Retour d’inter — Lundi 19 février dernier, un panache de fumée assombrit le ciel du XIIe arrondissement de Paris. En proie aux flammes, un appartement au quatrième étage menace l’ensemble de l’immeuble haussmannien de six étages, situé au 57 et 59 rue de Lyon.
Dix heures vingt : le ronfleur du départ normal vient perturber la minute de silence de l’appel des morts au feu, entamée dans la caserne de Chaligny. Sans plus attendre, les équipages du FPTL 112 et de l’EPSA 31 Chaligny, déjà en tenue de feu, prennent le départ. Le FPTL Sévigné vient compléter le départ normal. Commandé par le sergent-chef Baptiste Guillet — chef de garde — le DN se présente en cinq minutes au 57 – 59 rue de Lyon.
Un panache de fumée, noir et menaçant, se dégage déjà du bâtiment. Pas de doute quant à la localisation de l’immeuble concerné. « Lorsque je descends du fourgon, j’ai une vue sur le quatrième étage, raconte le chef de garde. Je vois un très fort dégagement de fumée, mais aucune flamme n’est visible. Je commence mon tour du feu et décide d’emprunter les escaliers. En ouvrant une fenêtre de la cage d’escalier, je constate que deux fenêtres sont allumées au quatrième étage. Malheureusement, je me retrouve limité dans ma progression par un feu d’appartement pleinement développé, qui sort déjà de son volume initial »
Conscient que l’intervention va rapidement monter en puissance, le sergent-chef Guillet place le chef d’agrès du fourgon de Sévigné à l’attaque de l’appartement sinistré, et lui délègue ses équipes. Alerté d’un danger immédiat, il ordonne le déplacement du moyen élévateur aérien de Chaligny en façade afin de réaliser au plus vite le sauvetage d’une femme. Menacée par les fumées, celle-ci s’est laissée glisser depuis la fenêtre de son appartement du sixième étage pour atteindre le balcon situé au niveau inférieur. Une mise en sécurité est également opérée au cinquième étage par l’échelle de Port-Royal. Une prise en charge rapide des victimes est effectuée par un VSAV en action au Point de rassemblement des victimes (PRV). Cette manœuvre est fluide grâce à l’anticipation par le centre opérationnel de l’envoi d’un groupe habitation.
Obscur puits de jour. Le premier obstacle auquel se confrontent les sapeurs-pompiers de Paris est une courette, située entre les deux immeubles. « Depuis le début de l’intervention, j’ai une notion de courette dont nous ne trouvons pas l’accès », expose le sergent-chef. Grâce au tour du feu du capitaine Corentin Hervé, la compréhension bâtimentaire se précise : cette courette est en réalité un puits de lumière, vecteur de propagation du feu. « Nous avons une vision directe sur ce puits de lumière transformé en véritable cheminée, duquel surgissent des flammes », note le lieutenant-colonel Guillaume Angeneau, officier supérieur de garde du 2e groupement d’incendie et de secours.
En effet, le feu, initialement localisé dans un appartement du quatrième étage au numéro 59, s’est propagé par ce moyen non seulement aux cinquième et sixième étages des deux bâtiments, mais aussi à l’étage inférieur, au 59 de la rue. « À partir du troisième, nous constatons que les logements sont traversants et forment des U autour de ce puits de lumière », précise le lieutenant-colonel Angeneau. Fort heureusement, un grillage, établi dans le puits de jour entre le deuxième et troisième étage, limite le développement du feu et l’empêche de se propager plus bas.
Fulgurantes propagations. L’autre enjeu imminent est de découvrir l’accès au sixième étage, afin d’investir sa demi-douzaine d’appartements. Problème : impossible de découvrir son accès ! Plus tard, les pompiers réalisent — grâce à la finesse d’analyse du dessinateur opérationnel — l’existence d’un accès à l’escalier de service au rez-de-chaussée, derrière une porte en trompe‑l’œil.
Quant à la monumentale cage d’escalier, également en feu, elle ne dessert pas le dernier étage. Seul l’escalier de service permet de s’y rendre. La spécificité de cet étage réside dans le fait qu’il n’est pas recoupé : le couloir qui dessert les logements traverse le bâtiment de part en part, du 57 au 59. Le risque de propagation, déjà menaçant, y est accru. « Nous avons un feu de plusieurs appartements, à plusieurs niveaux, avec des cages d’escaliers embrasées qui vont nous contraindre dans les accès », constate le capitaine Hervé — officier de garde de la 1re compagnie.
Le feu s’est développé à l’étage supérieur : les protagonistes déploient leurs efforts afin de l’éteindre au plus vite et d’accéder par la suite au dernier étage, celui-là même qui fait l’objet de toutes leurs préoccupations. Seulement, la structure de cet immeuble haussmannien est essentiellement composée de bois, dans la charpente comme dans ses murs, facilitant ainsi la propagation du feu. Les flammes ont désormais investi non seulement le sixième étage, mais aussi la toiture des deux immeubles.
L’intervention monte en puissance : le lieutenant-colonel Angeneau prend alors le commandement des opérations de secours. Il établit une sectorisation en fonction de ses trois préoccupations majeures : l’investissement au dernier étage, la propagation du feu à la toiture, ainsi que la mise en place d’un moyen permanent pour monter en puissance sur la voie adjacente, la rue Biscornet.
« Maître du feu ». Afin d’accéder au toit et d’y circonscrire le feu, le Bras élévateur aérien (BEA) Montreuil est mobilisé avec un groupe de Recherche et de sauvetage en milieu urbain (RSMU). « Nous avons fait deux lignes d’arrêt afin de circonscrire le périmètre et afin de restreindre progressivement la propagation du feu aux poutres de la toiture qui se consument », déclare le lieutenant-colonel Angeneau.
D’autre part, le point de situation entre le lieutenant-colonel Angeneau et le capitaine Hervé permet de mettre en évidence les difficultés à l’attaque de l’appartement du quatrième étage du 59 rue de Lyon. Le feu fait rage dans cet appartement particulièrement chargé. Une fine coordination des moyens permet de procéder à une attaque croisée à travers le puits de lumière par le chef d’agrès du fourgon de Sévigné depuis le numéro 57.
Pour finir, le vétérinaire du véhicule de risque animalier (VRA) sauve deux chats effrayés, encore situés sur la bâtisse fumante.
12 h 27. La sentence tombe. « Maître du feu ». Mission accomplie avec brio ! « Ce qui a été déterminant dans cette intervention, c’est le parfait engagement de chaque intervenant à son niveau. », souligne fièrement le lieutenant-colonel Angeneau.