RECRUTEMENT — L’agrément technique, une évaluation made in BSPP

Agrément technique : le recrutement à la BSPP

Grands formats — Pour intégrer les rangs de la BSPP, il faut pousser la porte d’un centre de recrutement de l’Armée de terre et non celle d’un centre de secours. Depuis mai 2018, l’Agrément Technique offre une possibilité innovante de mieux évaluer les futures recrues. Pendant deux jours, les candidats subissent des tests physiques pour mieux jauger leur potentiel in situ.

Myriam Jabal­lah —  — Modi­fiée le 21 juillet 2024 à 09 h 40 

Pendant le mois de novembre, une soixante de can­di­dats sont venus défendre leurs places. Agés de 18 à 25 ans, ils sont issus de toutes les caté­go­ries sociales et de toute la France. A leur arri­vée, un stress pal­pable et dif­fus se res­sent dans les rangs, une moti­va­tion à toute épreuve mais aus­si le rêve de por­ter bien­tôt un matri­cule BSPP.

TOUT DE SUITE DANS LE GRAND BAIN

La pre­mière épreuve se déroule dans l’impressionnante caserne de Mas­sé­na. C’est ici que tout com­mence. Après avoir réus­si les épreuves en dépar­te­ment d’évaluation de l’armée de Terre, ils sont convo­qués pour la deuxième par­tie de la sélec­tion : l’agrément tech­nique du recru­te­ment de la Bri­gade. L’évaluation com­mence par la nata­tion. Cha­cun donne son maxi­mum : crawl, brasse… peu importe. Ils doivent nager 100 mètres le plus rapi­de­ment pos­sible, sor­tir de l’eau pour sau­ter d’un plon­geoir de 3 mètres, puis récu­pé­rer un objet à 2,5 mètres de fond. Cette épreuve est capi­tale car elle per­met de repé­rer ceux qui ne savent pas nager avant leur incor­po­ra­tion. Pour­tant, cette capa­ci­té est indis­pen­sable à chaque pom­pier car il peut à tout moment être ame­né à secou­rir une vic­time de la noyade.

L’ARRIVÉE À VILLENEUVE

Après cette épreuve, direc­tion Vil­le­neuve-Saint-Georges. Les futures recrues ont hâte de décou­vrir la mythique voûte dont tout le monde parle.

Accueillis par deux sapeurs à l’instruction au garde-à-vous pla­cés de part et d’autre des grandes grilles vertes de l’entrée, les can­di­dats entrent dans le fort. Après le fameux pas­sage sous la voûte, ils découvrent avec curio­si­té le lieu où ils pas­se­ront poten­tiel­le­ment quatre mois, dans un ave­nir proche.

Mais ils n’ont pas le temps de rêvas­ser car c’est déjà l’heure de l’épreuve des trac­tions. Tous se rendent au gym­nase et passent un à un sous la barre fixe encou­ra­gé par le reste du groupe. Un autre point posi­tif à ce com­plé­ment d’évaluation est jus­te­ment de pou­voir appré­cier une éven­tuelle pro­gres­sion depuis le pas­sage en dépar­te­ment éva­lua­tion. Côté fémi­nin, c’est l’occasion de deman­der aux femmes de tirer un mini­mum de trac­tions puisque ce sera le cas durant la for­ma­tion. En effet, les tests de l’Armée de terre ne pré­voient mal­heu­reu­se­ment qu’un tirage à la pou­lie haute.

À la tom­bée de la nuit, la der­nière épreuve phy­sique a lieu. Elle est la plus redou­tée de tous : le par­cours pom­pier. Il ne s’agit ni plus ni moins d’une course contre la montre alliant endu­rance et force en uti­li­sant le maté­riel spé­ci­fique au métier de sapeurs-pom­piers de Paris. Tirage de dévi­doirs, par­cours pieds et main au sol, pas­sage d’obstacle char­gé d’un tuyau, pro­gres­sion sur une poutre les­tée par deux bidons de cinq litres, trac­tion à la force des bras et des cuisses d’un pneu mon­té sur une jante puis un sprint final. La fin de ce rude par­cours offre à cha­cun un pro­fond sen­ti­ment de soulagement.

Cet épui­sant test pas­sé, les futures recrues sont assem­blées sur la place d’armes quand un chant au ton grave reten­tit. Toutes les têtes se tournent. Une sec­tion marche au pas dans leur direc­tion. Les jeunes civils deviennent alors des enfants devant un spec­tacle qui les laisse bouche bée dans un silence res­pec­tueux à l’arrivée de leurs aînés ; le ton est donné.

