PARCOURS — Capitaine Nicolas Lux, des JSPP à CDU

Raphaël Orlan­do —  — Modi­fiée le 18 décembre 2024 à 06 h 23 

#BrigadeInside — Les parcours professionnels à la Brigade sont parfois tortueux, mais toujours particuliers. Celui du capitaine Nicolas Lux est finalement assez rare, même s’il devrait se rencontrer plus souvent. Il est le premier JSPP à atteindre ce poste de commandement.

Mon capi­taine, pour­riez-vous vous présenter ?

Je suis le capi­taine Nico­las Lux, 34 ans, marié, deux enfants. Je suis le com­man­dant d’unité de la 11e com­pa­gnie depuis juin 2023 et je suis issu des Jeunes Sapeurs-Pom­piers de Paris (JSPP).
Mon cur­sus pom­pier com­mence en 2006 avec les JSPP. J’y intègre la sec­tion affec­tée à la 15e com­pa­gnie à Cham­pi­gny (94), pen­dant deux ans. À l’issue de ces deux années, je signe un contrat de réser­viste (ESR) et fait par­tie des pre­miers réser­vistes à la Bri­gade puisque le dis­po­si­tif est très récent. Dans un pre­mier temps, j’intègre le centre de secours Cham­pi­gny, puis à la suite d’une restruc­tu­ra­tion, je suis muté à la Com­pa­gnie de Com­man­de­ment et de Logis­tique n°2 (CCL2). En paral­lèle de ces réserves, je suis un mas­ter en trans­port et logis­tique que je réa­lise sur la plaque pari­sienne. En 2015, mas­ter en poche, je m’engage dans l’armée au CIRFA de Paris. Je vais suivre la for­ma­tion d’officier sous contrat (OSC) d’un an à Saint-Cyr et ensuite, j’opte pour la divi­sion d’application du Génie à Angers. À l’issue de cette année en 2017, j’ai l’honneur de choi­sir la Bri­gade de Sapeurs-Pom­piers de Paris et je pour­suis avec la For­ma­tion Ini­tiale des Offi­ciers (FIO) pen­dant un an avant d’être affec­té à la 23e com­pa­gnie que je ne vais pas quit­ter pen­dant quatre ans. En 2021, je suis muté à la 11e com­pa­gnie pour deux ans de com­man­dant d’unité adjoint dont une opé­ra­tion exté­rieure, et je deviens CDU le 9 juin 2023.

Pour­riez-vous nous par­ler des JSPP ?

Le dis­po­si­tif JSPP est un pro­gramme que la Bri­gade a lan­cé en 2005. Cela s’inspire de ce que réa­lisent les SDIS depuis long­temps. L’idée, c’est de recru­ter des ados de 14 – 15 ans et de les for­mer tous les same­dis de l’année, direc­te­ment dans une caserne.
Pen­dant cette for­ma­tion, l’ensemble du spectre pom­pier est balayé. On y apprend la lutte contre les incen­dies, les sau­ve­tages, le secours à vic­times. Mais pas que ! On leur apprend aus­si des bases de la vie mili­taire, on leur donne des cours de culture géné­rale, d’éducation civique, et bien sûr, on y fait éga­le­ment du sport orien­té sur la cohé­sion.
Le but, est de les pré­pa­rer pour qu’ils puissent inté­grer la Bri­gade plus tard, tout en atti­rant des jeunes qui viennent de milieux très différents.

Votre par­cours en tant que JSPP vous a‑t-il moti­vé ou don­né des ins­pi­ra­tions à deve­nir officier ?

Au début de mon aven­ture en tant que JSPP, je ne me suis pas dit que j’allais deve­nir offi­cier. Je pense que c’est un mélange de plu­sieurs choses qui m’y ont gui­dé. D’un côté, ma situa­tion fami­liale m’a pous­sé à faire de grandes études de l’autre, cette atti­rance pour l’armée, la rigueur mili­taire, l’aventure, cet esprit d’altruisme.
En paral­lèle, j’ai tou­jours gar­dé cette pas­sion pour les pom­piers, c’était quelque chose qui fai­sait par­tie de moi. Petit à petit, je me suis dit que deve­nir offi­cier pour­rait vrai­ment me cor­res­pondre. Et d’autant plus si j’arrivais à choi­sir la BSPP.

Com­ment cela est per­çu par les hommes et femmes de votre com­pa­gnie que d’avoir un chef ancien JSPP ?

Dès ma pre­mière pré­sen­ta­tion à la 11e com­pa­gnie, j’ai expo­sé mon par­cours chez les JSPP et dans la réserve opé­ra­tion­nelle. C’était impor­tant pour moi de mon­trer à mes femmes et hommes que je peux com­prendre leur quo­ti­dien, la ges­tion des inter­ven­tions, qu’elles soient dif­fi­ciles ou au contraire plus posi­tives, la fatigue, le secours à toute heure…. Même si je ne vis pas leur quo­ti­dien à 100 %, je connais ce milieu, je l’ai déjà pra­ti­qué. Et puis, il faut le dire, j’étais réser­viste dans les années 2010. Depuis, la Bri­gade a beau­coup évo­lué, et elle est deve­nue encore plus atten­tive et bien­veillante envers ses hommes.

