Grands formats — Pour intégrer les rangs de la BSPP, il faut pousser la porte d’un centre de recrutement de l’Armée de terre et non celle d’un centre de secours. Depuis mai 2018, l’Agrément Technique offre une possibilité innovante de mieux évaluer les futures recrues. Pendant deux jours, les candidats subissent des tests physiques pour mieux jauger leur potentiel in situ.
Pendant le mois de novembre, une soixante de candidats sont venus défendre leurs places. Agés de 18 à 25 ans, ils sont issus de toutes les catégories sociales et de toute la France. A leur arrivée, un stress palpable et diffus se ressent dans les rangs, une motivation à toute épreuve mais aussi le rêve de porter bientôt un matricule BSPP.
TOUT DE SUITE DANS LE GRAND BAIN
La première épreuve se déroule dans l’impressionnante caserne de Masséna. C’est ici que tout commence. Après avoir réussi les épreuves en département d’évaluation de l’armée de Terre, ils sont convoqués pour la deuxième partie de la sélection : l’agrément technique du recrutement de la Brigade. L’évaluation commence par la natation. Chacun donne son maximum : crawl, brasse… peu importe. Ils doivent nager 100 mètres le plus rapidement possible, sortir de l’eau pour sauter d’un plongeoir de 3 mètres, puis récupérer un objet à 2,5 mètres de fond. Cette épreuve est capitale car elle permet de repérer ceux qui ne savent pas nager avant leur incorporation. Pourtant, cette capacité est indispensable à chaque pompier car il peut à tout moment être amené à secourir une victime de la noyade.
L’ARRIVÉE À VILLENEUVE
Après cette épreuve, direction Villeneuve-Saint-Georges. Les futures recrues ont hâte de découvrir la mythique voûte dont tout le monde parle.
Accueillis par deux sapeurs à l’instruction au garde-à-vous placés de part et d’autre des grandes grilles vertes de l’entrée, les candidats entrent dans le fort. Après le fameux passage sous la voûte, ils découvrent avec curiosité le lieu où ils passeront potentiellement quatre mois, dans un avenir proche.
Mais ils n’ont pas le temps de rêvasser car c’est déjà l’heure de l’épreuve des tractions. Tous se rendent au gymnase et passent un à un sous la barre fixe encouragé par le reste du groupe. Un autre point positif à ce complément d’évaluation est justement de pouvoir apprécier une éventuelle progression depuis le passage en département évaluation. Côté féminin, c’est l’occasion de demander aux femmes de tirer un minimum de tractions puisque ce sera le cas durant la formation. En effet, les tests de l’Armée de terre ne prévoient malheureusement qu’un tirage à la poulie haute.
À la tombée de la nuit, la dernière épreuve physique a lieu. Elle est la plus redoutée de tous : le parcours pompier. Il ne s’agit ni plus ni moins d’une course contre la montre alliant endurance et force en utilisant le matériel spécifique au métier de sapeurs-pompiers de Paris. Tirage de dévidoirs, parcours pieds et main au sol, passage d’obstacle chargé d’un tuyau, progression sur une poutre lestée par deux bidons de cinq litres, traction à la force des bras et des cuisses d’un pneu monté sur une jante puis un sprint final. La fin de ce rude parcours offre à chacun un profond sentiment de soulagement.
Cet épuisant test passé, les futures recrues sont assemblées sur la place d’armes quand un chant au ton grave retentit. Toutes les têtes se tournent. Une section marche au pas dans leur direction. Les jeunes civils deviennent alors des enfants devant un spectacle qui les laisse bouche bée dans un silence respectueux à l’arrivée de leurs aînés ; le ton est donné.
