Grands formats — La rédaction d’ALLO DIX-HUIT s’est faufilée parmi les recrues pour découvrir le plateau technique. Cette appellation générique englobe tous les outils pratiques d’instruction, sans les confondre, entre la halle de la manœuvre et les aires de manœuvre. Petit tour d’horizon de l’instruction pour nos soldats du feu de demain.
À l’arrière du site de LIME (géographiquement à cheval sur les communes de Limeil-Brévannes et Valenton), juste à côté du bâtiment état-major-base d’instruction (EMBI), se trouve un hangar de 2 500 m² dédié à l’instruction. Il s’agit de l’un des principaux outils pédagogiques de l’école : la halle de la manœuvre (HM). À peine entrés à l’intérieur, nous ressentons une ambiance toute particulière. Les voix graves des instructeurs résonnent dans tout le hangar. De jeunes sapeurs-pompiers courent en tous sens sous les tintements des échelles.
Première vision pour l’équipe de rédaction d’ALLO DIX-HUIT : la tour d’instruction massive de trois étages qui domine le hangar. Affairée autour de ses quatre faces, une section de jeunes recrues s’exerce au franchissement de balcon sous le regard avisé des instructeurs. « Balcon testé », « servant montez », « tournez ». On entend les voix hésitantes des binômes occupés à la tâche. Certains doivent affronter leurs peurs et notamment celle du vide, encouragés par les instructeurs et leurs camarades. Bien évidemment, tous parviennent à surmonter l’obstacle.
Au pied de la tour, d’autres élèves s’exercent au maniement des échelles, tel des acrobates, certains parviennent même à la faire tenir en équilibre sur leur menton ! Pourtant, la zone sur laquelle ils s’exercent ressemble à s’y méprendre à une autoroute. On peut même apercevoir des voitures et une citerne percée et fuyarde. Il s’agit en réalité de la zone d’exercice de secours routier et de la citerne pour les cas pratiques des spécialistes NRBC, permettant de simuler des conditions réelles d’intervention sur autoroute et en ambiance chimique. Juste à côté, le parcours du sapeur-pompier se fond dans le décor.
UN RYTHME EFFRÉNÉ
Non loin des sauveteurs en herbe, un formateur enseigne à ses élèves le relevage au moyen du harnais. Si l’élève ne dépasse pas le maître, il parvient tout de même à porter sur son dos un camarade bien plus lourd. Décidément, on découvre une manœuvre différente à chaque coin de la halle !
À peine le temps de se retourner que nous nous retrouvons emportés par toute une section. Les crânes rasés gravissent un escalier de métal pour déboucher sur une grande mezzanine surplombant la halle de la manœuvre. Ils s’arrêtent au niveau de toitures indoor : tuile, ardoise, zinc, etc. Toutes les variantes auxquelles le sapeur-pompier risque d’être confronté ont été reproduites pour servir d’illustration. D’ici, le moniteur commence un nouveau cours théorique. Mais là encore, les découvertes s’enchaînent. Un de ses homologues, de l’autre côté, réalise un dispositif de descente pour une section. Depuis la mezzanine, l’équipe d’ALLO DIX-HUIT comprend vite que la halle de la manœuvre n’a pas dévoilé tous ses secrets…
Voici la station de métro ! Et pas n’importe laquelle : station Sainte-Barbe. Ici encore, la simulation est plus vraie que nature. Le panneau de direction indique même les prochaines stations en direction du terminus du Sarce : 18 septembre 1811, Exutoire, la poupée qui tousse ou encore le Riff ! Au pied de la station, les rails serviront aux manœuvres et une vraie voiture de métro a été installée par la RATP.
Dernier secret, caché au sous-sol de la halle : le MEPAR (module d’entraînement au port de l’appareil respiratoire). Ce véritable labyrinthe de portes, de couloirs et de salles obscures pourra être enfumé à souhait pour les exercices. En résumé, une halle de manœuvre particulièrement complète et variée pour l’instruction.
Lieutenant-colonel Benoît Le Vaillant
La vision des chefs
Le lieutenant-colonel Benoît Le Vaillant, commandant en second du groupement de formation instruction et de secours (GFIS), est l’un des acteurs majeurs de la transition du fort de Villeneuve-Saint-Georges vers le site de LIME.
Quelles sont les principales plus-values du nouveau plateau technique pour la formation ?
Le plateau technique permet au GFIS de regrouper l’ensemble des formations sur le site école de LIME. Avec la halle de la manœuvre, les aires de manœuvre, les caissons d’incendie, le plateau du CFNRBC, le bâtiment des cas concrets ou encore la cour du CFSAV, tous les sapeurs-pompiers de la BSPP à l’instruction seront désormais basés au même endroit. Ce regroupement nous permet aussi d’optimiser l’emploi de nos moyens, notamment les outils pédagogiques et les engins dédiés. Il faut tout de même rappeler que le GFIS est le groupement qui brûle le plus (rires).
De manière plus globale, que change ce déménagement pour le GFIS ?
