS3 doit être rem­pli par des sapeurs-pom­piers épa­nouis en déga­geant du temps utile pour les chefs tac­tiques. Pour y par­ve­nir, j’ai défi­ni quatre objec­tifs : 1°) for­ger une chaîne de com­man­de­ment robuste et une com­mu­nau­té fière de son iden­ti­té, 2°) garan­tir l’efficacité opé­ra­tion­nelle du GIS3 par une pré­pa­ra­tion opé­ra­tion­nelle adap­tée et une inter­opé­ra­bi­li­té ren­for­cée, 3°) assu­rer la meilleure adé­qua­tion entre les besoins RH du grou­pe­ment et les aspi­ra­tions, les com­pé­tences et le poten­tiel de cha­cun, 4°) pré­ser­ver l’outil de tra­vail du sapeur-pom­pier, prio­ri­ser les demandes de sou­tien et en assu­rer le sui­vi. Sur­tout, j’ai défi­ni un prisme qui doit impré­gner l’ensemble de notre action : sim­pli­ci­té, effi­cience, sub­si­dia­ri­té. Pour la sim­pli­ci­té, je me réfère à Napo­léon 1ᵉʳ : « La sim­pli­ci­té est la condi­tion de la réus­site de toute bonne manœuvre ». L’efficience syn­thé­tise les prin­cipes de la guerre du maré­chal Foch que sont « l’économie des forces et la concen­tra­tion des efforts ». Quant à la sub­si­dia­ri­té, le chef d’état-major de l’armée de Terre la pré­co­nise dans « le com­man­de­ment par inten­tion » pour que chaque niveau de res­pon­sa­bi­li­té garde une cer­taine liber­té d’action et soit épa­noui dans sa mission.

Ques­tion sub­si­diaire (jus­te­ment !) : quelle ques­tion auriez-vous aimé que je vous pose ?
C’est dif­fi­cile… Disons, quelle fonc­tion aurais-je aimé occu­per à la Bri­gade ?
Et la réponse ? Chef de centre ! Pour l’unicité de lieu, l’ancrage dans la vie locale et le contact quo­ti­dien avec les opé­ra­tions. Si on me le pro­pose à l’issue de mon temps de chef de corps, je n’exclus pas de répondre favo­ra­ble­ment (rires)

Photo SCH Nicholas Bady