Votre par­cours a‑t-il influen­cé votre commandement ?

Oui, mon par­cours joue inévi­ta­ble­ment dans ma manière de com­man­der. C’était un rêve d’enfant que de deve­nirs pom­piers, et cela s’est trans­for­mé. Je m’appuie beau­coup sur cette pas­sion, mais aus­si sur l’exemplarité et la bien­veillance. Pour moi, c’est essen­tiel de mon­trer l’exemple, de res­ter proche des équipes et de com­prendre ce qu’elles vivent. Ce par­cours, avec toutes les étapes que j’ai fran­chies, m’aide à légi­ti­mer mon rôle et ma fonc­tion. Ça m’a aus­si per­mis de façon­ner ma manière de com­man­der, de trou­ver un équi­libre entre exi­gence et une cer­taine empathie.

Avez-vous une anec­dote à nous racon­ter en tant que JSPP ou autre ?

Quand j’étais JSPP, j’avais mes for­ma­teurs, mais une fois arri­vé au bout du dis­po­si­tif, on s’est un peu per­dus de vue, ce qui est nor­mal. Et puis quand je suis reve­nu à la Bri­gade en tant que lieu­te­nant, for­cé­ment, les retrou­vailles ont été assez ori­gi­nales, voire un peu lou­foques ! Ils étaient ravis de mon par­cours.
Et puis le phé­no­mène s’est repro­duit pen­dant ma for­ma­tion ini­tiale des offi­ciers, car l’un de mes for­ma­teurs est ensuite deve­nu mon chef de centre. C’était assez par­ti­cu­lier comme situa­tion, mais vrai­ment sympa.


Pou­vez-vous nous par­ler des classes Défense, et ce par­rai­nage a‑t-il été influen­cé par votre par­cours en tant que pre­mier offi­cier issu des JSPP ?

Les classes Défenses consti­tuent un autre dis­po­si­tif jeu­nesse, à part des jeunes sapeurs-pom­piers de Paris. L’idée, c’est de tou­cher un autre public, des jeunes qui ont besoin d’être gui­dés et qui s’orientent sou­vent vers des métiers liés à la sécu­ri­té. Comme pour les JSPP, le pro­gramme est cen­tré sur la jeu­nesse. Inévi­ta­ble­ment, le pro­jet me tient à cœur. Le but est de leur mon­trer que même si les études peuvent être com­pli­quées ou si l’école ne leur cor­res­pond pas, à la BSPP, il existe des oppor­tu­ni­tés. On met en avant les pers­pec­tives de car­rière, les pos­si­bi­li­tés d’évolution, et sur­tout, le fait que l’on exerce un métier extra­or­di­naire. Je trouve ça super impor­tant d’accompagner nos jeunes, peu importe leur milieu ou leurs capa­ci­tés, pour les aider à entrer dans le monde du tra­vail. En plus, ce dis­po­si­tif per­met de démys­ti­fier un peu notre métier. Sou­vent, ils ima­ginent que c’est une vie mili­taire hyper stricte, ou cet aspect de « sur­homme » qui peut leur sem­bler inac­ces­sible. Avec ce pro­gramme, on leur montre une autre facette : la vie de cohé­sion, l’entraide col­lec­tive, et sur­tout, le fait qu’on est là pour aider les autres au quo­ti­dien. On leur donne des clés pour mieux com­prendre le métier et pas­ser les sélec­tions : on parle for­ma­tion, conte­nu du tra­vail, salaire, avan­ce­ment, et tout ce qui peut les inté­res­ser. Pour aller plus loin, on a même orga­ni­sé une manœuvre dans leur lycée. Ils ont par­ti­ci­pé avec nous, dans les rôles de vic­times ou de requé­rants, pour qu’ils se sentent vrai­ment au cœur du métier.


Mon capi­taine, avez-vous un mes­sage à ajouter ?


Même si je n’aime pas trop le dire, oui, je suis le pre­mier com­man­dant d’unité issu du dis­po­si­tif des JSPP. Mais ce que je veux sur­tout mettre en exergue, c’est que ce pro­gramme est vrai­ment une clé de réus­site. Il apporte beau­coup à la BSPP et peut per­mettre de for­mer de futurs pom­piers de Paris, qu’ils deviennent mili­taires du rang, sous-offi­cier ou offi­cier. Les JSPP, sont comme un incu­ba­teur, un endroit où l’on peut vrai­ment miser pour l’avenir de la Brigade.


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