Après le repas, ils sont réunis dans une salle de cours quand un jeune homme d’une ving­taine d’années entre et se pré­sente. Il est en fin de période d’instruction et raconte avec beau­coup d’émotion ses quelques mois pas­sés entre ces murs. Son dis­cours est poi­gnant, pas de langue de bois, pas de poudre aux yeux. « Mon adap­ta­tion ici a été très dure, je suis loin de ma famille, mes amis me manquent, je n’avais jamais tra­vaillé avant et je prends aujourd’hui conscience du mot enga­ge­ment. Le réveil « pique » tous les matins, les jour­nées sont très char­gées men­ta­le­ment et phy­si­que­ment. Je ne regrette pour rien au monde mon choix, mais je com­prends mieux les conseils de mon CIRFA, me rabâ­chant d’arriver suf­fi­sam­ment pré­pa­ré pour tenir le rythme ! Je vais bien­tôt être affec­té en com­pa­gnie d’incendie, j’ai hâte de déca­ler pour la pre­mière fois, je me sens prêt. »

L’HEURE DE VÉRITÉ

Après cette jour­née bien rem­plie, ils découvrent une très grande chambre dotée de lits super­po­sés en enfi­lade. Il est l’heure pour cer­tain d’apprendre à faire leur lit car pour la majo­ri­té, le nid douillet de chez papa et maman est tou­jours d’actualité. À 23 heures, extinc­tion des feux.

Le len­de­main, dès le lever, il faut faire sa toi­lette, mais aus­si plier ses draps, se ras­sem­bler pour le petit-déjeu­ner. Un ren­dez-vous impor­tant les attend ensuite. Le ras­sem­ble­ment entou­ré de toutes les sec­tions du fort. Moment solen­nel où cha­cun d’entre eux doit prendre conscience de l’emprunte mili­taire de la Brigade.

Puis vient l’heure de véri­té. Les che­mins se séparent, l’unité se dis­sout pour l’entretien indi­vi­duel final.

UN OUTIL DE RECRUTEMENT IDÉAL

Depuis plu­sieurs années, la Bri­gade est confron­tée à un sys­tème de recru­te­ment ne per­met­tant pas de ren­con­trer les can­di­dats sélec­tion­nés avant leurs incor­po­ra­tions. Après un gros tra­vail de tous les CIRFA de France, puis un pas­sage en dépar­te­ment éva­lua­tion excel­lem­ment réa­li­sé, une note man­quait. Si la réponse à la ques­tion « Ferait-il un bon mili­taire ? » était claire, la réponse à la ques­tion « Ferait-il un bon pom­pier ? » man­quait. Les pom­piers exercent un métier très spé­ci­fique, et une bat­te­rie de tests a été adap­tée, venant com­plé­ter l’évaluation. Les buts sont mul­tiples : affi­ner la sélec­tion d’une part, per­mettre aux can­di­dats de livrer eux-mêmes leurs moti­va­tions, mais aus­si offrir une dimen­sion réa­liste du Fort de Vil­le­neuve-Saint-Georges et de ce à quoi ils doivent s’attendre. Pour eux comme pour la BSPP, un vrai contact était néces­saire. À chaque ses­sion un ou deux jeunes se rendent compte que cette vie n’est pas faite pour eux.

Revivez cette étape de recrutement en images

CE qu’ils en pensent…

Se retrou­ver ici, c’est une chance inouïe, je me sens privilégié.

DOMINIQUE G., 25 ANS, DOSSARD NUMÉRO 12

« J’étais impa­tient de rece­voir ma convo­ca­tion pour l’agrément tech­nique. Cela signi­fiait que pour moi, l’aventure ne s’arrêtait pas là. En dépar­te­ment éva­lua­tion, mes résul­tats étaient plu­tôt bons m’a expli­qué le sous-offi­cier sur place. Main­te­nant, je dois faire face à d’autres épreuves, comme la nata­tion, ma bête noire. Il y a encore deux mois, je ne savais pas nager. Je me disais qu’avec un peu d’entraînement, je pour­rai cer­tai­ne­ment suivre à l’instruction. C’était une grosse erreur, pour réus­sir les quo­tas impo­sés pour l’agrément tech­nique, j’ai dû m’entraîner avec achar­ne­ment. J’ai fina­le­ment pas­sé le test avec suc­cès, je n’en reviens tou­jours pas. Ici, je suis le plus vieux, je sais aus­si que je n’aurai pas de deuxième chance. Hier encore, je ne connais­sais per­sonne et main­te­nant, j’ai le sen­ti­ment d’être avec de vieux copains. Je crois que c’est ça aus­si l’armée ! Se retrou­ver ici, c’est une chance inouïe, je me sens pri­vi­lé­gié. Ce matin, voir la puis­sance du ras­sem­ble­ment a encore aug­men­té ma moti­va­tion. Lors de mon entre­tien, le sous-offi­cier m’a deman­dé de faire chauf­fer mes bras pour mon éven­tuelle incor­po­ra­tion avec un sou­rire en coin. Je suis sur­veillant dans un col­lège, je rêve main­te­nant d’annoncer aux élèves que bien­tôt, je ne serai plus leur « pion » préféré ! »

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