Le mot d’ordre, c’est la centralisation. Le GFIS sera le seul groupement à « former corps » sur le principe régimentaire historique. C’est-à-dire que nous regroupons nos quatre compagnies et leurs commandants d’unité sur un même site, sous les ordres d’un chef de corps. On se calque ainsi sur les autres écoles militaires telles que l’ENSOA et les écoles d’application de l’armée de terre. Pour gérer cette organisation, nos 8 000 stagiaires annuels et tous les outils nécessaires à une bonne formation, nous nous sommes dotés dès 2022 d’une direction générale de la formation (DGF). C’est elle qui pilote l’emploi du temps, calibre, vérifie et met en ligne tous les cours, gère les espaces pédagogiques, valide les évaluations et soumet les résultats à l’état-major de la BSPP. L’un des outils primordiaux choisis pour cela est le logiciel Hyperplanning®, en œuvre dans l’enseignement national et qui permet une gestion fine et permanente de l’école.
L’école revêt aussi un intérêt pour la préservation de l’environnement ?
Oui bien sûr, c’est un objectif secondaire mais bien pris en compte par l’école du sapeur-pompier de Paris d’aujourd’hui et de demain. Un réseau de canalisations courant sous les aires de manœuvre et la voirie récupère les eaux de pluie et d’extinction pour les stocker sous la place d’arme, dans d’immenses cylindres de plusieurs centaines de m3. Mises sous pression, elles alimentent des poteaux et bouches d’instruction. Nous traitons également les fumées dégagées lors des brûlages dans les caissons. C’est une nécessité car, moins isolée que ne l’était le fort de Villeneuve-Saint-Georges, l’école est à proximité de sites sensibles.
Quels sont les prochains enjeux pour le GFIS ?
En premier lieu, il faut terminer les chantiers. Quatre modules pédagogiques essentiels restent à intégrer au plus tôt : le plateau du CFNRBC, le bâtiment du protocole HPI, les plateaux de cas concrets et la maison du feu. Les trois premiers outils ne posent pas de problème au bureau soutien de l’infrastructure (BSI). En revanche, la maison du feu va nécessiter une conception-réalisation pointue : en effet, si la technologie est connue et maîtrisée, il va falloir intégrer un simulateur à gaz avec plusieurs dizaines de brûleurs à l’intérieur d’une structure de trois étages, déjà exploitée et à usages multiples. Le second enjeu est la coordination harmonieuse, efficace et soutenable de ces formations diversifiées et nombreuses, sur ce site qui va fourmiller – jusqu’à 700 stagiaires simultanément : le soutien sans faille, la logistique précise et adaptée et enfin une organisation millimétrée seront de mise chaque jour sur le site de la « fabrique » qui ne s’arrête jamais de « former pour sauver ».
Nota : LIME (comme Limeil-Brévannes) est le quadri-gramme du LSO (lieux de stationnement opérationnel) du site dans ADAGIO.
Une fois la visite de la halle terminée, l’équipe de rédaction découvre le plateau incendie, divisé en deux parties, de part et d’autre de la halle de la manœuvre. Ce plateau accueille deux caissons d’observation, deux caissons d’attaque et deux caissons FGI. Et, première européenne, un caisson modulaire en duplex avec box à backdraft, complète l’inventaire. Pour parfaire l’ensemble, une VL SIMGAZ et un mur mobile avec coffret gaz qui simulent des fuites enflammées et un feu en façade seront livrés sous peu. Les ouvriers travaillent actuellement à la mise en service de ce complexe particulièrement moderne. D’ici là, les sections exploitent encore les caissons du fort de Villeneuve-Saint-Georges et du centre de formation des cadres (CFC).
Nous nous rendons ensuite à la seconde grande zone d’instruction de LIME : l’aire de manœuvre. Concrètement, il s’agit d’un grand espace entre deux façades de l’état-major-base d’instruction (EMBI) dédié à l’instruction pratique des sapeurs-pompiers. Ici, l’ambiance est similaire à la halle de la manœuvre, exception faite du nombre d’engins stationnés sur le bitume. Et d’ailleurs, il n’y a pas seulement des recrues sur l’aire, mais également de futurs conducteurs d’engins-pompe. Cette scène donne déjà un aperçu de l’avenir proche de LIME, où recrues, élèves caporaux, élèves caporaux-chefs ou encore écheliers se croiseront entre leurs manœuvres respectives.
L’AVENIR EN MARCHE
Sur l’aire, on peut apercevoir deux EPA complètement déployées. Les jeunes élèves doivent ainsi grimper tout en haut, se suspendre et crier leur nom et leur matricule. Un exercice par lequel tous les sapeurs-pompiers de Paris sont passés mais, en 2022, c’est à LIME que ce passage obligé se déroule désormais. En attendant leurs petits camarades qui gravissent les échelons, les formateurs ont une idée originale : faire des pompes ! « UN, DEUX, TROIS… » beugle la section en chœur, face contre terre. En parallèle, d’autres élèves poursuivent la formation en travaillant avec les échelles à crochets et les échelles à coulisse, sur une façade qui rappelle les fameux fossés du vieux fort.
