PORTFOLIO — Chaligny, l’historique !

Nicho­las Bady —  — Modi­fiée le 25 juillet 2024 à 09 h 08 

Portfolio — À l’angle de la rue Chaligny et du boulevard Diderot, au cœur du XIIe arrondissement de Paris, se situe l’un des plus anciens et probablement l’un des plus beaux centres de secours de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris.

Superbe, aty­pique, his­to­rique, remar­quable ou encore, majes­tueux : les adjec­tifs ne manquent pas lorsqu’il s’agit de décrire le centre de secours Cha­li­gny, poste de com­man­de­ment de la pre­mière com­pa­gnie du deuxième Grou­pe­ment d’incendie et de secours (GIS). Sa construc­tion a débu­té en 1883, sous l’impulsion du colo­nel Jean-Gabriel Paris, chef de corps du Régi­ment de 1879 à 1882, puis de son suc­ces­seur, le colo­nel Paul Cous­ton. Le constat du colo­nel Paris est simple : il faut amé­lio­rer les condi­tions de vie des sapeurs-pom­piers de Paris, dont les caser­ne­ments sont mal adap­tés, vieillis­sants et par­fois, insa­lubres. Il faut éga­le­ment envi­sa­ger d’installer des che­vaux en per­ma­nence dans les casernes, pour amé­lio­rer le délai de pré­sen­ta­tion des sapeurs-pom­piers sur les lieux des incen­dies ! En effet, si la trac­tion hip­po­mo­bile se déve­loppe à cette période, les che­vaux ne sont pas à demeure dans les centres de secours. Il faut les deman­der par télé­graphe à la Com­pa­gnie géné­rale des omni­bus (CGO) lorsque les pom­piers doivent par­tir en inter­ven­tion… La caserne Cha­li­gny, inau­gu­rée le 26 février 1886 par le pré­fet Eugène Pou­belle, devient alors le pre­mier caser­ne­ment du Régi­ment à être tota­le­ment adap­té aux exi­gences du ser­vice incen­die hip­po­mo­bile. Plu­sieurs casernes seront construites sur son modèle : Ternes, Malar, Plai­sance, Mont­martre, Auteuil et bien d’autres.

© Nicho­las Bady

Par­mi les élé­ments remar­quables du centre de secours, sa façade. Pro­té­gée par ses deux gué­rites, la devan­ture du bâti­ment est un véri­table tré­sor d’architecture pari­sienne, avec ses belles pierres de taille en cal­caire luté­tien et ses nom­breux orne­ments, tra­vaillés dans les moindres détails par l’architecte Georges Rous­si. La façade est com­po­sée en trois par­ties. La par­tie basse est dédiée à l’imposante porte d’entrée du bâti­ment. Elle est entou­rée de deux colonnes et sur­mon­tée d’un mas­ca­ron sculp­té par Louis Oscar Roty, connu pour être l’auteur de La Semeuse. Le fron­ton de la caserne repré­sente le visage d’une femme, entou­ré de feuilles de chêne et de lau­rier, d’un casque à cimier, de cordes, d’une lance, d’un seau et d’une hache. La par­tie cen­trale de la façade se dis­tingue par son ins­crip­tion « sapeurs-pom­piers », située au-des­sus de six grandes fenêtres dis­po­sées sur deux étages. La par­tie haute com­plète l’ensemble avec la toi­ture et trois autres fenêtres riche­ment décorées.

Chaligny en images

Photos : SCH Nicholas Bady et CCH Nicolas Breiner

Construit pour déca­ler. La revue géné­rale des indus­tries fran­çaises et étran­gères, Le Génie Civil, a consa­cré plus de quatre pages, en avril 1886, au centre de secours Cha­li­gny. Un pas­sage consa­cré aux remises est tout par­ti­cu­liè­re­ment ins­truc­tif : « Les remises ouvrent direc­te­ment sur la rue de Cha­li­gny ; c’est celle de la pompe à vapeur qui doit sur­tout atti­rer notre atten­tion. Elle contient, pour le ser­vice d’incendie, une pompe à vapeur, la voi­ture porte-tuyaux ; chaque appa­reil est pla­cé dans l’axe de la baie par où il doit sor­tir ; il est d’ailleurs facile de cir­cu­ler autour de cha­cun d’eux. Der­rière ces appa­reils sont ména­gées des stalles pour les che­vaux tout har­na­chés qui, au pre­mier signal, vont se pla­cer d’eux-mêmes aux timons. Quant à la pompe à vapeur, elle peut être mise rapi­de­ment en état de fonc­tion­ner. Elle est en com­mu­ni­ca­tion, au moyen d’une tubu­lure, avec une petite chau­dière tubu­laire, ins­tal­lée dans le sous-sol de la remise, laquelle est chauf­fée au gaz et main­te­nue à une pres­sion de 3 kilo­grammes envi­ron. […] Les robi­nets de rac­cords d’arrivée et de départ de la tubu­lure de com­mu­ni­ca­tion sont ouverts ; seul un robi­net pla­cé sur cette tubu­lure est fer­mé, il est manœu­vré par un déclen­che­ment élec­trique mis en mou­ve­ment en même temps que la son­ne­rie d’alarme. La chau­dière de la pompe peut être ain­si conve­na­ble­ment rem­plie en 34 secondes. Pen­dant ce temps, le feu de la chau­dière, tout pré­pa­ré, est allu­mé, les che­vaux, venus aux timons, ont été atte­lés, les portes se sont ouvertes auto­ma­ti­que­ment avec la son­ne­rie d’alarme et, en une minute, la pompe à vapeur est prête à par­tir, pré­cé­dée de son dévi­doir qui a été pré­pa­ré en même temps. »

Un centre de secours his­to­rique. Aujourd’hui, trois Véhi­cules de secours et d’assistance aux vic­times (VSAV) et un Départ nor­mal (DN) ont rem­pla­cé la pompe à vapeur et ses che­vaux, mais le centre de secours a conser­vé son âme de 1886… Les nou­velles tenues de feu rouges, les casques F1-XF et les engins-pompes ruti­lants contrastent avec les pavés his­to­riques de la remise « incen­die » et confèrent au lieu une atmo­sphère unique, de ces endroits au charme éso­té­rique que seuls peuvent com­prendre les sapeurs-pom­piers de Paris les plus sen­sibles à l’histoire du Corps.

« En résu­mé, pou­vons-nous lire en conclu­sion de la revue de 1886, la caserne de Cha­li­gny est, dans son ensemble, fort bien réus­sie. On y trouve tous les per­fec­tion­ne­ments qui ont été dic­tés par les études conscien­cieuses, pour­sui­vies avec tant d’ardeur par les chefs du corps des sapeurs-pom­piers, et, en der­nier lieu sur­tout, par mon­sieur le colo­nel Cous­ton et les offi­ciers de son Régi­ment. De son côté l’architecte, mon­sieur Rous­si, a su réa­li­ser heu­reu­se­ment tous ces per­fec­tion­ne­ments en satis­fai­sant en tous points aux besoins hygié­niques et aux néces­si­tés tech­niques. » Qu’on se le dise ! 


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