Après le repas, ils sont réunis dans une salle de cours quand un jeune homme d’une vingtaine d’années entre et se présente. Il est en fin de période d’instruction et raconte avec beaucoup d’émotion ses quelques mois passés entre ces murs. Son discours est poignant, pas de langue de bois, pas de poudre aux yeux. « Mon adaptation ici a été très dure, je suis loin de ma famille, mes amis me manquent, je n’avais jamais travaillé avant et je prends aujourd’hui conscience du mot engagement. Le réveil « pique » tous les matins, les journées sont très chargées mentalement et physiquement. Je ne regrette pour rien au monde mon choix, mais je comprends mieux les conseils de mon CIRFA, me rabâchant d’arriver suffisamment préparé pour tenir le rythme ! Je vais bientôt être affecté en compagnie d’incendie, j’ai hâte de décaler pour la première fois, je me sens prêt. »
L’HEURE DE VÉRITÉ
Après cette journée bien remplie, ils découvrent une très grande chambre dotée de lits superposés en enfilade. Il est l’heure pour certain d’apprendre à faire leur lit car pour la majorité, le nid douillet de chez papa et maman est toujours d’actualité. À 23 heures, extinction des feux.
Le lendemain, dès le lever, il faut faire sa toilette, mais aussi plier ses draps, se rassembler pour le petit-déjeuner. Un rendez-vous important les attend ensuite. Le rassemblement entouré de toutes les sections du fort. Moment solennel où chacun d’entre eux doit prendre conscience de l’emprunte militaire de la Brigade.
Puis vient l’heure de vérité. Les chemins se séparent, l’unité se dissout pour l’entretien individuel final.
UN OUTIL DE RECRUTEMENT IDÉAL
Depuis plusieurs années, la Brigade est confrontée à un système de recrutement ne permettant pas de rencontrer les candidats sélectionnés avant leurs incorporations. Après un gros travail de tous les CIRFA de France, puis un passage en département évaluation excellemment réalisé, une note manquait. Si la réponse à la question « Ferait-il un bon militaire ? » était claire, la réponse à la question « Ferait-il un bon pompier ? » manquait. Les pompiers exercent un métier très spécifique, et une batterie de tests a été adaptée, venant compléter l’évaluation. Les buts sont multiples : affiner la sélection d’une part, permettre aux candidats de livrer eux-mêmes leurs motivations, mais aussi offrir une dimension réaliste du Fort de Villeneuve-Saint-Georges et de ce à quoi ils doivent s’attendre. Pour eux comme pour la BSPP, un vrai contact était nécessaire. À chaque session un ou deux jeunes se rendent compte que cette vie n’est pas faite pour eux.
Revivez cette étape de recrutement en images
CE qu’ils en pensent…
Se retrouver ici, c’est une chance inouïe, je me sens privilégié.
DOMINIQUE G., 25 ANS, DOSSARD NUMÉRO 12
« J’étais impatient de recevoir ma convocation pour l’agrément technique. Cela signifiait que pour moi, l’aventure ne s’arrêtait pas là. En département évaluation, mes résultats étaient plutôt bons m’a expliqué le sous-officier sur place. Maintenant, je dois faire face à d’autres épreuves, comme la natation, ma bête noire. Il y a encore deux mois, je ne savais pas nager. Je me disais qu’avec un peu d’entraînement, je pourrai certainement suivre à l’instruction. C’était une grosse erreur, pour réussir les quotas imposés pour l’agrément technique, j’ai dû m’entraîner avec acharnement. J’ai finalement passé le test avec succès, je n’en reviens toujours pas. Ici, je suis le plus vieux, je sais aussi que je n’aurai pas de deuxième chance. Hier encore, je ne connaissais personne et maintenant, j’ai le sentiment d’être avec de vieux copains. Je crois que c’est ça aussi l’armée ! Se retrouver ici, c’est une chance inouïe, je me sens privilégié. Ce matin, voir la puissance du rassemblement a encore augmenté ma motivation. Lors de mon entretien, le sous-officier m’a demandé de faire chauffer mes bras pour mon éventuelle incorporation avec un sourire en coin. Je suis surveillant dans un collège, je rêve maintenant d’annoncer aux élèves que bientôt, je ne serai plus leur « pion » préféré ! »