Bien sûr, il reste encore un certain nombre d’outils pédagogiques à mettre en place. Dans une aile du bâtiment EMBI, les futurs plateaux de cas concrets sur quatre étages représentent un total de 1 000 m². Ces locaux serviront à simuler les lieux habituels d’intervention : chambres d’hôtel, mansarde, salle de restaurant ou encore accueil des urgences. Non loin de la place d’armes, une dalle en béton marque le futur plateau du CFNRBC composé d’égouts factices, d’un arbre à fuites et de la citerne citée plus haut. Non loin, sur la place d’armes, l’espace est optimisé : les lignes blanches des pistes de maniabilité voient déjà les apprentis conducteurs transpirer sur des manœuvres délicates et précises, sous l’œil attentif des moniteurs de la cellule d’instruction élémentaire de conduite agréée (CIECA).
Une fois le tour des plateaux techniques effectué, l’équipe de rédaction achève sa visite à l’espace de restauration de la base vie. Dans le sillage des sections qui chantent en chœur, une chose particulière se fait ressentir : l’esprit du fort de Villeneuve-Saint-Georges habite ces murs neufs !
Sergent-chef Stéphane Le Page
« CE SITE EST UNE FORMIDABLE FABRIQUE DU SAPEUR-POMPIER ! »
Nous avons rencontré le sergent-chef Stéphane Le Page, chef de section à LIME. Arrivé il y a deux ans au fort de Villeneuve-Saint-Georges, le sous-officier a vécu le déménagement de l’intérieur. Il nous donne ses premières impressions sur les plateaux techniques !
Quel est votre parcours au sein de la BSPP ?
La plus grande partie de ma carrière se déroule au 2e groupement. Durant mes huit premières années de service, je sers à la 1re compagnie, d’abord à Chaligny, puis à Nativité. Suite à mon passage au grade de sergent, j’ai été muté à Créteil (17e cis). Avec l’obtention du certificat de chef de garde incendie (CCGI), je rejoins Poissy où j’occupe, pendant trois ans, la fonction de chef de garde incendie. À quinze ans de service, souhaitant changer d’environnement, je rejoins le GFIS pour devenir chef de section adjoint. Je suis donc arrivé à Villeneuve en pleine phase de transition !
Quelles raisons vous ont amené à devenir un chef de section de la CDF1 ?
Mon choix se dirige naturellement vers la formation des recrues. Après quinze ans d’opérationnel en centre de secours, je souhaitais réellement passer du côté « formateur » : enseigner les techniques du sapeur-pompier mais surtout inculquer les valeurs, l’état d’esprit et l’éthique du militaire. Ce travail est particulièrement enrichissant puisque j’essaie de me retrouver à l’époque où j’étais moi-même sapeur ! À mes yeux, le but n’est pas de changer la nature de mes recrues mais plutôt de la développer. Dans les faits, je dispose de quatre mois pour les préparer. Qu’ils s’adaptent à tout type de situations en service intérieur, extérieur ou en opération.
Comment êtes-vous parvenu à gérer le déménagement du fort à LIME ?
Cette période fut très dense. Nous devions procéder au déménagement tout en assurant les cours et le suivi de nos recrues. L’enjeu était que nos sapeurs ne ressentent pas ce déménagement dans leur formation, la qualité de l’instruction restant la priorité absolue. Le commandement nous a bien guidé dans la manœuvre afin de procéder de façon méthodique. De plus, j’ai pu avoir une participation active de mes gradés, ce qui a prouvé une fois de plus que je pouvais compter sur eux !
Qu’apportent les différents plateaux techniques à la formation des recrues ?
Le site de LIME offre de multiples possibilités en termes de cours pratiques. Lors des manœuvres, nous pouvons fournir des scénarios variés et crédibles afin de nous rapprocher au plus près de la réalité. Je pense notamment à l’aire métro, à la parcelle d’autoroute ou encore au sous-sol de la halle de la manœuvre avec ses couloirs et cheminements complexes, permettant de travailler les reconnaissances d’attaque. La maison de la manœuvre apporte aussi une diversité opérationnelle très variée notamment dans le travail des établissements de lance. Nous profitons de la nouveauté des installations pour innover certains scénarios afin de rendre la formation des sapeurs encore plus attractive.
Que ressentez-vous personnellement vis-à-vis de ce déménagement ?
Nous gagnons en confort et en organisation pédagogique. Certes, la formation rustique du fort devient moins prégnante mais il faut aller de l’avant et toujours gagner en performance. À terme, notre école sera capable de recevoir et de centraliser toutes les formations de la BSPP sur un seul et même site. Je pense que c’est une véritable force d’un point de vue organisationnel, pédagogique et administratif ! Enfin, l’arrivée des derniers outils pédagogiques, notamment les caissons, le PAFARI ou encore les portes Dforcible, nous permettra d’optimiser le temps de travail en minimisant ou supprimant les minutes que nous perdons dans les transports de LIME au fort de Villeneuve-Saint-Georges. En somme, de très belles perspectives pour l’avenir !